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Commentaires préliminaires sur iTrameur et sur la portée de l’analyse

Le Trameur ou iTrameur, la version en ligne que nous avons utilisée, est un programme, développé par le professeur Serge Fleury, capable de réaliser plusieurs types d’analyses sur des textes de manière automatique. Les données statistiques, sémantiques et textométrique que le logiciel produit sont d’une importances majeure à l’heure d’analyser un texte dans toutes ces dimensions. Entre les nombreux usages du programme, nous l’avons exploité pour explorer les données textuelles récoltées, en particulier, avec le but de révéler le sens des mots choisis dans leur contexte. En effet, nous avons profité du logiciel pour réaliser des opérations, nommés « classiques », comme l’exploration de données sur le dictionnaire, le concordancier, le graphique de ventilation, sur les cooccurrents, etc.

Toutes les données extraites à travers notre script ont été formatées pour être acceptées par iTrameur. En effet, le logiciel n’accepte que des textes au format brut et encodés en UTF-8. En plus, la concaténation de différents dumps en un seul fichier, la division en parties, la recherche de l'uniformité des motifs et le nettoyage sont des pas nécessaires afin d’obtenir une bonne analyse.

En ce qui concerne l’analyse proprement dite, il faut souligner que nous avons fixé l’extension du contexte à analyser selon la moyenne de mots présents dans une phrase dans chacune des langues. Ainsi, au moment d’analyser le corpus en espagnol, nous avons travaillé avec des contextes de 15 mots. En anglais, au contraire, nous avons défini des contextes de 10 mots. Les mots travaillés sont ceux qui ont une fréquence d’apparition supérieure à 5. En outre, tout au long de l’analyse, nous avons supprimé les occurrences des mots grammaticaux ou stop words, si nous le croyions pertinent.

Finalement, il est important de mentionner que les résultats, l’analyse et les nouvelles hypothèses sur lesquelles nous nous sommes aventurés et que nous détaillerons ci-dessous, doivent être considérés comme une première approximation à la problématique. Toutes les affirmations formulées devront être renforcées par l’analyse d’un corpus plus large.

Espagnol

Les contextes des mots « apátrida » et « apátridas » n’ont pas présenté de différences significatives pour être analysé individuellement, donc nous regrouperons les résultats trouvés.

Le mot au pluriel est le deuxième mot avec le plus d’occurrences dans le texte, en dehors des mots grammaticaux, après le mot « nacionalidad ». Cela nous semble intéressant car il anticipe le problème central de l’apatridie : l’apatride est marqué par la privation et par la carence en terme général, causées précisément par l’absence de nationalité. En effet, si nous regardons le contexte de l’emploi du mot, on constate effectivement ce ton négatif.

En ce qui concerne les mots qui nous intéressent, on vérifie rapidement que les mots, dans leur forme singulière, comme dans leur forme plurielle, sont utilisés comme des attributs ou dans une construction prédicative, malgré le fait que ce soit aussi un nom. En tant qu’adjectifs, ils modifient la plupart du temps, selon la fréquence d’occurrence, le nom « personas », en créant ainsi le syntagme nominal plus utilisé.

En outre, comme nous pouvons le voir dans l’image ci-dessous, « apatridas » et « apatrida » sont utilisés très fréquemment dans les définitions du phénomène de l’apatridie. Dans la majorité des cas, les articles que nous avons consultés ont tendance à définir les mots « apátrida » et « apátridas » dès le début.

Même le mot « millones », qui est très fréquemment à côté d’« apatridas », donnant une précision un peu générique sur la population apatride, sert a dimensionner et mettre en avant un phénomène qui, apparemment, a encore besoin de se faire connaître. Souligner le nombre d’apatrides est une façon de conscientiser l’importance de l’apatridie.

En effet, nous pouvons aventurer une première affirmation et une hypothèse qu’il faudrait revérifier avec un corpus plus large : les articles en espagnol autour l’apatridie semblent avoir une tendance à définir le problème, de le doter de sa dimension réelle et de vouloir le rendre visible. Peut-on penser que le fait d’utiliser la forme adjectivale du mot et non sa forme substantive est lié à l'ignorance générale que l'on a du sujet ?

