Israël a deux options : bombarder l’Iran ou vivre à l’ombre de son arsenal nucléaire

Les dirigeants israéliens ne doivent plus tergiverser, analyse l’historien Benny Morris dans un texte publié par Ha’Aretz. Face aux ambitions nucléaires de Téhéran, ils doivent engager des moyens militaires sans précédent ou se taire.
Pour Israël, l’alternative est simple. Soit mobiliser le maximum de nos capacités militaires pour anéantir les installations nucléaires iraniennes, soit nous préparer à vivre avec un Iran nucléarisé.
Malgré des capacités militaires infiniment supérieures à celles d’Israël, les États-Unis ne feront pas le travail à notre place et, ces trois décennies, leurs présidents successifs ne l’ont d’ailleurs jamais fait, qu’il s’agisse de Bill Clinton, George W. Bush, Barack Obama ou même Donald Trump. Et ce n’est pas Joe Biden qui prendra le taureau par les cornes, entouré qu’il est de conseillers lénifiants comme Robert Malley, l’émissaire spécial américain pour l’Iran. Une preuve que Biden ne fera pas le travail est son abandon honteux de l’Afghanistan et de ses alliés locaux.
La situation actuelle est celle des années 1930, lorsque les puissances occidentales avaient renoncé à attaquer préventivement un Japon expansionniste et une Allemagne de plus en plus agressive.
Soit Biden relance le traité qu’Obama et les grandes puissances avaient signé avec l’Iran en 2015, avec des concessions supplémentaires en faveur de Téhéran. Soit, face à l’intransigeance iranienne, il n’appose pas sa signature au bas d’un nouveau texte et l’Iran poursuivra son chemin vers l’acquisition de la bombe.
Soit bombarder l’Iran, soit se taire
Selon plusieurs experts, Téhéran est à un mois de disposer d’assez d’uranium enrichi pour produire une première bombe. Ensuite, il accumulera de plus en plus d’uranium enrichi à 60 % (en violation de l’accord de 2015) et résoudra le problème de l’ingénierie des ogives pour ses missiles, avant de rapidement enrichir à 90 % son stock d’uranium et se lancer dans la production d’autres bombes.
L’Amérique n’est pas la seule fautive. Ces deux dernières décennies, les Premiers ministres israéliens successifs n’ont pas agi différemment des présidents américains. Malgré la logorrhée du “lo ne’afsher Iran gar’init” [“nous ne permettrons pas un Iran nucléaire”] reprise en chœur par Ehoud Barak, Ariel Sharon, Ehoud Olmert et enfin Benyamin Nétanyahou, aucun d’entre eux n’a concrètement relevé le défi iranien.
Certes, Israël a “piqué” l’Iran de-ci de-là en liquidant des scientifiques ou en sabotant des installations. Et, en brandissant la menace d’une frappe israélienne (“retenez-moi ou je fais un malheur”), Nétanyahou avait réussi à convaincre Obama d’imposer des sanctions sévères à Téhéran. Mais, en leur for intérieur, les dirigeants israéliens savaient que ces assassinats, ces opérations ciblées et ces sanctions n’arrêteraient jamais le programme nucléaire iranien. Tous se sont abstenus d’envoyer l’armée de l’air bombarder les installations nucléaires. Doutaient-ils des capacités de notre aviation ? Craignaient-ils que les résultats obtenus ne soient pas à la hauteur de l’investissement militaire ?
Toujours est-il que Téhéran est plus proche que jamais de l’arme nucléaire. Lorsqu’il sera au seuil nucléaire, l’Iran décrétera-t-il un moratoire ou franchira-t-il ce seuil à toute vitesse ? Il
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L'auteur
Né en 1948 en Israël dans une famille d’immigrants travaillistes britanniques précédemment originaires d’un petit village juif du nord de la Lituanie, Benny Morris est le pionnier des “nouveaux historiens” israéliens qui, à partir de la fin des années quatre-vingt, ont dépoussiéré les mythes relatifs, entre autres, aux causes de l’exode palestinien de 1948-1949. “The Birth of the Palestinian Refugee Problem, 1947-1949” (Cambridge University Press, 1988, non traduit en français) reste ainsi une référence incontournable de la “nouvelle Histoire” israélienne. Mais, contrairement à la plupart de ses confrères “nouveaux historiens”, situés à gauche voire à l’extrême gauche, Benny Morris a effectué, au plus fort de la Deuxième Intifada (septembre 2000 – février 2005), un virage politique vers une vision pessimiste et strictement guerrière du conflit israélo-palestinien. À ce sujet, voir son interview choc “Ben Gourion aurait dû expulser tous les Arabes” publiée dans Courrier international n°689 du 15 janvier 2004.
Premier journal publié en hébreu sous le mandat britannique, en 1919, “Le Pays” est le journal de référence chez les politiques et les intellectuels israéliens. Aujourd’hui situé au centre gauche, Ha’Aretz a toujours cultivé une ligne
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