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  George Bush et John Kerry répondent aux indécis
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  CHENEY VS EDWARDS
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George Bush et John Kerry répondent aux indécis

Transcription du deuxième débat entre les candidats à la présidence des états-unis, organisé le 8  octobre à Saint Louis (Missouri)

Charles gibson . - La première question s'adresse au sénateur Kerry et elle vient de Cheryl Otis.

Cheryl Otis. - Sénateur Kerry, après avoir parlé avec plusieurs collègues ainsi qu'avec ma famille et des amis, j'ai demandé, à ceux qui m'ont dit qu'ils n'allaient pas voter pour vous, pourquoi  ? Ils ont répondu que vous manquiez de fermeté. Avez-vous une réponse à leur donner  ?

John Kerry. - Certainement. Mais je voudrais tout d'abord, Cheryl, si vous en êtes d'accord, remercier Charlie, qui anime le débat. Je veux également remercier l'université de Washington qui nous accueille ce soir. Monsieur  le Président, je suis content d'être à nouveau avec vous ce soir.

Cheryl, le président n'a pas trouvé d'armes de destruction massive en Irak. Et, par conséquent, il a transformé sa campagne en une arme de tromperie massive. Le résultat, c'est que vous avez été bombardé de publicités suggérant que j'ai changé d'avis sur tel ou tel sujet. Les trois sujets sur lesquels on prétend que j'ai changé d'avis sont les suivants  : tout d'abord, le Patriot Act. Je n'ai pas changé d'avis, je le soutiens. Simplement, je ne suis pas d'accord sur la façon dont John Ashcroft l'a appliqué et nous allons apporter quelques modifications. Le président du Parti républicain pense qu'il y a quelques modifications à apporter.

En ce qui concerne le No Child Left Behind Act (loi sur l'éducation pour qu'aucun enfant ne soit laissé de côté), j'ai voté pour. Je le soutiens et je suis d'accord avec les objectifs. Mais le président l'a sous-financé, à hauteur de 28  milliards de dollars -23 milliards d'euros-. Ici même, à Saint-Louis, vous avez mis au chômage 350 enseignants (...). Il manque 100  millions de dollars -80 millions d'euros- sur ce qui est prévu par le No Child Left Behind Act pour soutenir le système éducatif. Je ne suis pas d'accord avec cela. Il fallait le financer totalement. Le président prétend que j'ai changé d'avis, je n'ai pas changé d'avis et je vais le financer pleinement.

Voilà pour les différences. Pendant le mandat de ce président, nous avons perdu 1,6  million d'emplois. C'est la première fois en soixante-douze ans qu'un président aggrave la situation de l'emploi. J'ai un plan pour redonner du travail aux gens. Ce n'est pas ce que j'appelle manquer de fermeté. Je vais remédier à la situation qui, à l'heure actuelle, encourage les entreprises à partir à l'étranger. Je vais diminuer vos impôts. L'année dernière, le président a donné 89  milliards de dollars -72 milliards d'euros- au 1  % de la population qui a le plus de revenus en Amérique. Cela représente plus que les revenus réunis des 80  % des gens qui gagnent jusqu'à 100  000  dollars -81 000 euros-.Je crois que c'est une erreur. Je ne pense pas manquer de fermeté en disant cela et je me bats pour vous.

George Bush. - Merci Charlie. Merci à l'assistance. Sénateur, merci. Merci à l'université de Washington également. Je peux comprendre que vos collègues pensent qu'il change énormément d'avis, parce que c'est le cas. Il a prétendu avoir voté pour les 87  milliards de dollars -70 milliards d'euros-, et a voté contre avant de voter pour. Cela envoie un message confus.

Il a dit qu'il pensait que Saddam Hussein était une menace sérieuse. Maintenant, il prétend que c'était une erreur de renverser Saddam Hussein. Je peux comprendre pourquoi les gens pensent qu'il change énormément d'avis, c'est effectivement le cas. Vous savez, pendant un temps, il était tout à fait d'accord pour que l'on se débarrasse de Saddam Hussein. Jusqu'à ce que les primaires démocrates aient lieu et que Howard Dean, le candidat contre la guerre, réussisse à le faire fléchir. C'est alors qu'il a changé d'avis. Je ne vois pas comment on peut diriger ce pays en temps de guerre, à une époque d'incertitude, si l'on change d'avis pour des raisons politiques.

Il vient juste d'aborder la question de la baisse d'impôts. Vous vous souvenez que nous avons augmenté la réduction d'impôt par enfant à 1  000  dollars -800 euros- et nous avons créé une réduction d'impôt de 10  % pour les Américains aux revenus les plus faibles. Voilà pour la classe moyenne. Et il a voté contre. Cependant, il n'hésite pas à vous dire qu'il est pour une baisse d'impôt pour la classe moyenne. Quand on est président, les pressions sont fortes, c'est pourquoi il faut être ferme et cohérent.

Robin Dahle. - Monsieur le Président, hier, vous avez reconnu que l'Irak n'avait pas d'armes de destruction massive, mais vous avez justifié l'invasion en affirmant  : "Saddam Hussein avait les connaissances, les matériaux, les moyens et l'intention de produire des armes de destruction massive. Et il aurait pu transmettre ses connaissances à nos ennemis terroristes."Croyez-vous sincèrement que cela soit une raison valable pour envahir un pays alors que cette affirmation s'applique à tant d'autres, y compris à la Corée du Nord  ?

George Bush. - Il n'y a pas deux cas identiques, Robin. Bien évidemment, nous espérons que la voie diplomatique fonctionne avant d'employer la force. La décision la plus difficile qu'un président puisse faire, c'est d'employer la force. Après le 11  septembre 2001, nous avons porté un regard différent sur le monde. Après le 11-Septembre, il nous a bien fallu admettre que lorsque nous voyons une menace, il faut la prendre au sérieux avant qu'elle ne se réalise (...).

Je me suis engagé devant nos compatriotes à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger le peuple américain. C'est pourquoi nous jugeons les membres du réseau Al-Qaida. 75  % des membres de cette organisation ont été traduits en justice. C'est pourquoi j'ai dit à l'Afghanistan  : si vous abritez un terroriste, vous êtes tout aussi coupable que le terroriste. Et les talibans ne sont plus au pouvoir. Al-Qaida n'a plus de refuge.