Les mots sont aussi définis par l’aspect légal du phénomène, grâces aux occurrences des mots « estatuto » ou « convención » (« Convention relative au statut des apatrides ».

En outre, il est important de mettre en évidence deux figures entres les apatrides : les réfugiés et les enfants apatrides. En ce qui concerne les premiers, dans notre corpus, ils sont mentionné afin de distinguer les apatrides refugiés des apatrides non réfugiés. D’après la ligne interprétative que nous suivons, prolongeant ainsi notre hypothèse, nous pouvons souligner que la nécessité de définir ce qu’est l'apatridie oblige aussi à délimiter ce qui ne l'est pas. Finalement, en ce qui concerne les enfants apatrides, il est à noter que la figure de l'enfant est un concentré de carences graves. En effet, après l’analyse du contexte des mots, nous constatons que le ton de leur utilisation est celui de l'urgence, de la vulnérabilité, mais aussi de l'ignorance et du besoin pressant d’en déterminer une définition appropriée afin de donner plus de visibilité au problème.

D'autre part, le contexte du mot « apatridia », nom qui définit le phénomène, est assez différent. En effet, les verbes qui l’entourent impliquent bien souvent l’idée que l'apatridie n'est pas considérée comme un problème à décrire mais plutôt comme un risque encore latent qu’il faut éradiquer. Le plan de 2024, ayant comme objectif d'éradication de l’apatridie dont les articles consultés font écho est un exemple clair.

Cet accent mis sur la nécessité de résoudre le problème ne se place pas dans un cadre juridique, là où les efforts vont effectivement être dirigés, mais plutôt à partir de la volonté politique, exprimée par les différents verbes qui apparaissent, d’affronter le problème. Si des adjectifs ont été utilisés pour définir la problématique, le substantif vient le conceptualiser et permet en termes de discours de lutter contre le phénomène de l'apatridie.

Dans notre corpus, en définitif, le fait d'être apatride comprend, selon les mots et les contextes qui le définissent, deux moments. C’est un concept qui semble méconnu, mal défini et dimensionné. Il est contextualisé la plupart du temps sous sa forme adjective et sa forme substantive conceptualise un objet sur lequel il semble urgent mobiliser des politiques vouées à son éradication.

Anglais

Si l'on se concentre sur les coocurrences les plus fréquents en anglais, le scénario n'est pas très différent de celui observé en espagnol. Des mots comme « persons » ou « people » sont modifiés par l'adjectif « apatride » formant les phrases nominales les plus fréquentes. Cependant, en anglais, nous avons trouvé certains termes qui n'apparaissaient pas en espagnol. « Poor », « livehoods » et, à cause de son usage spécifique, « formerly » expriment une dimension jusqu'ici non traitée du problème de l'apatridie.

Dans le cas de « formerly », mais aussi de l'usage des autres mots cités ci-dessus étroitement liés à l’apatridie, l'accent est mis sur l'avenir des personnes qui ont été autrefois apatrides et qui subissent les conséquences de leur statut juridique antérieur.

Que ce soit en raison de problèmes idiosyncratiques, de stratégies discursives ou parce que le problème de l'apatridie est plus connu, il n’est plus question de l’aborder comme une dette légale à résoudre. Il s’agit plutôt dans ce contexte de mettre en avant les problèmes liés à la qualité de vie et aux moyens de subsistance des personnes ont été apatrides (on insiste, par exemple, sur la nécessité de récupérer des informations auprès d'anciens apatrides pour évaluer leur « livehoods »). En comparison avec l'usage en espagnol des mots utilisés, on peut ajouter que le mot apatride ne semble pas devoir être défini en anglais. On peut aussi souligner la présence, moins forte, d’un autre sujet de discussion : le droit de renoncer à la nationalité et d’être apatride pour propre volonté.

Du côté du mot « statelessness », son usage est presque le même qu’en espagnol. On voit que le contexte lexical associe ce mot aux objectifs d'éradication de l'apatridie qui, en effet, sont partagés à niveau international. La connotation, donné par ce contexte textuel, de risque et d'association avec le volontarisme politique et la nécessité de lutter contre le patrimoine s'exprime presque à travers les mêmes mots qu’en espagnol.

