Le Monde.fr
International
  Les Etats-Unis s'inquiètent d'une Europe repliée sur elle-même
  La Russie pourrait devenir exigeante
  Les incertitudes européennes mettent le gouvernement turc en difficulté
  trois questions à... Gilles Dorronsoro
  Tony Blair compte défendre en personne son projet européen devant le Parlement à Bruxelles
  En France, les agriculteurs sont divisés sur les conséquences de l'échec du budget de l'UE
  En Italie, la Ligue du Nord fête la crise et demande le retour de la lire
  Nicolas Sarkozy appelle à la " suspension de tout nouvel élargissement "
  A contre-courant, la défense de l'Union continue de progresser
  Une marche dans les rues de Madrid contre le mariage gay
  En Pologne, l'extrême droite mobilise ses troupes homophobes dans les rues de Varsovie
  Manuel Fraga sous pression dans son fief de Galice
  Ancien leader des mineurs roumains, l'" Etoile du matin " sort de prison
  Au Pérou, les victimes du Sentier lumineux attendent toujours l'aide de l'Etat
  Le Japon va doubler ses captures de baleines
  Six chefs d'Etat demandent l'annulation de la dette de l'Afrique
  dépêches
  dépêches
  dépêches
  Plus de 69 000 morts en dix-sept ans
  Iran : un ultraconservateur talonne M. Rafsandjani
  profil > mahmoud ahmadinejad, fils exemplaire de la révolution islamique
  A Gaza, les maisons des colons seront rasées
  En Irak, plus de 50 personnes ont été tuées en deux jours
  Bill Clinton : " Fermez Guantanamo "
  Au Liban, l'opposition antisyrienne obtient la majorité
  Au moins huit otages tués par des talibans en Afghanistan
Iran : un ultraconservateur talonne M. Rafsandjani

Les réformateurs, battus au premier tour de l'élection présidentielle, appellent à voter, lors du second tour, pour l'ancien chef de l'Etat, afin de faire barrage à Mahmoud Ahmadinejad, maire de Téhéran, taxé d'" obscurantisme "

Battus au premier tour de l'élection présidentielle du vendredi 17 juin, les réformateurs iraniens crient au scandale des irrégularités, à l'intervention de ce qu'ils appellent " le parti des casernes, les milices" ou encore " l'armée et les organisations radicales" pour garantir au candidat ultraconservateur, le maire de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad, un score lui permettant d'être présent au second tour. Ils font notamment allusion au corps des bassidjis (" volontaires"), constitué à l'occasion de la guerre qui a opposé l'Irak à l'Iran de 1980 à 1988 et qui, devenu une branche des Gardiens de la révolution, se mêle désormais de faire régner l'ordre public. Aussi, pour faire barrage aux risques, selon eux, de " fascisme" et de " talibanisme" - par allusion à l'obscurantisme du pouvoir des talibans en Afghanistan -, les réformateurs ont-ils appelé, dès dimanche soir, leurs partisans à soutenir le candidat Rafsandjani, fût-ce à contrecoeur, quels que soient les griefs retenus contre lui.

Lors des scrutins présidentiels de 1997 et de 2001, une partie des bassidjis et des Gardiens de la révolution avait porté ses voix sur le réformateur Mohammed Khatami, contribuant à son succès éclatant. Leur mobilisation aujourd'hui, comme un seul homme, pour M. Ahmadinejad, un ancien instructeur des bassidjis et ancien officier des Gardiens de la révolution, traduirait donc leur déception, partagée par de très nombreux Iraniens, après huit ans de pouvoir réformateur. Elle refléterait surtout, et par contrecoup, la revanche des milieux religieux auxquels eux-mêmes et leur candidat font traditionnellement allégeance. D'après les résultats définitifs rendus publics dimanche, par le ministère de l'intérieur, M. Ahmadinejad, qui décroche 19,47 % des suffrages exprimés, talonne de très près l'ancien président Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, arrivé en tête des sept candidats à l'élection présidentielle avec 21 % des voix. Après le taux inattendu de participation à l'élection - 62,66 % du corps électoral, selon l'estimation définitive du ministère de l'intérieur -, la deuxième surprise est donc venue du contenu des urnes. Les Iraniens s'attendaient en effet à voir le réformateur Mostapha Moïn ou l'ancien chef de la police Mohammed Qalibaf disputer le second tour face à M. Rafsandjani. Selon certaines interprétations, M. Qalibaf, qui au départ de la course à la présidence avait la préférence de l'électorat conservateur et religieux, aurait déçu ses supporteurs par une campagne jugée trop libérale. Arrivé en quatrième position, avec 13,90 % des voix exprimées, M. Qalibaf refuse aujourd'hui d'appuyer M. Ahmadinejad.