J'ai vu en Saddam Hussein une menace, tout comme mon adversaire. Parce que nous pensions qu'il avait des armes de destruction massive. La menace était qu'il fournisse des armes de destruction massive à une organisation telle que Al-Qaida. Les dommages qu'il nous aurait infligés par voie aérienne auraient été démultipliés par des armes de destruction massive. C'était une menace très très sérieuse. J'ai donc essayé la voie diplomatique, je suis allé aux Nations unies. Mais nous avons appris, dans le rapport que j'ai déjà cité, que Saddam Hussein se servait du programme "Pétrole contre nourriture" pour éviter les sanctions. Il était en train d'éviter les sanctions pour une bonne raison. Il voulait relancer son programme d'armement. Nous pensions tous qu'il y avait des armes là-bas, Robin.

Mon adversaire le croyait également. C'est pourquoi il a dit que Saddam Hussein représentait une menace sérieuse. Je n'étais pas très satisfait lorsque nous avons découvert qu'il n'y avait pas d'arme. Et nous avons constitué une équipe de renseignements pour l'expliquer. Mais Saddam Hussein représentait une menace. Et le monde se porte mieux sans lui.

Si l'on s'en tient aux plans de mon adversaire, je pense que Saddam Hussein serait toujours au pouvoir à l'heure qu'il est et que le monde serait plus dangereux.

John Kerry. - Le monde est plus dangereux aujourd'hui. Le monde est plus dangereux parce que le président a mal évalué la situation.

Le président voudrait faire croire que j'ai changé d'avis. Tout simplement parce qu'il ne peut pas venir ici et vous dire qu'il a créé des emplois en Amérique. Des emplois ont disparu. Il ne peut pas venir ici et vous dire qu'il a amélioré le système de santé pour les Américains. Parce qu'il y a cinq millions d'Américains qui ont perdu leur couverture sociale, dont 96  000 ici même, dans le Missouri. Il ne peut pas venir ici et vous dire qu'il n'a laissé aucun enfant de côté parce qu'il n'a pas financé le projet No Child Left Behind.

Alors, que peut-il faire  ? Il essaie de m'attaquer. Il veut vous faire croire que je n'ai pas les compétences pour être président. (...) Eh bien, laissez-moi vous dire très clairement que je n'ai jamais changé d'avis sur l'Irak. Je suis persuadé que Saddam Hussein était une menace. J'ai toujours pensé qu'il en était une. Je le pensais en 1998 quand Bill Clinton était président. Je voulais que Clinton ait le pouvoir et la possibilité d'utiliser la force si nécessaire.

Mais j'aurais fait preuve de discernement dans l'utilisation de cette force, dans l'exercice du pouvoir. Je ne me serais pas jeté tête baissée dans une guerre sans plan pour gagner la paix. J'aurais mis nos alliés de notre côté. Je me serais battu pour faire en sorte que nos troupes bénéficient de toute l'aide possible pour accomplir leur mission. Le président s'est précipité dans la guerre et il s'est aliéné nos alliés. L'Iran est devenu plus dangereux. La Corée du Nord aussi. Le président a perdu de vue l'objectif principal, Oussama Ben Laden.

George Bush. - Lors du dernier débat, mon adversaire a déclaré que l'Amérique devait passer un test mondial avant d'utiliser la force pour nous protéger. La même mentalité est à l'œuvre dans l'idée que les sanctions étaient efficaces. C'est le genre dementalité qui consiste à dire  : "Remettons-nous en aux Nations unies et espérons que tout se passe bien." Saddam Hussein était une menace parce qu'il aurait pu fournir nos ennemis terroristes en armes de destruction massive. Les sanctions n'étaient pas efficaces. Et les Nations unies ne parvenaient pas à renverser Saddam Hussein.

John Kerry. - Le but des sanctions n'était pas de renverser Saddam Hussein. Il était de se débarrasser des armes de destruction massive. Monsieur le Président, mercredi -6  octobre-, le rapport Duelfer a montré au monde entier qu'elles étaient efficaces. Il n'avait pas d'armes de destruction massive. C'était cela l'objectif. Si nous avions fait preuve d'une diplomatie intelligente, nous aurions pu économiser 200  milliards de dollars et une invasion de l'Irak. Et peut-être qu'actuellement Oussama Ben Laden serait en prison ou mort. Là est la guerre contre le terrorisme.

Anthony Baldi. - Sénateur Kerry, les Etats-Unis préparent un nouveau gouvernement irakien et vont procéder au retrait des troupes américaines. Procéderiez-vous selon le même plan que le président Bush  ?

John Kerry. - Anthony, j'ai élaboré un plan différent parce que celui du président ne marche pas. Et cela se voit chaque soir à la télévision. Le chaos règne en Irak. Le roi Abdullah de Jordanie a dit hier ou avant-hier qu'on ne peut pas avoir d'élections en Irak avec le chaos qui existe dans ce pays. Le sénateur Richard Lugar, le président républicain de la commission des relations extérieures, a dit que les efforts pour reconstruire l'Irak sont inefficaces. Le sénateur Hagel, du Nebraska, a dit que la situation en Irak est plus que minable, plus qu'embarrassante, elle est dangereuse. Ce sont les propos de deux républicains, tous les deux très respectés.

Laissez-moi vous dire que je ferais autrement. Je ferais de mon mieux pour entrer en contact avec nos alliés, quelque chose que notre président n'a pas fait. Il les a ignorés maintes fois au sein des Nations unies et sur le plan individuel. Il y a deux semaines, une réunion du Conseil Atlantique Nord a eu lieu, la branche politique de l'OTAN. Ils ont parlé de la possibilité de mettre sur pied une petite unité d'entraînement ou de prendre en charge la totalité des entraînements en Irak. Notre administration était-elle pour la prise en charge de la totalité des entraînements en Irak  ? Est-elle restée silencieuse  ? Oui. Y a-t-il eu un effort pour rallier tous les alliés autour de cet effort  ? Non, parce que cette administration a toujours voulu que l'effort soit américain. (...) Ce n'est pas le moyen de réduire le risque pour nos troupes et rendre l'Amérique plus sûre. Moi, je vais entraîner les Irakiens plus rapidement. Et je vais reprendre contact avec nos alliés.

George Bush. - Il y a deux jours, dans le bureau ovale, j'ai eu une réunion avec le ministre des finances de l'Irak. Il m'a dit qu'il était très optimiste et que le pays se préparait à des élections. Pensez-y. Ils font la transition de la tyrannie aux élections. Il a parlé des efforts de reconstruction qui commencent à prendre forme. Il a parlé du fait que les Irakiens adorent être libres.

Il a dit être très optimiste quand il est arrivé ici, mais, quand il a allumé la télévision et écouté les discours politiques, il est devenu très pessimiste. (...) Mon adversaire dit qu'il a un plan, ça me rappelle quelque chose, puisque ça s'appelle le Plan Bush. Nous allons entraîner des troupes. Nous aurons 125  000 soldats entraînés d'ici à la fin décembre. Nous allons dépenser environ 7  milliards de dollars.

