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Un projet de barrage en Haute-Garonne nourrit la polémique

Le sort de cette retenue d'eau doit être tranché par le syndicat mixte d'étude et d'aménagement de la Garonne le 23  juin. Le débat entre défenseurs et opposants à cet ouvrage dure depuis vingt ans. Les premiers y voit une "assurance sécheresse", les seconds stigmatisent la monoculture du maïs

Toulouse de notre correspondant régional

Le projet de barrage de Charlas aborde sa dernière ligne droite. Le sort de cette retenue de 110  millions de m3, le plus grand des 18  barrages en projet dans le bassin Adour-Garonne, doit être tranché, le 23  juin, par le syndicat mixte d'étude et d'aménagement de la Garonne (Smeag), promoteur du projet. Cette décision, très politique, embarrasse les élus locaux, surtout les socialistes, qui sont largement majoritaires au sein de cette instance, mais partagés entre partisans et opposants à ce projet qui fait l'objet d'une polémique depuis bientôt vingt ans.

Le Smeag, présidé depuis sa création, en 1984, par Evelyne-Jean Baylet, ancienne présidente (PRG) du conseil général du Tarn-et-Garonne et ex-PDG de La Dépêche du Midi, devait initialement se prononcer avant le 19  mai. L'institution, composée d'élus des deux régions et des quatre départements traversés par le fleuve, a invoqué les récentes élections régionales et cantonales pour réclamer un délai supplémentaire à l'issue du débat public organisé au cours du dernier trimestre  2003 en Midi-Pyrénées et en Aquitaine.

La loi impose de répondre trois mois après les conclusions du débat. Datée du 25  janvier, la synthèse du président de la commission du débat public, Arnaud Mandement, ancien maire (PS) de Castres, n'a été rendue publique que sur Internet. M.  Mandement reconnaît que le débat a été partiellement escamoté. Il déplore dans son rapport "la faible couverture médiatique"du débat et en impute la responsabilité au "positionnement particulier de "La Dépêche du Midi"". Le quotidien régional, qui a longtemps milité en faveur du barrage, n'a pas souhaité, en effet, rendre compte de l'ensemble des réunions, organisées essentiellement dans sa zone de diffusion. Les opposants au barrage, qui avaient développé un projet alternatif fondé sur des économies d'eau, estiment avoir été désavantagés en n'obtenant pas de tribune pour leurs thèses. Ils comprennent d'autant moins l'attitude du quotidien que celui-ci avait abondamment -  et victorieusement  - relayé l'opposition à un projet de ligne à très haute tension dans le Lot, lors d'un précédent débat public organisé en 2002.

Il est vrai que la majorité des élus, du conseil général (PRG) à la mairie de Cahors (PRG), s'étaient alors déclarés hostiles au projet. Pour le projet de barrage, le rapport de M.  Mandement note au contraire "l'absence significative des principaux acteurs politiques". Le président de la commission nationale du débat public, Yves  Mansillon, souligne pour sa part que Martin Malvy et Pierre Izard, respectivement présidents socialistes du conseil régional de Midi-Pyrénées et du conseil général de la Haute-Garonne, souhaitaient reporter le débat après les élections régionales, cantonales et européennes de 2004. Leur demande a été refusée au motif que le débat était programmé depuis déjà six ans. "Un fâcheux record", note sobrement M.  Mansillon.

Sur le fond, il estime dans son propre rapport que "le débat n'a pas permis de progresser" entre partisans et opposants du barrage. Les premiers font valoir qu'un tel ouvrage représente à la fois une "assurance sécheresse" pour irriguer les champs pendant la saison sèche et un "château d'eau" pour alimenter les villes en eau potable à partir de la Garonne et des nombreuses petites rivières gasconnes, voire une "chasse d'eau" pour diluer les pollutions en période d'étiage. Les seconds stigmatisent la monoculture du maïs dans le Sud-Ouest, jugée trop gourmande en eau, et ils affirment qu'il suffirait de renoncer à 25  000  hectares de terres irriguées pour faire l'économie d'un tel  ouvrage, qualifié de "pharaonique".

Les thèses des anti-barrage, accusées d'être "idéologiques"par Jean François-Poncet, sénateur (UMP) du Lot-et-Garonne et fervent défenseur du projet en sa qualité de président du comité de bassin Adour-Garonne, gagnent toutefois du terrain. Lors de la dernière réunion du débat public, le 19  décembre 2003, Arnaud Mandement a accepté d'intégrer des études complémentaires sur un scénario de réduction des surfaces irriguées. Selon le bureau d'étude toulousain Solagro, la demande d'eau agricole pourrait prochainement baisser de 50  millions de m3 dans la région, notamment en raison de la nouvelle politique agricole commune. "Avec le découplage des aides européennes et la probable augmentation du prix de l'eau, en application du principe pollueur-payeur, il faut regarder sérieusement si certains agriculteurs n'ont pas plutôt intérêt à arrêter les cultures irriguées", plaide Philippe Pointereau. Prudent, cet ingénieur agronome de Solagro présente son hypothèse comme une "troisième voie" dans le débat entre les tenants d'une augmentation de la ressource en eau et ceux qui prônent une maîtrise de la demande.

Les aspects économiques et financiers apparaissent finalement comme le principal talon d'Achille du projet de barrage de Charlas, estimé à 256  millions d'euros par le Smeag. "Aucun financement n'apparaît acquis pour le projet", note le rapport final de M.  Mandement.

Le tour de table prévisionnel présenté par le Smeag table sur un financement à 50  % par l'agence de l'eau Adour-Garonne. "Les moyens actuels de l'agence ne lui permettraient pas de financer l'ouvrage sans remettre en cause des pans entiers de sa politique", signale M.  Mandement. La seule solution à ses yeux serait d'instituer une forte augmentation des redevances payées par les agriculteurs, qui sont aujourd'hui les plus petits contributeurs au budget de l'agence.

Le rapport de M.  Mandement souligne également que l'Etat, appelé à financer 25  % de l'investissement, n'a jamais donné son accord. Interpellé lors de la sécheresse de 2003 par son opposition, M.  Malvy, président (PS) de Midi-Pyrénées, rétorquait que les crédits gouvernementaux étaient "à sec". Quant aux collectivités locales, le rapport souligne que "seul le conseil général du Lot-et-Garonne (...) s'engage à assurer sa part de financement". Une façon pour M.  Mandement de rappeler que le Smeag se voudrait décideur sans être le payeur. "La commission (...) s'interroge sur la légitimité du Smeag à s'engager dans un tel projet ou à le porter", conclut-il.

Stéphane Thépot

Mme Baylet quitte la présidence du syndicat

Présidente du syndicat depuis sa fondation en 1984, Evelyne-Jean Baylet, ancienne présidente (PRG) du conseil général de Tarn-et-Garonne, était traditionnellement nommée au conseil syndical par le conseil régional de Midi-Pyrénées, sous des présidences de droite (Dominique Baudis, Marc Censi) ou de gauche (Martin Malvy). Mme  Baylet, qui fêtera ses 91  ans le 14  juin, ne devrait cette fois pas être reconduite parmi les quatre représentants que la région doit désigner, mardi 25  mai. Toutes les autres collectivités ont déjà nommé leurs représentants. Bien que les régionales et cantonales n'aient provoqué aucun changement politique dans les deux régions et les quatre départements concernés, le conseil syndical a été fortement renouvelé. Le Parti socialiste est assuré de la majorité.



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