RÉVEIL DU " PAYS" PAUVRE

Le " pays" religieux avait été occulté, ces dernières années, par l'éclairage intensif braqué sur les libertés et sur l'ouverture, valorisées par les huit années de présidence de Mohammed Khatami. A travers le scrutin du 17 juin, c'est vraisemblablement aussi une partie au moins du " pays" pauvre qui, laissé-pour-compte de toutes les politiques mises en oeuvre depuis la fin de la guerre Irak-Iran, et pour lequel M. Ahmadinejad a eu une pensée particulière, s'est rappelé au bon souvenir de ses concitoyens et de ses dirigeants. S'il fallait une preuve supplémentaire de son réveil, le score réalisé par l'ancien président du Parlement Mehdi Karoubi la donnerait : bien que se situant dans un centre hésitant entre le conservatisme et la réforme, le religieux Karoubi a recueilli 17,46 % des suffrages.

Au cours de sa campagne, il avait promis d'accorder à tout Iranien de plus de 18 ans une allocation mensuelle de 50 000 tomans, l'équivalent de 50 euros. Une partie au moins de ceux qui ont voté pour lui ne se sont visiblement pas demandé comment cela serait possible.

" Dans une région rurale du sud du pays, des gens se sont présentés à un bureau de vote en disant : " Nous voulons voter pour celui qui accorde 50 000 tomans. Ils ne savaient même pas de qui il s'agissait", raconte un homme d'affaires. Et il ajoute : " Moïn est un intellectuel, il parle de démocratie et de droits de l'homme. Mais pour les quelque 25 % d'Iraniens qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté et pour tous ceux qui dépassent à peine ce seuil, que vaut la démocratie lorsqu'on a faim ?" L'Iran est pourtant un pays riche de ses ressources naturelles, notamment le pétrole et le gaz, ainsi que d'un potentiel humain qui n'en profite pas toujours.

La République islamique se place au deuxième rang des pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Et avec 15 % des réserves mondiales de gaz, encore peu exploitées, elle occupe le deuxième rang mondial, après la Russie. Le prix actuel de l'or noir ainsi que quelques réformes économiques ont nettement amélioré sa situation financière, mais la dépendance trop grande envers l'or noir met constamment le pays à la merci des fluctuations des prix. Mais surtout le recyclage de la rente pétrolière ne profite essentiellement qu'à la " clientèle" du pouvoir. Le chômage, qui touche officiellement un peu plus de 11 % de la population active - entre 15 % et 20 % selon d'autres estimations -, affecte surtout une jeunesse de plus en plus éduquée grâce à l'extension de l'enseignement, y compris universitaire, et désormais tentée par l'émigration mais qui n'en a le plus souvent pas les moyens.

S'il finit par l'emporter au second tour, grâce à un apport de voix des principaux candidats recalés, M. Rafsandjani devra se livrer à un numéro d'équilibriste entre les aspirations de cet électorat et cette partie de l'Iran qui vient de se rappeler à son souvenir, proche du Guide de la république, l'ayatollah Ali Khamenei, dont la position se voit renforcée.

Mouna Naïm



Droits de reproduction et de diffusion réservés Le Monde 2002.
Usage strictement personnel.

L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.