Il parle d'une grande idée  : organisons un sommet. Nous allons résoudre tous les problèmes en Irak par ce sommet. Que va-t-il dire à tous ceux qui participent à ce sommet  ? "Suivez-moi dans une mauvaise guerre qui se fait au mauvais moment et au mauvais endroit. Envoyez vos troupes dans une guerre que nous qualifions d'erreur." (...) Je sais ce que ces gens pensent. Je parle tout le temps avec Tony Blair. Je parle avec Silvio Berlusconi. Ils ne vont pas suivre un président américain qui dit  : "Suivez-moi dans une erreur." Notre plan marche. Nous allons avoir des élections, l'Irak sera libre et cela sera bénéfique pour les Etats-Unis.

John Kerry. - Mesdames et Messieurs, la guerre juste était contre Oussama Ben Laden en Afghanistan. C'était le bon endroit. Et le bon moment était Tora Bora -bombardement américain, en décembre  2001, des grottes où s'était réfugié Oussama Ben Laden-, lorsque nous l'avions coincé dans les montagnes -à la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan-. Or le monde entier sait qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive en Irak. C'est pour cette raison que le Congrès a donné au président l'autorisation d'utiliser la force, et non pas de se débarrasser du régime. Maintenant, il faut réussir. C'est ce que j'ai toujours dit. J'ai toujours été constant. Oui, il faut réussir, et j'ai un meilleur plan pour y arriver.

George Bush. - Tout d'abord, nous ne savions pas qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive. Mon adversaire pensait qu'il y en avait, et a dit à tout le monde qu'il pensait qu'il y en avait. Ensuite, c'est un malentendu fondamental de dire que la guerre contre la terreur se réduit à Oussama Ben Laden. Le but de la guerre contre la terreur est de s'assurer que des armes de destruction massive ne tombent pas dans les mains des organisations terroristes. C'est de ça dont il s'agit.

Nikki Washington. - Monsieur le Président, ma mère et ma sœur ont fait des voyages à l'étranger cet été. Lorsqu'elles sont rentrées, elles nous ont dit être choquées par le mécontentement intense que les autres pays affichent face à la manière dont nous gérons la situation irakienne. La diplomatie est un point faible, sur lequel il faut travailler. Quel est votre plan pour rétablir les rapports avec les autres pays  ?

George Bush. - Je vous comprends. Notre pays est magnifique. J'adore nos valeurs et je comprends que j'ai pris quelques décisions pour les valeurs de notre pays que les gens n'ont pas compris. Je me souviens de l'époque de Ronald Reagan. Il se basait sur les principes. Certains le considéraient comme têtu, mais il a tenu ses principes contre l'Union soviétique, et nous avons remporté ce conflit. Mais, en même temps, nous n'étions pas du tout populaires en Europe à cause des décisions qu'il avait prises.

Je comprends que renverser le régime de Saddam Hussein soit impopulaire. Mais j'ai pris cette décision dans l'intérêt de notre sécurité. Comme vous le savez, j'ai pris des décisions en ce qui concerne Israël qui étaient aussi impopulaires. J'ai refusé de dialoguer avec Arafat parce que je ne pense pas qu'il soit la bonne personne pour établir un Etat palestinien. Cette décision était impopulaire en Europe, mais c'était la bonne décision. Je crois que les Palestiniens méritent un Etat, mais je sais qu'ils ont besoin de dirigeants qui s'engagent envers la démocratie et la liberté. Des dirigeants qui rejettent le terrorisme. (...) Ecoutez, il y a trente nations impliquées en Irak et quelque quarante nations en Afghanistan. Les gens aiment l'Amérique, parfois ils n'aiment pas les décisions qu'elle prend, mais je pense que vous ne voudriez pas d'un président qui chercherait à être populaire en prenant de mauvaises décisions.

John Kerry. - Nikki, c'est une question qui est posée par beaucoup de personnes. (...) Il y a quatre ans, le président avait déclaré, dans ce même hall, lorsqu'on lui a posé la question  : "Dans quelles circonstances enverriez-vous des gens à la guerre  ?" Sa réponse était la suivante  : "Avec une stratégie de sortie viable et uniquement avec suffisamment de force pour assurer la mission." Et il n'a pas tenu sa promesse. Nous n'avions pas suffisamment de troupes. (...) Je suis allé à la rencontre des membres du Conseil de sécurité des Nations unies la semaine avant le vote. J'ai parlé à chacun d'entre eux pour déterminer à quel point il était sérieux de tenir Saddam Hussein responsable. Ils m'ont convaincu que, si on travaillait ensemble, si on était prêt à laisser Hans Blix faire son travail et terminer les inspections, nos alliés seraient avec nous. Mais le président a pris une décision arbitraire et a dit  : "Non, désolé, la diplomatie ne marche plus, on y va." Il s'est précipité à la guerre sans un plan pour assurer la paix. (...)

George Bush. - Je me souviens avoir été à la Maison Blanche, face aux généraux, et leur avoir demandé  : "Avez-vous tout ce qu'il vous faut pour cette guerre, avez-vous tout ce qui est nécessaire  ?" Je me souviens avoir regardé Tommy Franks et les généraux de haut niveau et leur avoir demandé  : "Avons-nous le bon plan et avons-nous les troupes nécessaires  ?" Ils m'ont regardé droit dans les yeux et ont répondu  : "Oui, Monsieur  le Président." Bien sûr, j'écoute nos généraux. C'est ce que fait un président. Un président élabore la stratégie et, ensuite, compte sur les experts militaires pour mettre en œuvre cette stratégie.

John Kerry. - Mais, pour gagner la paix, il faut plus qu'un simple composant militaire. (...) La mission du soldat est de gagner la guerre. La mission d'un président est de gagner la paix. Le président n'a pas fait ce qui était nécessaire. Il n'a pas réuni suffisamment de nations alliées. Il n'a pas fourni l'aide nécessaire. Il n'a pas fermé les frontières. Il n'a même pas assuré la sécurité des dépôts de munitions. Et maintenant nos enfants se font tuer avec des munitions qui proviennent de ces dépôts.

Randee Jacobs. - L'Iran soutient le terrorisme et possède des missiles qui peuvent atteindre Israël et l'Europe du Sud. L'Iran aura des armes nucléaires d'ici deux ou trois ans. Si les sanctions onusiennes ne permettent de contrôler ces menaces, que feriez-vous en tant que président  ?