Cette homogénéité des articles, bien qu’ils ne proviennent d'autres sites Internet, nous fait penser que l'information, étant si limitée, et le problème de l'apatridie ne sont pas assez généralisés. Ainsi, les discours autour de cette problématique sont le plus souvent traiter de la même manière dans les différentes langues. Nous supposons, mais il serait nécessaire de le vérifier, que les organisations officielles et non gouvernementales concentrent correctement ces informations qui sont ensuite reproduites par tous les autres journaux en ligne.

Français

Dans le mot « apatrides », en anglais comme en espagnol, le syntagme nominal le plus utilisé est toujours « personnes apatrides ». En français, cependant, le mot « réfugiés » est l’un de ses cooccurrents les plus fréquents. En examinant de plus près leur contexte d’usage, on peut faire quelques remarques d’importance, au-delà de leur forte fréquence d’occurrence.

Tout d’abord, on constate une présence majeure de ces mentions pour l’Afrique et le Moyen orient, deux endroits du monde où la France, en tant que pays au passé colonial, qui mène diverses guerres locales et internationales, y est plus attentive. Ensuite, le mot « réfugiés » apparait dans le contexte où se définit la différence entre « apatrides » et « réfugiés », comme on l’a vu en espagnol. Cela renforce notre hypothèse d’un discours autour du phénomène plus ou moins homogène. Nous allons le traiter plus en profondeur par la suite.

En ce qui concerne la qualité de vie et le futur des apatrides dans la société, le mot le plus utilisé est « protection ». Bien que l’on puisse rencontrer ce mot en espagnol et qu’il ait un sens large, son nombre d’occurrences en français est double. Par ailleurs, l’idée de protection est loin d’être semblable à celle que l’on trouve en anglais. Ce mot se réfère à la protection de l’état français et de ses lois, à la protection sociale. Il semble que c’est l’état, qui a la responsabilité de garantir un avenir aux apatrides, via un office national et non international, en charge des apatrides : l’OFPRA, Office Français des Réfugiés et des Apatrides. De plus, pendant qu’en anglais nous avons trouvé, mais en moindre mesure, un débat sur l’apatridie volontaire, ce débat ne semble pas possible en français.

En outre, un autre problème se présente autour des mots « créer » et « déchéance ». Il s’agit d’un débat autour des conséquences de la perte de nationalité par décision de l’état français. En effet, bien que la déchéance de nationalité puisse produire de nouveaux apatrides, l’état français a entamé une discussion sur la possibilité de revoir les lois qui la définissent, afin de condamner les responsables d’actes terroristes. Malgré la fin de ce débat en 2015, le sujet reste encore actif sur le web.

En ce qui concerne l’emploi du mot « apatride » au singulier, on rencontre quelque chose d’intéressant. On voit apparaitre de nombreux noms propres d’apatrides, concentrés seulement dans quelques articles, ce qui n’est le cas ni en anglais, ni en espagnol.

Si l’on observe de plus près les résultats obtenus à partir du mot « apatridie », nous constatons qu’ils ne sont pas très différents de ceux trouvés en anglais et en espagnol.

Cela renforce l’hypothèse évoquée plus haut. Les discours sur l’apatride sont rendus homogènes par des sources officielles non gouvernementales. Bien que des différences nous soient apparues dans chacune des langues, les données, les objectifs et la plupart des termes sont les mêmes, soit en raison du peu de connaissance sur le sujet, soit parce qu’il s’agit d’un sujet de peu d’intérêt de la part de l’opinion publique. Les discours qui sont chargés de rendre le problème visible sont assez similaires.

Russe

Le russe étant une langue à déclinaison, les occurrences du mot « apatride » varient en fonction du cas grammatical (de la désinence) du mot. Апатрид (forme indéterminée de апатрид et cas nominatif de апатрид au singulier) ne donnant pas de résultats assez significatifs pour être analysables, nous avons donc analysé le même mot au singulier et au cas génitif : апатрида.

Les mots les plus fréquents se rapportent au statut d'apatride (статус — statut, гражданина - citoyen), à son aspect « bureaucratique » (документ — document, удостоверения — certificat) au fait d'obtenir ou de perdre sa citoyenneté (лишает — prive, получить – obtenir). On parle également de société (общество), mais à moindre fréquence. Une occurrence inattendue est профсоюзы — les syndicats professionnels. De quelle manière les syndicats sont-ils liés à l'apatridie ?

