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Israël réprime violemment l'activisme des pacifistes internationaux

Certains militants venus pour "protéger" les civils palestiniens sont accusés d'actes de provocation vis-à-vis de l'armée

 reportage Sur les check-points, les tensions sont quotidiennes entre soldats et volontaires

Jérusalem de notre correspondante

Les "internationaux" sont dans le collimateur des autorités israéliennes. Ces militants pacifistes venus principalement d'Europe et d'Amérique du Nord qui, depuis le début de l'Intifada, se relaient sur les points chauds de la bande de Gaza et de Cisjordanie pour tenter d'y protéger les civils palestiniens vont avoir de plus en plus de difficultés à obtenir un visa d'entrée sur le sol israélien. Début mai, les ministères des affaires étrangères et de la défense ont annoncé leur intention de limiter autant que possible l'accueil de ces volontaires en Israël et de les expulser s'ils étaient arrêtés dans des "zones militaires fermées", autrement dit la plupart des lieux où opère l'armée israélienne.

La présence attestée de deux Britanniques - l'un s'est fait exploser, le 30  avril, dans un bar de Tel-Aviv et l'autre est recherché - auprès de pacifistes de l'International Solidarity Mouvement (ISM) à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, cinq jours avant l'attentat, n'a fait qu'envenimer les relations entre les militants et les forces de sécurité israéliennes. Lundi 5  mai, à Naplouse, rapporte un militant français, des soldats ont fait irruption dans les locaux d'une organisation non gouvernementale palestinienne, "à la recherche d'internationaux". Ce climat risque aussi de décourager les quelques Israéliens qui, jusqu'alors, servaient de "parrains" aux pacifistes étrangers, afin de justifier leur venue en Israël.

Avant d'être montrés du doigt pour leurs liens présumés avec des "terroristes"et leur présence parfois jugée "provocatrice", les militants d'ISM ont pourtant payé un lourd tribut à la défense de leur cause. Le 16  mars, à Rafah, une jeune Américaine, Rachel Corrie, a été écrasée par un bulldozer israélien alors qu'elle tentait de protéger une maison palestinienne que l'armée s'apprêtait à détruire. Deux semaines plus tard, à Jénine, un autre volontaire américain d'ISM, Brian Avery, a été grièvement blessé par un tir israélien. Le 11  avril, toujours à Rafah, Tom Hurndall, un Britannique qui tentait de mettre à l'abri des enfants palestiniens, a été atteint à la tête  ; il est en état de mort clinique dans un hôpital israélien. L'armée a promis de mener des enquêtes mais a refusé, jusqu'à présent, de rencontrer les parents des victimes, ou les témoins des incidents. "Ces trois cas dénotent un durcissement de la politique israélienne, lié à la dynamique de violence et au processus de déshumanisation qui prévalent désormais dans les territoires", analyse Michel Warschawski, dont l'association, le Centre d'information alternative, accueille régulièrement des pacifistes européens. "Et il est frappant de constater que cette mort et ces blessés n'ont pas fait réagir les gouvernements concernés."

Au-delà de ces événements dramatiques, les tensions sont quasi quotidiennes entre les soldats et les pacifistes, présents sur les check-points ou dans les villages menacés par le mur de séparation qu'Israël construit pour se protéger des attentats. "Dix jours après mon arrivée, raconte Jacques, 28  ans, qui, comme la plupart des internationaux, s'exprime sous un pseudonyme afin de conserver ses chances de prolonger son visa ou de revenir dans le pays, j'ai été arrêté par l'armée, mains liées dans le dos, yeux bandés, un M  16 pointé entre les omoplates. Il s'agissait avant tout d'une manœuvre d'intimidation  ; j'ai été relâché au bout de deux heures." A plusieurs reprises, des pacifistes étrangers et israéliens ont été battus par des colons alors qu'ils protégeaient des paysans palestiniens lors de la cueillette des olives. Marie-Jo, une pédiatre française, retraitée dans six mois, vient d'achever son deuxième séjour de quatre semaines dans les territoires occupés. "En octobre, lors de mon premier voyage, je ne me sentais pas en danger en Palestine. Mais cette fois-ci, j'ai eu peur", confie-t-elle. "Un jour, sur un barrage, après un tir de sommation, un soldat a dit en anglais  : "Maintenant on va vous tirer dans la tête"."

DEUX LOGIQUES

Or, dans le petit monde des "internationaux" (2  000 personnes environ sont passées dans les territoires depuis deux ans), tous n'apprécient guère de jouer les "boucliers humains". De ce point de vue, entre les Anglo-Saxons d'ISM et les Européens, présents en majorité sous la bannière des "missions", chapeautées par la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), et souvent issus du "mouvement social" de leurs pays respectifs, deux logiques s'affrontent.

"Nous sommes là pour faire de l'interposition non violente, de la prévention, et pour témoigner une fois rentrés en France", explique Christian, un médecin français. "Les Européens, en général plus âgés que les Anglo-Saxons, essaient de venir là où l'on a besoin d'eux, sur des projets précis. Leur but n'est pas de se mettre en danger, explique un connaisseur du milieu. Chez les gens d'ISM, plus tu es impliqué émotionnellement, mieux c'est et chacun arrive avec sa vision individuelle du conflit." Huwaida Arraf, l'une des responsables d'ISM, récuse le terme de "boucliers humains" et défend "l'action directe non violente" de ses membres. Sur le terrain, pourtant, divers témoignages attestent de comportements à la limite de la provocation.

"J'ai entendu des membres d'ISM insulter des soldats, alors que nous sommes censés faire de la médiation", affirme Jacques, avant d'ajouter  : "Certains viennent pour en découdre, voir ce qu'est la guerre et pensent que la protection de civils s'improvise sur un coup de téléphone portable."Côté palestinien, les ONG se méfient de ces volontaires trop impulsifs. Malgré les critiques, les difficultés et le danger, ISM souhaite développer sa présence sur place et attend une centaine de volontaires pour sa campagne d'été. "Depuis la mort de Rachel Corrie, les candidatures se multiplient", assure Mme  Arraf.

Stéphanie Le Bars



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