John Kerry. - Je ne pense pas que l'on puisse utiliser uniquement les sanctions des Nations unies, Randee. Mais vous avez tout à fait raison, c'est une menace, une grande menace. Et ce qui est intéressant c'est que c'est une menace qui a pris de l'ampleur alors que le président s'enlise en Irak où il n'y avait pas de menace. S'il avait permis aux inspecteurs de faire leur travail, nous n'aurions pas dix fois plus de troupes en Irak que nous n'en avons en Afghanistan pour traquer Oussama Ben Laden. En même temps, alors que l'Iran développe des armes nucléaires, 37 tonnes de ce qu'on appelle le "yellow cake", ce qu'on utilise pour enrichir l'uranium, alors qu'ils font ça, la Corée du Nord est passée d'une bombe à environ quatre et sept bombes.

Pendant deux ans, le président n'a même pas été en communication avec la Corée du Nord. (...) Nous étions plus en sécurité avant que le président Bush ait pris ses fonctions. Maintenant, ils ont les bombes et nous sommes moins en sécurité. Alors, que faire  ? Il faut se joindre aux Britanniques, aux Français et aux Allemands. Il faut emmener le monde entier pour réduire la prolifération de façon globale.

Mais le président a traîné les pieds, même en Russie. A son rythme, il faudra treize ans pour réduire et trouver tout le matériel nucléaire qui circule encore en ex-Union soviétique. J'ai proposé un plan qui pourrait le localiser, le stocker et le traiter en quatre ans.

George Bush. - Cette réponse m'a presque fait grimacer. Il dit sans cesse  : "Laissez les inspecteurs faire leur travail."Il est naïf et dangereux de dire cela. C'est ce qu'a montré le rapport Duelfer. Saddam Hussein mentait aux inspecteurs. Ensuite, bien sûr que nous sommes impliqués en Iran. Je comprends très bien la menace, et c'est pour cela que nous faisons ce que mon adversaire a proposé  : faire en sorte que les Britanniques, les Allemands et les Français expliquent de façon très claire aux Iraniens que, s'ils veulent participer aux affaires mondiales, ils doivent renoncer à leurs ambitions nucléaires. C'est ce que nous faisons.

Maintenant je voudrais parler de la Corée du Nord. Il est naïf et dangereux d'adopter la politique dont il a parlé l'autre jour, à savoir avoir des relations bilatérales avec la Corée du Nord. Rappelez-vous que c'est lui qui m'accuse de ne pas être multilatéral. Ce qu'il veut maintenant, c'est que les négociations que nous avons entre la Chine, la Corée du Nord, la Corée du Sud, la Russie, le Japon et les Etats-Unis soient sapées par les négociations bilatérales. (...) Cela est une mauvaise politique. Bien sûr, nous sommes attentifs à ça. C'est pour ça que, dans mon discours au Congrès, j'ai dit  : "Il existe un axe du mal, l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord."

Daniel Farley. - Monsieur  le Président, étant donné que nous sommes toujours les gendarmes du monde, comment pensez-vous maintenir notre présence militaire sans réintroduire le service militaire  ?

George Bush. - C'est une très bonne question, merci. Il y a des rumeurs qui circulent sur Internet selon lesquelles nous allons créer un service militaire. Nous n'allons pas instaurer de service militaire. Point final. L'armée de métier fonctionne. Elle fonctionne tout particulièrement lorsque les troupes sont bien payées. Elle fonctionne lorsque nous faisons en sorte qu'elles aient de bonnes conditions de vie. Une armée de soldats volontaires est celle qui convient le mieux pour les guerres du XXIe  siècle. Elle doit être spécialisée et trouver ceux que nous recherchons où qu'ils se cachent dans le monde. Nous n'avons plus besoin d'armée de masse. C'est une des choses que nous avons faites  : nous avons commencé à transformer notre armée.

Je veux dire par là que nous avons retiré des troupes de Corée et nous les avons remplacées par un dispositif militaire plus efficace. Nous avions encore des troupes nombreuses sur le continent européen comme du temps de l'Union soviétique. Mais cette époque est révolue, nous retirons nos troupes d'Europe et nous les remplaçons par un équipement plus adapté. Nous nous retirons, non pas du monde, mais nous retirons des effectifs. Oubliez cette histoire de service militaire. Tant que je serai président, il n'y en aura pas.

John Kerry. - Daniel, je ne suis pas pour le service militaire. Mais permettez-moi de vous dire où nous a conduit la politique du président. Je suis très fier de bénéficier dans cette élection du soutien de deux anciens chefs d'état- major, le général John Shalikashvili et l'amiral William Crowe, et du général Tony McPeak, qui a brillamment mené les opérations aériennes sous les ordres du père de l'actuel président. Le général Wesley Clark, qui a gagné la guerre au Kosovo, me soutient également, ainsi que le général Baca, qui était à la tête de la garde nationale. Pourquoi  ? Parce qu'ils comprennent qu'il y a un surdéploiement des effectifs militaires sous le président Bush. La quasi- totalité de notre garde nationale et de notre armée de réserve est mobilisée. Certains de nos soldats effectuent deux à trois services consécutifs. La situation fait que certains ne peuvent pas prendre leur permission alors qu'ils y ont droit. C'est un service militaire qui ne dit pas son nom. (...)

Je vais augmenter les forces actives de 40  000 personnes. Et je veux que les gens de notre armée se sentent en sécurité. Je ne veux pas qu'il y ait de surdéploiement. Je vais mener une politique étrangère comparable à celle du président Reagan, à celle du président Eisenhower, ainsi qu'à d'autres. Nous allons reconstruire nos alliances. Nous n'allons pas agir de façon unilatérale. Nous n'allons pas nous engager seuls comme ce président l'a fait.

George Bush. - Allez dire à Tony Blair que nous sommes engagés seuls. Allez dire à Silvio Berlusconi que nous nous sommes engagés seuls. Allez dire à Kwasniewski que nous nous sommes engagés seuls. Il y a trente pays à nos côtés. C'est faire peu de cas peu de cas de leurs sacrifices. (...)

John Kerry. - Monsieur  le Président, les pays sont en train de déserter cette coalition et non pas de la rejoindre. Huit pays l'ont quittée. Si le Missouri était un pays, considérant le nombre de ses habitants qui sont engagés en Irak aujourd'hui, il serait le troisième pays de la coalition, juste après la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Ce n'est pas ce qu'on appelle une grande coalition. 90  % des victimes sont américaines. Vous payez 90  % des coûts. Je peux faire mieux. Mon plan est meilleur. C'est pourquoi je serai un meilleur commandant en chef.