Les apatrides étant également un groupe de nombreuses personnes, nous avons également analysé le contexte de апатриды (nominatif pluriel de апатрид, qui veut dire « apatrides ».

Cette forme de апатрид est utilisée dans un contexte nettement plus axé sur l'aspect « migratoire », que l'on voit entre autres grâce à l'adjectif « migratoire » (миграционная). On parle ici d'étrangers (иностранцы), d'immigrants clandestins (нелегалы), d'identification (идентификация), de déportation (депортация) et de légalisation (легализация).

On pourrait donc conjecturer ici que selon la classe grammaticale de « apatride » (adjectif, ou substantif/nom), le contexte d'usage diffère plus ou moins drastiquement : l'adjectif représente un attribut, un statut, et est plutôt neutre, tandis que le nom représente un groupe de personnes étrangères à gérer (mais l'utilisation du substantif n'est pas plus humanisante ou positive).

Апатридов, la forme génitif pluriel de апатрид qui a plus d'occurrences que la forme nominative, confirme-t-elle cette conjecture ?

La forme апатридов semble combiner l'aspect de statut juridique et l'aspect « migratoire » de « апатрид ». Ce qui se réfère au statut : статус (statut, 2 formes différentes). Ce qui se réfère à la migration : депортированными (déportés), иностранцев (étrangers), переселенцев (immigrés).

Nous y voyons également un aspect spécifique à la Russie et/ou aux pays d'ex-URSS avec постсоветских (post-soviétiques) – l'apatridie est donc bien un problème local, un problème qui concerne les pays russophones. En effet, de nombreux citoyens soviétiques sont devenus apatrides à la suite de la chute de l'URSS, fait de société persistant même aujourd'hui.

Certaines occurrences se réfèrent aussi à la Convention des Nations Unies de 1954 relative au statut des apatrides : 1954, конфедерации (fédération), правозащтников (défenseurs des droits humains). Ainsi, les contextes d'utilisation de la forme génitif pluriel de апатрид sont plus nuancés et nous donnent une vue plus multilatérale sur l'apatridie.

En plus du mot « apatride », nous avons aussi travaillé sur « apatridie ». L'équivalent russe de ce mot est безгражданство. La forme nominative n'étant pas présente dans le corpus, nous analyserons donc sa forme génitive, безгражданства

Ici, l'apatridie est traitée comme un fait de société et un problème massif à résoudre : сокращении, сокращению (réduction. Ce mot est le plus fréquent !), риском (risque), явления (phénomène), глобальной (globale), массового (de masse).

De plus, on se réfère souvent à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie avec 1961, конвенцию, конвенции (convention), оон (ONU), увкб (l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés). Безгражданство, dans ce corpus, se réfère donc plutôt à un problème d'apatridie global plutôt qu'à un problème local.

Conclusions

Que la langue soit le français, l'anglais, l'espagnol ou le russe, les contextes des mots « apatride » et « apatridie » nous font généralement passer le message que l'apatridie est un phénomène global à contrecarrer. Les contextes montrent que ce phénomène est traité en ligne sous plusieurs angles : juridique, migratoire, comme phénomène local ou global. Nous avons vu que les discours sur l'apatridie sont assez similaires dans toutes les langues, créant ainsi un discours homogène, presque officiel, contre ce problème.

Cependant, dans les contextes du mot adjectival « apatride », au singulier et au pluriel, nous trouvons quelques nuances à souligner. Par exemple, en anglais, nous constatons qu'il existe un intérêt concret pour l'amélioration de la qualité de vie des gens, en termes matériels, ce qui n'apparaît pas de cette façon dans les autres langues. De la même manière, on a vu qu'en français, la présence de l'Etat national, et non plus d'un organisme international, est importante et c'est lui qui est responsable contre l'apatridie. Enfin, nous avons vu comment en russe, la dimension locale du problème est fortement marquée par son passé historique. En effet, de nombreux citoyens soviétiques sont devenus apatrides suite à la chute de l'URSS, fait de société persistant même aujourd'hui. L'histoire de l'espace ex-soviétique transparaît donc à travers l'analyse des contextes de апатридов.