
Parmi la myriade d’images, que retiendra-t-on de ce début de campagne présidentielle, de cet automne où tout le monde est censé se positionner sans toujours se déclarer ? Il y a ce duel de plus de deux heures, jeudi 23 septembre, entre le candidat de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon et le polémiste d’extrême droite Eric Zemmour, sur BFM-TV, pendant lequel ce dernier assimile la délinquance à un « djihad ». Il y a cette « presque candidature » de l’humoriste Yassine Belattar sur le plateau de « Balance ton post ! », sur C8, jeudi 30 septembre, devant un Cyril Hanouna hilare, comme à son habitude. Il y a Gilles Platret, l’un des vice-présidents du parti Les Républicains (LR), parlant, mardi 5 octobre sur CNews, d’une « épuration ethnique » qui serait menée par « un bloc musulman (…) dans certains quartiers », avant de se faire recadrer par Damien Abad, chef de file des députés LR.
Il y a aussi, mercredi 20 octobre, ce salon de la sûreté et de la sécurité intérieure pendant lequel M. Zemmour va viser des journalistes avec une arme de précision – non chargée –, avant de plaider l’humour. Ou encore, lundi 25 octobre, le même Eric Zemmour, filmé par les caméras de CNews à Drancy (Seine-Saint-Denis) et accompagné par l’animateur Jean-Marc Morandini, demandant à une femme musulmane, venue à Drancy pour l’occasion, comme elle l’a elle-même confirmé sur le plateau de « Touche pas à mon poste ! » le soir même, d’enlever son voile. Cette dernière obtempère à condition que celui-ci tombe la cravate.
Au printemps, à l’approche de cette précampagne et après une nouvelle vague de Covid-19, beaucoup d’élus l’affirmaient pourtant : la crise sanitaire avait marqué les esprits et soulevé des questions de fond. La réindustrialisation, la politique de santé, l’environnement… Promis, les débats de l’élection présidentielle tourneraient autour de grands enjeux. L’accélération médiatique de la rentrée a balayé ces promesses. Depuis la fin de l’été, les questions sociales et environnementales n’émergent pas. Au contraire, chaque semaine draine son lot de phrases polémiques et d’échanges brutaux, qui alimentent les chaînes d’information en continu, nourries par une multitude de sondages.
« Culture du clash »
Certes, la précampagne est confuse, selon Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. A cinq mois de la présidentielle de 2022, Emmanuel Macron n’est pas encore officiellement candidat à sa réélection, le candidat de la droite ne sera désigné par les adhérents Les Républicains que le 4 décembre, Eric Zemmour ne s’est pas encore lancé lui non plus… Pour le sondeur, la situation n’est pas plus brouillonne qu’elle ne l’était il y a cinq ans. « Qu’il y ait de l’affrontement binaire, des sujets qui vont et viennent, et une culture du clash, tout cela n’est pas nouveau », est-il persuadé. Il est vrai que les petites phrases existaient déjà il y a cinq ans. A l’image de Nicolas Sarkozy, à l’époque candidat à la primaire de la droite et du centre, qui proposait une « double ration de frites » pour les musulmans refusant le jambon dans les cantines scolaires.
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