Charles Gibson. - Nous allons maintenant passer à des questions sur la politique intérieure, et nous allons commencer avec des questions sur la santé.

John Hortsman. - Monsieur  le Président, pourquoi empêchez-vous l'importation de médicaments fiables et bon marché en provenance du Canada, ce qui permettrait de réduire les coûts de 40  % à 60%  ?

George Bush. - Je ne l'ai pas encore fait. Je veux juste m'assurer que ces produits sont sûrs. Lorsqu'un médicament arrive du Canada, je veux m'assurer qu'il va vous guérir et non pas vous tuer. C'est la raison pour laquelle le ministère de la santé procède à des examens très minutieux pour que la sécurité soit garantie. J'ai le devoir de m'assurer que notre gouvernement fait tout ce qui est en son possible pour vous protéger.

Mon inquiétude concerne des médicaments qui auraient l'air de venir du Canada, mais qui pourraient bien venir du tiers-monde. C'est pourquoi nous procédons de cette manière. Cela dit, il est tout à fait possible qu'en décembre, je vous dise qu'il n'y a pas de risque. Il y a d'autres façons de réduire le coût des médicaments.

L'une d'elles consiste à accélérer la diffusion de médicaments génériques. Les industries pharmaceutiques s'arrangeaient pour maintenir la place des produits de marque. Mais les produits génériques sont bien moins chers. De plus, en 2006, pour la première fois, les médicaments sur ordonnance seront couverts par Medicare -couverture sociale- pour le troisième âge. Medicare avait été surnommé "Mediscare" -épouvantail-. Les gens ne voulaient pas y toucher parce qu'ils avaient peur des conséquences politiques. J'ai voulu faire quelque chose. Je pense que les personnes âgées méritent un système de santé moderne. Et en 2006, ils auront une couverture pour les médicaments prescrits sur ordonnance.

John Kerry. - Il y a quatre ans, ici même, on a posé la même question. Pourquoi ne peut-on pas importer des médicaments du Canada  ? Et vous savez ce que le président a répondu  ? C'est une bonne idée. Et maintenant, le président vous dit qu'il ne fait pas barrage. Mesdames et Messieurs, le président ne tient pas compte de vos demandes. De fait, il a fait barrage parce que avons fait approuver le projet par le Sénat des Etats-Unis. Nous l'avons fait pour que vous puissiez importer des médicaments. Le président aurait également pu réduire le coût de Medicare, réduire vos impôts et réduire les coûts pour les personnes âgées.

Or qu'a-t-il fait  ? Il est devenu illégal pour Medicare d'acheter des médicaments en gros, de façon à ce que le prix baisse et que vous puissiez vous les procurer moins cher. 130  milliards de dollars -105  milliards d'euros- de bénéfices sont sortis de vos poches pour remplir celles des industries pharmaceutiques. Voilà ce qui nous différencie. Le président se place du côté des entreprises électriques, des compagnies pétrolières, des laboratoires pharmaceutiques. Moi, je me bats pour que vous puissiez acheter ces médicaments en provenance du Canada et je me bats pour la survie de Medicare. Je me bats pour la classe moyenne, voilà la différence.

George Bush. - Si ces produits sont sans danger, ils entreront sur le marché. Je veux juste vous rappeler que mon administration n'est pas la seule à avoir pris cette décision pour des raisons de sécurité. Le président Clinton n'a pas fait autre chose car nous avons le devoir de vous protéger. Le sénateur Kerry parle de Medicare. Cela fait vingt ans qu'il est au Sénat. Est-ce que vous pouvez me citer une seule mesure qu'il a prise pour Medicare  ?

John Kerry. - Monsieur le Président, en 1997, nous avons réformé Medicare. Et je suis une des personnes qui y a participé. Nous ne nous sommes pas contentés de réformer Medicare et de le tourner vers l'avenir, nous avons fait quelque chose que vous êtes incapable de faire  : nous avons équilibré le budget. Nous avons remboursé la dette nationale pendant deux années consécutives et nous avons parallèlement créé 23  millions de nouveaux emplois. Ce sont les politiques budgétaires du président qui ont conduit au plus grand déficit de l'histoire de l'Amérique.

L'endettement des Etats-Unis n'a fait que croître ces quatre dernières années. Il a fait plus de dettes en quatre ans qu'il n'y en a eu de George Washington à Ronald Reagan. Imaginez-vous un peu  !

Norma-Jean Laurent. - Sénateur Kerry, vous avez fait part de votre inquiétude en ce qui concerne l'augmentation du coût de la santé. Cependant, vous choisissez comme colistier un candidat qui a gagné des millions de dollars en traduisant en justice des professionnels de la santé. Que dites-vous de cela  ?

John Kerry. - Il est très facile de répondre. John Edwards est le rédacteur de la Patients'Bill of Rights. Il voulait que les patients aient des droits. John Edwards et moi sommes d'accord là-dessus, nous le pensons tous les deux, en tant qu'avocats. Et je crois que nous serons en mesure de remédier à la situation, et mieux que quiconque, parce que nous savons comment procéder. Cette proposition figure dans mon projet pour la santé. Allez voir mon site, johnkerry.com., vous trouverez le plan de réforme en question. Vos cotisations augmentent. Au Missouri, elles ont augmenté de 3  500  dollars -2  800 euros-, ce qui représente une hausse de 64  %. Tout a augmenté. Cinq millions de personnes ont perdu leur couverture sociale pendant le mandat de ce président. Et le président n'a rien fait.

Or tout cela est possible mais j'ai besoin de votre participation. Il faut m'aider à freiner la réduction des impôts pour ceux qui gagnent plus de 200  000  dollars -160  000  euros- par an. C'est tout. A 98  % des Américains, je propose une réduction d'impôt et la couverture sociale.

George Bush. - Je me demande par où je vais commencer. D'abord, le National Journal a qualifié le sénateur Kennedy -sic-de sénateur le plus libéral de tous. Cela est significatif. Je parle de cela parce qu'il a proposé 2  200  milliards -1  800  milliards d'euros- de dépenses supplémentaires, et il dit qu'il va taxer les riches pour combler les écarts fiscaux. C'est impossible. Il veut taxer tout le monde pour financer ses programmes. C'est la réalité.

Il dit aujourd'hui qu'il va élaborer un plan de couverture sociale original. Vous voulez savoir en quoi cela consiste  ? C'est le gouvernement fédéral qui va le financer. Ceci est en accord avec sa philosophie. C'est pour ça que je vous ai parlé du prix qui lui a été décerné par le National Journal. C'est ce que font les libéraux. Ils créent des programmes de couverture sociale financés par le gouvernement. Peut-être que cela vous semble logique, mais pas à moi. La couverture sociale financée par le gouvernement mènerait à un rationnement.

