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  La sécheresse relance le débat sur l'utilité des barrages
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Dans le Sud-Ouest, polémique politique autour d'un projet de retenue sur la Garonne

Toulouse de notre correspondant

Le projet de barrage de Charlas (Haute-Garonne) doit faire l'objet d'un débat public, entre Toulouse et La Réole (Gironde), du 8 septembre au 19 décembre. "Nous aurions souhaité l'organiser au printemps", confesse Arnaud Mandement, ancien maire (PS) de Castres, nommé en 2001 pour présider la commission chargée d'organiser ce débat, qu'il espère "serein". Mais, à l'approche des élections régionales de 2004, les esprits s'échauffent autour d'un projet qui est aussi un enjeu politique. Lors de la session extraordinaire du conseil régional de Midi-Pyrénées consacrée à la sécheresse, mardi 2 septembre, les élus de l'UMP ont reproché au président (PS) Martin Malvy et à ses alliés Verts d'avoir freiné l'ouvrage.

Le barrage dort dans les cartons depuis 1991. Ce projet de 110 millions de m3 sur plus de 600 hectares, qui en ferait le plus grand lac artificiel du sud-ouest de la France, refait régulièrement surface à chaque sécheresse. L'idée consiste à retenir l'eau de la Garonne en hiver, quand elle est abondante, pour la restituer au fleuve en été, en période d'étiage.

Le concept est simple, mais sa réalisation complexe. Coût des travaux : 256 millions d'euros, selon la dernière estimation du Syndicat mixte d'étude et d'aménagement de la Garonne (Smeag), principal promoteur de l'ouvrage. Le barrage en lui-même, une digue de terre de 50 m de haut, est évalué à 83 millions d'euros. Le plus onéreux, c'est la "plomberie" du projet, située en dérivation de la Garonne, sur les terres vallonnées de Charlas, à une quinzaine de kilomètres au nord de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) : 60 millions pour l'adducteur qui amènerait l'eau de la Garonne jusqu'aux terres à immerger à Charlas et sur quatre petites communes voisines ; 70 millions pour rediriger l'eau vers le fleuve et une dizaine de ses petits affluents gascons au moyen d'un "distributeur" de 32 km de long et de 1 à 3 m de diamètre.

CLIVAGE DANS LE MONDE AGRICOLE

Le site de Charlas avait été retenu en 1991 de préférence à d'autres projets dans le Tarn et l'Aveyron car il permettait de "réalimenter" non seulement la Garonne en amont de Toulouse, mais aussi ces petites rivières du Gers quasiment à sec chaque été. Un tiers des volumes stockés à Charlas serait réservé aux rivières gasconnes. La présidente du Smeag, Evelyne-Jean Baylet (PRG), évoque une nécessaire "solidarité" entre Garonne et Gascogne. Les opposants, quant à eux, refusent le modèle agricole "productiviste" des champs de maïs gersois et critiquent la "monoculture" de cette plante gourmande en eau dans tout le Sud-Ouest. Dans le monde agricole, le clivage est marqué entre la FNSEA, qui se prononce majoritairement en faveur de Charlas, et la Confédération paysanne, qui s'y oppose.

Mais les partisans du barrage ne souhaitent plus réduire l'ouvrage à son aspect agricole. Il est aussi présenté comme un complément à la station d'épuration de Toulouse pour diluer sa pollution. Mme Baylet et son allié Jean François-Poncet, président du comité de bassin Adour-Garonne, sénateur (UMP) et président du conseil général de Lot-et-Garonne, brandissent également le spectre d'une pénurie d'eau potable pouvant freiner le développement démographique de la vallée de la Garonne. "Un hectare de maïs équivaut à une alimentation en eau de 650 personnes", rétorque le comité contre le barrage de Charlas, qui préconise de réduire de 25 000 à 30 000 ha la surface de maïs irriguée dans la région.

Stéphane Thépot

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