§ Les dirigeants français n'entendent pas infléchir leur approche très conciliante à l'égard de la Russie de Vladimir Poutine, en dépit du ton plus critique que la chancelière allemande, Angela Merkel, a choisi d'adopter face aux méthodes autoritaires du pouvoir russe. La première visite à Moscou du ministre français des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, mercredi 18 et jeudi 19 janvier, s'inscrit dans la continuité. D'autant que les dossiers prioritaires du moment le programme nucléaire de l'Iran et les questions de sécurité d'approvisionnement énergétique pour l'Europe , deux cartes jouées avec force par M. Poutine dans ses rapports avec les Occidentaux, n'incitent guère à aborder les sujets qui fâchent. Les déclarations à la presse de M. Douste-Blazy à son arrivée en terre russe, par une température sibérienne de moins trente degrés, ont été consacrées au dossier iranien et à la nécessité de parvenir à un soutien complet du Kremlin. Contrairement à M^me Merkel, le ministre français n'a pas inscrit à son programme moscovite une rencontre avec des défenseurs russes des droits de l'homme. M. Douste-Blazy devait toutefois aborder le thème de la Biélorussie, afin d'inciter Moscou à peser sur le régime du président Loukachenko pour qu'il autorise la venue d'une mission d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à l'occasion de l'élection présidentielle du 19 mars. Côté français, on considère que les critiques formulées par M^me Merkel n'auront qu'un temps, et qu'elles sont vouées à l'échec. La Russie n'entend pas se laisser dicter une conduite, et toute remontrance ne ferait que la braquer, estime Paris. La Russie tient à être traitée selon son rang, celui d'un pays encore traumatisé par la perte de son empire, mais engagé, sous l'égide de M. Poutine, dans un "projet modernisateur", selon l'expression employée par Jacques Chirac en août 2005 à Paris, lors d'un discours devant des ambassadeurs. Les journalistes accompagnant la délégation française étaient ainsi conviés, jeudi, à rencontrer non pas des représentants de la petite mouvance démocratique russe, mais deux chantres de la propagande du Kremlin : les parlementaires Mikhaïl Margelov (jadis chargé du verrouillage médiatique sur la Tchétchénie) et Konstantin Kossatchev (qui dénonce les "révolutions de couleurs" dans l'ancien espace soviétique). M^me Merkel, fait-on valoir dans les milieux officiels français, doit encore prendre le temps de jauger le président russe, et il n'est pas exclu qu'elle se mette un jour à le tutoyer, comme le faisait son prédécesseur, Gerhard Schröder. Les Allemands tiennent beaucoup à leur coopération gazière avec la Russie. Il fut un temps (1999-2000) où les dirigeants français osaient des commentaires sur les violences commises en Tchétchénie. Cela avait valu à M. Chirac une période de bouderie de M. Poutine, qui refusait de le rencontrer. Le chef de l'Etat a cessé de qualifier la Russie de "modèle de démocratie", comme il l'avait fait en mai 2003, peu après la formation de l'axe Paris-Berlin-Moscou contre la guerre en Irak. Mais il continue de voir en Vladimir Poutine un bienfait pour la Russie : un homme qui restaure l'autorité de l'Etat. Cette vision fait peu de cas de la corruption massive qui ronge l'appareil bureaucratique russe, elle passe sous silence le chaos dans le nord du Caucase, et elle occulte l'enrichissement de clans économiques proches du Kremlin, comme c'était le cas sous Boris Eltsine. Les responsables français espèrent que M^me Merkel acceptera l'idée d'une prochaine rencontre franco-germano-russe. La chancelière réserve pour l'instant sa réponse. Elle a manifesté plus d'enthousiasme, en revanche, pour une réactivation du "triangle de Weimar", un format où les enjeux européens sont discutés entre dirigeants français, allemand, et polonais. A Moscou, une représentante du Groupe Helsinki de défense des droits de l'homme, Tania Lokshina, salue dans les désaccords manifestés par M^me Merkel avec le Kremlin "l'ouverture d'une nouvelle époque, d'une politique modifiée". "Avec Gerhard Schröder, ce genre de chose était inconcevable", ajoute-t-elle. Jeudi, pendant que le ministre français poursuivait ses entretiens à Moscou, un groupe de militants démocratiques, dont l'ancien dissident Sergueï Kovalev, se mobilisait pour dénoncer un procès érigé en symbole de l'érosion des libertés publiques en Russie. Il s'agit du procès pour "extrémisme" intenté par les autorités à Stas Dimitrievski, le responsable d'une petite ONG basée à Nijni-Novgorod, sur la Volga, qui s'efforçait de diffuser des informations sur la guerre dans le Caucase. M. Dimitrievski risque cinq ans de prison. § Les dirigeants français n'entendent pas infléchir leur approche très conciliante à l'égard de la Russie de Vladimir Poutine, en dépit du ton plus critique que la chancelière allemande, Angela Merkel, a choisi d'adopter face aux méthodes autoritaires du pouvoir russe. La première visite à Moscou du ministre français des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, mercredi 18 et jeudi 19 janvier, s'inscrit dans la continuité.