John Kerry. - Le président essaie de faire peur à tout le monde ici en mettant des étiquettes sur tout. Que veut dire par exemple un "conservatisme compassionnel"? Ecarter 500  000 enfants des programmes extrascolaires  ? Priver 365  000 enfants de couverture sociale et avoir le déficit le plus important de l'histoire des Etats-Unis  ?

Matthew O'Brien.- Monsieur le Président, vous avez bénéficié d'une majorité républicaine dans les deux chambres pendant la plus grande partie de votre présidence. Mais vous n'avez mis votre veto à aucun projet de loi de dépense. Pouvez-vous nous expliquer comment les dépenses que vous avez approuvées, mais non pas financées, profitent au peuple américain mieux que les dépenses proposées par votre opposant  ?

George Bush. - Nous avons un déficit parce que ce pays a été en récession. Vous vous rappelez que la Bourse a commencé à s'effondrer six mois avant que je ne prenne mes fonctions. Ensuite la bulle spéculative des années 1990 a éclaté. Par ailleurs, nous sommes en guerre, et je dépenserai ce qu'il faudra pour remporter cette guerre. Bien plus de 120  milliards -100 milliards d'euros-en Irak et en Afghanistan. Nous devions mieux rémunérer nos troupes, et nous l'avons fait. J'ai dit que nous avons augmenté nos dépenses de 10 à 30  milliards de dollars pour assurer la sécurité intérieure. Je pense qu'il nous incombe de faire ces dépenses. De plus, nous avons réduit les impôts pour tout le monde. Tous les Américains ont bénéficié d'une réduction fiscale pour que l'on puisse sortir de la récession. J'estime que si vous augmentez les impôts pendant une période de récession, vous allez droit vers une dépression. L'école de pensée à laquelle j'appartiens défend que si les gens ont plus d'argent dans leur poche, cela augmente la demande et l'investissement. Les petites entreprises commencent à grandir et ont créé des emplois. Aujourd'hui, nous savons que pendant les treize derniers mois nous avons créé 1,9  million de nouveaux emplois.

Je propose un plan, un budget détaillé qui montre comment nous pouvons réduire le déficit de moitié en cinq ans. Et vous avez raison, je n'ai pas exercé mon droit de veto sur des projets de loi de dépense parce que nous travaillons avec les deux Chambres main dans la main. Les dépenses discrétionnaires qui ne relèvent ni de la défense, ni de la sécurité intérieure augmentaient au rythme de 15  % par an lorsque j'ai pris mes fonctions. Aujourd'hui, c'est à moins de 1  % parce que nous travaillons ensemble pour mieux gérer ce déficit. Comme vous, le déficit me préoccupe. Mais je ne vais pas réduire la rémunération de nos troupes qui sont dans des situations dangereuses et je ne vais pas augmenter les impôts, ce qui coûterait cher en terme d'emplois.

John Kerry. - En ce qui concerne le déficit, lorsque le président a pris ses fonctions il y avait un surplus budgétaire de 5  600 milliards -4  500 milliards d'euro-. Nous avons maintenant un déficit qui s'élève à 2  600 milliards -2  100 milliards d'euros-. C'est le plus grand renversement de tendance dans l'histoire de ce pays. Il est le premier président en 72 ans à perdre des emplois. Il a parlé de la guerre  : c'est la première fois dans l'histoire des Etats-Unis que nous avons réduit les impôts en temps de guerre. Franklin Roosevelt, Harry Truman et les autres savaient diriger. Ils savaient comment demander au peuple américain de faire les sacrifices nécessaires. 1  % de l'Amérique, la partie qui gagne le plus, a reçu une réduction d'impôt de 89  milliards de dollars -72 milliards d'euro- l'année dernière. Ces 1  % les plus riches ont reçu d'avantage que les 80  % des Américains qui ont gagné moins de 100  000  dollars -80  000 euros-. Le président estime qu'il est plus important de représenter ce 1  % que de lutter pour la responsabilité budgétaire et de vous représenter. Je veux mettre de l'argent dans votre poche. J'ai une proposition pour une réduction d'impôt pour tous ceux qui gagnent moins de 200  000  dollars - 1600 euros-.

James Varner. - Monsieur  le Sénateur, pouvez-vous regarder droit dans la caméra et, de façon simple et directe, promettre au peuple américain que vous n'allez pas voter des lois qui vont augmenter la pression fiscale sur des familles qui gagnent moins de 200  000  dollars par an pendant votre premier mandat  ?

John Kerry. - Absolument, oui, les yeux face à la caméra. Oui, je ne vais pas augmenter les impôts. J'ai un plan de réduction d'impôts (...)Je vais refaire ce que nous avons fait dans les années 1990, mesdames et messieurs, financer ce qu'on dépense. Nous allons faire comme vous faites. Le président ne finance pas ce qu'il dépense. Je pense que c'était John McCain qui a nommé le projet de loi sur l'énergie, projet de loi où aucun lobbyiste n'est oublié -"No Lobbyist Left Behind"-.

Je vais donner une réduction d'impôt à ceux qui gagnent moins de 200  000  dollars par an. Pour ceux qui gagnent moins de 200  000 dollars par an, il y aura un retour au niveau qu'on avait sous Bill Clinton, quand les gens gagnaient beaucoup d'argent. Lorsque je regarde autour de moi dans cette salle, je crois qu'il n'y aura que trois personnes ici qui ne seront pas concernées par cette baisse d'impôt, le président, moi et Charlie.

George Bush. - Il n'est pas crédible, il n'est tout simplement pas crédible. Si vous regardez ce qu'il a fait au Sénat, il a voté pour dépasser les limites - les limites en terme de dépense - plus de 200 fois. Ici, il dit que tout d'un coup il est conservateur sur le plan budgétaire. Il n'est tout simplement pas crédible. Vous ne pouvez pas le croire. Bien sûr qu'il va augmenter vos impôts. D'ailleurs, il vient de proposer 2  200 milliards de nouvelles dépenses. Vous dites  : alors comment allez-vous financer ces dépenses  ? Il répond  : il va augmenter les impôts pour les riches. C'est ce qu'il a dit. Les deux tranches supérieures. (...) Soit il ne va pas respecter ses merveilleuses promesse, soit il va augmenter les impôts. Etant donné ses antécédents, je soupçonne qu'il va augmenter les impôts. (...)

