§ C'est une tradition à la Berlinale que de mettre, pour le meilleur et pour le pire, Hollywood à l'honneur en sélection officielle. Le début de la 56^e édition du Festival international du film n'y aura pas échappé qui aura notamment permis de découvrir, hors compétition, un nouvel avatar de la fiction de gauche hollywoodienne avec Syriana de Stephen Gaghan, dénonciation omnisciente et efficace du cynisme politique en vigueur aux Etats-Unis, et d'assister au retour attendu de Terrence Malick, qui donne avec The New World une version très personnelle, frappée au coin d'un lyrisme effréné, de la naissance de sa nation. En compétition, le vétéran Robert Altman présentait A Prairie Home Companion, film dédié à une émission radiophonique suivie depuis trente ans aux Etats-Unis par trente millions de foyers. Huis clos bercé par la musique country, film choral qui navigue entre scène et coulisse de l'imaginaire texan, voici une autre image du mythe américain épinglée dans l'album cinématographique d'Altman. Ce n'en est pas moins en marge de ces agapes que se trouvait, dans les sections du Forum et du Panorama, ce que peut procurer de plus enthousiasmant un festival de cinéma : une communauté de corps et d'esprit formée sans concertation préalable. Soit trois films de genre, de forme et de nationalité différents News from Home, News From House de l'Israélien Amos Gitaï, Wide Awake de l'Américain Alain Berliner, Family Law de l'Argentin Daniel Burman qui dessinent les contours d'un cinéma mineur, fondé sur la recherche d'une expression singulière, irréductible aux formes politiques ou esthétiques dominantes. Trois films qui recourent au document comme puissance de revitalisation des formes, et la familiarité d'un propos qui prend le risque du long terme. HISTOIRES D'EXIL News from home... est ainsi le troisième volet d'une recherche inaugurée en 1980 par Gitaï avec The House, puis en 1988 avec A House in Jerusalem. Soit une maison à Jérusalem. Gitaï s'enquiert depuis plus de vingt ans du destin de ses propriétaires originels (la famille palestinienne Dajani) qui en furent chassés, des ouvriers (palestiniens eux aussi) qui y ont travaillé, et des propriétaires israéliens qui s'y sont succédé. Archéologie d'une mémoire douloureusement sédimentée, parabole éclatante de la situation israélo-palestinienne, ce film relève surtout d'une démarche qui, par l'attention qu'elle accorde aux individus et aux histoires d'exil qui les fait aujourd'hui se confronter, prend délibérément à rebours la logique d'exclusion et l'imagerie délétère à l'oeuvre dans cette région. Restriction (apparente) du domaine de la lutte avec Alain Berliner, l'un des meilleurs représentants américains du journal filmé. Avec Wide Awake, l'auteur des remarquables Intimate Stranger (1991) et Nobody's Business (1996) y poursuit son éternel combat avec lui-même, sous le signe cette fois de son insomnie constitutionnelle. Autant dire qu'il s'attaque ici à ce qui conditionne son travail d'archiviste fou (comme en atteste l'impressionnant travail de montage utilisé dans ce film qui fait de l'insomnie une métaphore de l'art) et menace en même temps sa vie familiale (car le film est aussi une manière de saluer, non sans ambiguïté, la venue au monde de son fils). L'angoissant glissement de place et de fonction dans la généalogie familiale associé à une réflexion esthétique ménageant une féconde perméabilité entre fiction et document caractérise aussi Family Law, troisième volet de l'entreprise autofictionnelle de Daniel Burman et des aventures de son alter ego Ariel Perelman. Après En attendant le Messie (2000) et Le Fils d'Elias (2004) ce fils torturé d'une famille juive de Buenos Aires se retrouve à son tour père de famille, situation ajoutant à l'insidieux sentiment de solitude et d'étrangeté au monde qui fonde son identité. Moins drôle que les précédents volets, distillant néanmoins une émotion souvent bouleversante, Family Law tire sa grande force de son consentement à la faiblesse (identitaire, psychologique, dramatique) : autre définition possible d'un cinéma mineur. § C'est une tradition à la Berlinale que de mettre, pour le meilleur et pour le pire, Hollywood à l'honneur en sélection officielle. Le début de la 56^e édition du Festival international du film n'y aura pas échappé qui aura notamment permis de découvrir, hors compétition, un nouvel avatar de la fiction de gauche hollywoodienne avec Syriana de Stephen Gaghan, dénonciation omnisciente et efficace du cynisme politique en vigueur aux Etats-Unis, et d'assister au retour attendu de Terrence Malick, qui donne avec The New World une version très personnelle, frappée au coin d'un lyrisme effréné, de la naissance de sa nation.