Rob Fowler. - Monsieur le Président, 45 jours après le 11-Septembre, le Congrès a voté le Patriot Act qui limite les droits et les libertés des citoyens américains, tout particulièrement les droits du quatrième amendement, et allège le système de contrôle d'application de la loi. Avec l'extension du Patriot Act et avec le Patriot Act II, je voudrais vous demander pourquoi mes droits et ceux des citoyens sont-ils limités  ?

George Bush. - Je ne crois pas que vos droits soient limités. Je ne serai pas d'accord avec cette réforme si c'était le cas. Toute action menée contre les terroristes nécessite une décision de justice. Un examen. Les instruments que nous donnons à ceux qui luttent contre les terroristes sont les mêmes que ceux que nous avons utilisés contre les trafiquants de drogue et contre les criminels en col blanc. Le président, quel qu'il soit, doit protéger vos libertés et non pas les enfreindre. Notre système d'application de la loi doit avoir tous les moyens à sa disposition pour toucher les terroristes ici et à l'étranger avant qu'ils ne nous frappent à nouveau. C'est la mission du XXIe  siècle.

John Kerry. - L'ancien gouverneur Racicot, en sa qualité de président du Parti républicain, a déclaré qu'il croyait que le Patriot Act devait être amendé. Jim Senbsebrenner, membre du Congrès et président du comité de la Chambre judiciaire, a dit qu'il devait être totalement repensé. (...) Les droits des personnes ont été bafoués. J'ai rencontré un homme qui a passé huit mois en prison, il n'a pas même eu le droit d'appeler son avocat.

Finalement, le sénateur Dick Durbin de l'Illinois est intervenu personnellement pour qu'il soit libéré. Voilà ce qui se passe dans notre pays, dans les Etats-Unis d'Amérique. Ils sont autorisés à procéder à des fouilles, ils peuvent aller dans les églises et dans les assemblées politiques alors qu'il n'y a pas le moindre indice d'activité criminelle. J'ai voté le Patriot Act. (...) Nous devons être plus forts dans notre lutte contre le terrorisme. Mais vous savez que nous ne devons jamais permettre aux terroristes de changer la constitution des Etats-Unis dans un sens qui nuirait à nos droits.

Elizabeth Long. - Sénateur Kerry, des milliers de personnes ont déjà été guéries ou traitées grâces à des cellules souches adultes ou grâce à des cellules souches de cordon ombilical. Pourtant, personne n'a été guéri grâce à des cellules souches d'embryon. Est-ce qu'il ne serait pas sage d'utiliser les cellules souches obtenues sans destruction de l'embryon  ?

John Kerry. - Elizabeth, j'ai le plus grand respect pour le sentiment dont témoigne votre question. Je le comprends. Je comprends la morale qui vous pousse à poser cette question et je la respecte. Cela dit, tout comme Nancy Reagan et bien d'autres personnes, je me trouvais récemment à un forum avec Michael J.  Fox dans le New Hampshire. Fox est atteint de la maladie de Parkinson, il nous soutient dans la promotion de l'utilisation de cellules souches d'embryons. (...) Christopher Reeve est l'un de mes amis, tous les jours, il fait de l'exercice en pensant au jour où il aura besoin de ses muscles pour marcher à nouveau. Et je veux le voir marcher. Je crois que nous pouvons sauver des vies. Je pense que nous pouvons avoir une recherche sur des cellules souche embryonnaires qui soit éthique (...).

George Bush. - Pour créer une cellule souche, la recherche sur les cellules souche embryonnaires nécessite la destruction de vies. Je suis le premier président qui a autorisé le financement de la recherche sur les cellules souche embryonnaires. Je l'ai autorisée parce que j'espère que l'on pourra élaborer des traitements à partir des cellules souches et développer la recherche qui en découle. Mais je crois qu'il faut trouver un juste équilibre entre l'éthique et la science. J'ai donc pris la décision que l'on ne dépensera plus d'argent pour cette recherche parce que la science est importante, mais l'éthique, comme l'équilibre de la vie, le sont aussi. Détruire la vie pour sauver la vie, c'est un des dilemmes éthiques de nos jours.

Jonathan Michaelson. - Monsieur le Président, s'il y avait un poste libre à la Cour suprême et que vous aviez la possibilité de nommer quelqu'un aujourd'hui, qui choisirez-vous et pourquoi  ?

George Bush. - Je ne vous le dirais pas. (rires) Je n'ai choisi personne. De plus, je veux qu'ils votent tous pour moi (rires) Je choisirai une personne qui ne laisse pas son opinion personnelle compromettre la loi. Je choisirai quelqu'un qui interpréterait strictement la Constitution des Etats-Unis. Laissez-moi vous donner quelques exemples du genre de personne que je ne choisirai pas. Je ne choisirai pas un magistrat qui estime que le serment d'allégeance ne peut pas être prononcé dans une école parce qu'il contient les mots "devant Dieu". Je pense que c'est l' exemple d'un magistrat dont la prise de décision est influencée par son opinion personnelle et qui n'interprète donc pas la Constitution de manière stricte.

John Kerry. -Il y a quelques années, lorsque le président a pris ses fonctions, il a dit  : "Ce dont nous avons besoin, ce sont des juges conservateurs". Il a dit par ailleurs que ses deux magistrats préférés sont le juge Scalia et le juge Thomas. Cela vous donne une bonne idée de ce qu'il ferait s'il devait nommer quelqu'un à ce poste. Maintenant, je vais vous dire ce que je crois. Je ne crois pas qu'on ait besoin d'un juge conservateur et je ne crois pas qu'on ait besoin d'un juge libéral. Je ne pense pas que ce soit un bon critère pour choisir un juge. Je souscris aux critères du juge Potter Stewart. C'est un juge qui a siégé à la Cour suprême des Etats-Unis. Il estimait que lorsqu'on lit les décisions d'un bon magistrat, on ne peut pas savoir s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, d'un libéral ou d'un conservateur, d'un musulman, d'un juif ou d'un chrétien. Tout ce que vous pouvez savoir, c'est que la décision judiciaire est juste. C'est ce que je veux si j'ai le privilège de pouvoir choisir.

Sarah Degenhart. - Sénateur Kerry, si vous parlez avec un électeur qui pense que l'avortement est un meurtre, et s'il vous demande de lui assurer que ses impôts ne financeront pas des politiques en faveur de l'avortement, que lui diriez-vous  ?

John Kerry. - D'abord, je ne peux pas vous dire à quel point j'ai du respect pour les croyances en ce qui concerne la vie et où elle commence. Je suis catholique, élevé dans cette croyance. J'étais enfant de chœur. La religion a toujours été présente dans ma vie. Elle m'a aidé en temps de guerre et elle me guide aujourd'hui. Mais je ne peux pas prendre une croyance personnelle et l'introduire dans un texte de loi pour ceux qui ne partagent pas cette conviction. Qu'il s'agisse d'un agnostique, d'un athée, d'un juif, d'un protestant ou peu importe. Cela m'est impossible.

Je peux donner des conseils. Je peux parler de façon raisonnée de la vie et de la responsabilité. Je peux parler aux gens comme le fait ma femme Teresa sur la possibilité de faire d'autres choix, sur l'abstinence, ces choses qui incombent à une société responsable. Mais en tant que président, je dois représenter tous les citoyens et je dois prendre cette décision. Je crois que vous pouvez adopter cette position mais ne pas être pro-avortement. Mais vous devez respecter les droits constitutionnels des gens.

Je pense que c'est important pour les Etats-Unis de ne pas avoir ces limites idéologiques rigides et de permettre aux familles du monde entier de prendre des bonnes décisions en ce qui concerne la planification des naissances.

George Bush. - Ma réponse est que nous ne dépenserons pas l'argent des contribuables pour l'avortement. Il s'agit d'une question qui divise l'Amérique mais je suis sûr que les personnes sensées peuvent se mettre d'accord sur des manières de réduire le nombre d'avortements en Amérique. J'ai signé l'interdiction d'avortement tardif, qui est une pratique barbare. Voilà une façon de réduire le nombre d'avortements. Mon adversaire a voté contre cette interdiction. Je pense qu'il devrait y avoir des lois pour avertir les parents. Le sénateur Kerry s'y oppose.

J'ai signé le Unborn Victims of Violence Act -la loi sur les violences subies par les enfants non-nés-. C'est-à-dire que si vous êtes maman, si vous êtes enceinte, si on vous assassine, l'assassin est jugé pour deux meurtres, pas pour un seul. Mon adversaire était contre cela. Il existe donc des moyens raisonnables de promouvoir une culture de la vie en Amérique. Je crois que c'est un but digne qu'en Amérique, chaque enfant soit protégé par la loi. Je crois aussi que nous devrions avoir des lois efficaces pour l'adoption, comme alternative à l'avortement.

John Kerry. - Le président vient de dire, de façon dogmatique, mon adversaire est opposé à ceci, mon adversaire est opposé à cela. Les choses ne sont pas si simples. En ce qui concerne l'avortement tardif, il faut qu'il y ait une exception dans le cas où la vie de la mère, où la santé de la mère serait en danger. (...)

George Bush. - C'est assez simple lorsque la question est  : "Êtes-vous pour ou contre l'interdiction de l'avortement tardif  ?" Oui ou non. Il a voté contre. C'est ainsi que ça fonctionne, c'est un vote. Comme je l'ai déjà dit, on peut toujours fuir mais on ne peut pas dissimuler la réalité.

Linda Grabel. - Monsieur  le Président, ces quatre dernières années, vous avez pris des milliers de décisions qui ont touché des millions de personnes. Pourriez-vous donner trois exemples de mauvaises décisions et dire ce que vous avez fait pour les rectifier  ?

George Bush. - (...)En ce qui concerne les grandes questions, aurions-nous dû ou n'aurions-nous pas dû aller en Afghanistan  ? Devions-nous nous débarrasser de quelqu'un en Irak  ? Je reste fidèle à ces décisions, car je pense qu'elles étaient bonnes. Lorsqu'on me demande, "avez-vous commis une erreur en allant en Irak  ?",la réponse est non. C'était la bonne décision. Vous avez demandé quelles erreurs j'ai commises. Parfois je me suis trompé en nommant certaines personnes à des postes.

John Kerry. - Je crois que le président a commis une erreur colossale, désastreuse. Il n'a pas rempli sa promesse de construire une véritable coalition mondiale, d'aller au bout des procédures des Nations unies et de ne se lancer dans la guerre qu'en dernier recours. La façon dont un président des États-Unis mène son pays à la guerre est la pierre de touche de son action.

Le débat s'achève par deux bref discours de clôture.

Traduction assurée par Alexandre Karman et Isabelle de Vendeuvre, interprètes

pour l'Institut français de gestion-Langues (ISG) et transcription réalisée

par le service sténos du Monde

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La règle du jeu

Comme pour le premier débat, qui a eu lieu le 30  septembre, les règles de ce deuxième face-à-face télévisé ont été longuement négociées et minutieusement formalisées par les équipes de campagne de George Bush et de John Kerry. Ce débat se distingue du précédent par le fait que les questions étaient posées aux candidats par des électeurs présents dans la salle de l'université Washington, de Saint Louis, dans le Missouri.

Les électeurs sélectionnés. 140 personnes de l'Etat du Missouri ont été sélectionnées par l'institut de sondages Gallup, de façon à assurer la représentativité démographique nationale de ce groupe. La méthodologie utilisée par Gallup pour la sélection des participants avait été auparavant approuvée par les collaborateurs de M.  Bush et de M.  Kerry. Le panel était composé d'électeurs décidés à voter le 2  novembre et qui, à parts égales, étaient "plutôt" pour John Kerry ou "plutôt" pour George Bush sans pour autant exclure de changer d'avis. Les questions devaient provenir équitablement des deux catégories. Les équipes de campagne de M.  Bush et de M.  Kerry n'avaient pas le droit de tenter d'"approcher" les électeurs sélectionnés.

Les questions. Chaque participant a été appelé à transmettre par écrit au modérateur, avant le débat, deux questions qu'il souhaitait poser. Ni les équipes de campagne ni la commission d'organisation des débats n'ont eu accès aux questions. Le modérateur, Charles Gibson, de la chaîne de télévision ABC, a sélectionné les questions qui devaient être posées. Elles devaient porter pour moitié sur la politique étrangère et de sécurité, et pour moitié sur l'économie et la politique intérieure.

Le débat. Le modérateur devait s'assurer ensuite que les questions posées par le public correspondaient à ce qui avait été défini préalablement et s'assurer qu'il n'y avait pas de questions "inappropriées". Si un participant cherchait à poser une question différente de celle soumise au modérateur, ou se livrait à toute autre déclaration indésirée, le modérateur était tenu de lui couper le micro. Une fois leur question posée, les membres du public ne pouvaient relancer les candidats.

Le candidat à qui la question était posée avait deux minutes pour y répondre. L'autre candidat disposait alors, à son tour, d'un temps de parole d'une minute trente. Le modérateur pouvait leur faire prolonger la discussion pendant soixante  secondes supplémentaires.



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