Le divorce est prononcé. Après 47 ans de vie commune houleuse, le Royaume-Uni est devenu vendredi 31 janvier le premier pays à quitter l’Union européenne pour écrire un nouveau chapitre, riche en incertitudes, de son histoire. Il aura fallu trois ans et demi de déchirements pour que le grand saut dans l’inconnu, voté à 52 % par les Britanniques en 2016, se concrétise.
Le jour a beau être historique, il n’entraîne pas de grand changement concret dans l’immédiat. Pour que la séparation se fasse en douceur, le Royaume-Uni continuera d’appliquer les règles européennes jusqu’au 31 décembre.
Le Royaume-Uni doit désormais s’atteler à la tâche difficile de rebâtir des relations avec le bloc réduit à vingt-sept et amputé de 66 millions d’habitants. Mais aussi avec les grandes puissances comme les Etats-Unis de Donald Trump, qui lui font des appels du pied.
Parmi les premiers responsables étrangers à réagir, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a promis dans un tweet de « renforcer » les « relations déjà fortes » avec son allié historique.
I am pleased the UK and EU have agreed on a #Brexit deal that honors the will of the British people. We will contin… https://t.co/Qa0uKyHoCL
— SecPompeo (@Secretary Pompeo)
- Boris Johnson promet un « succès retentissant »
A une heure du moment fatidique, pendant qu’un compte à rebours était lancé sur la façade de Downing Street, le premier ministre Boris Johnson a prédit que le Brexit, dont il a été un promoteur acharné, serait un « succès retentissant », « quels que soient les obstacles ».
« La chose la plus importante à dire ce soir, c’est que ce n’est pas la fin, mais le début, le moment où l’aube pointe et le rideau se lève sur un nouvel acte », a-t-il ajouté, lyrique, promettant « le début d’une nouvelle ère de coopération amicale » avec l’Union européenne.
Se gardant de tout triomphalisme, il avait insisté auparavant devant ses ministres sur sa volonté de « tourner la page des divisions » et « travailler à toute vapeur » pour rassembler le pays.

A 55 ans, Boris Johnson peut savourer comme une victoire la concrétisation du Brexit, après avoir été élu à une large majorité en décembre sur cette promesse. Il a réussi là où la précédente locataire de Downing Street, Theresa May, avait échoué.
- Devant Westminster, les pro-Brexit jubilent
Aux abords du Parlement de Westminster, une demi-minute avant 23 heures (minuit heure de Bruxelles), la foule réunie pour fêter le Brexit a décompté en hurlant les dernières 30 secondes. « Nous ne retournerons jamais en arrière ! », avait promis quelques instants plus tôt Nigel Farage aux quelques 10 000 sympathisants réunis devant Westminster pour cette ultime « Brexit Party ».
« Nous allons travailler avec l’UE, faire du commerce avec l’UE, mais nous ne prendrons plus nos ordres ailleurs que chez nous ! Nous serons libres et souverains ! », a poursuivi le plus acharné promoteur du Brexit avant que la foule entonne « Rule Britannia, Britons never, never, never shall be slaves » (« Va Grande-Bretagne, les Britanniques ne seront jamais, jamais, jamais esclaves »), puis, bien sûr, le God Save the Queen…
Notre reporter Raphaëlle Bacqué était sur place :
Le moment où le Royaume Uni est sorti de l’Union européenne https://t.co/btkwNAaqS2
— RaphaelleBacque (@Raphaelle Bacqué)
- Pour la suite, des négociations difficiles et incertaines avec Bruxelles
Commerce, sécurité, pêche… Avec Bruxelles, les termes de la coopération doivent être définis d’ici à la fin de l’année. Dans les semaines à venir, des négociations qui s’annoncent âpres vont s’ouvrir et leur issue reste très incertaine. Londres souhaite aboutir en un temps record et exclut toute prolongation de la transition au-delà de 2020. Un calendrier jugé très serré à Bruxelles.
Boris Johnson, qui détaillera sa vision en début de semaine prochaine, a déjà clairement annoncé qu’il visait un accord de libre-échange du même type que celui signé par l’UE avec le Canada, sans alignement sur les règles communautaires, quitte à accepter des contrôles douaniers.
Bruxelles, qui craint une concurrence déloyale, a d’ores et déjà prévenu : sans « conditions équitables » en matière d’environnement, de travail ou de fiscalité, pas de « large accès au marché unique ».

De Bruxelles à Berlin en passant par Paris, les dirigeants européens ont exprimé leurs regrets et leur détermination à trouver « le meilleur partenariat possible ». « Un signal d’alarme historique » qui doit « nous faire réfléchir », a averti le président français Emmanuel Macron. « Au revoir et bonne chance », a tweeté le chef de la diplomatie irlandaise Simon Coveney.
Good bye & good luck to my friends in the UK. History is changing course tonight. I hope we can make the new realit… https://t.co/4TcgyPiI6Q
— simoncoveney (@Simon Coveney)
- « L’Ecosse reviendra au cœur de l’Europe », promet la première ministre écossaise
L’événement marque un nouvel épisode où tout reste à écrire ; mais pas la fin des divisions qui ont fracturé le Royaume-Uni. Les « remainers » gardent un goût amer, notamment dans les provinces britanniques qui ont voté majoritairement pour rester dans l’UE, en Ecosse et Irlande du Nord.
« L’Ecosse reviendra au cœur de l’Europe en tant que pays indépendant », a tweeté la première ministre indépendantiste écossaise Nicola Sturgeon, déterminée à lutter contre le refus de Londres d’autoriser un référendum sur l’indépendance.
Scotland will return to the heart of Europe as an independent country - #LeaveALightOnForScotland 🏴 https://t.co/Pc2fibYnG4
— NicolaSturgeon (@Nicola Sturgeon)
A Edimbourg, le drapeau continuera de flotter après le Brexit devant l’assemblée locale, où des centaines de personnes se sont réunies vendredi soir pour dire leur opposition au départ de l’UE.
- Suspension de l’accès des pêcheurs français aux eaux de Guernesey
Les autorités de Guernesey ont « temporairement suspendu » à compter de samedi l’accès des navires de pêche français aux eaux de l’île anglo-normande, a annoncé le ministère français de l’agriculture et de la pêche, dans la nuit de vendredi à samedi. « Pour le cas particulier des eaux de Guernesey, les accès des pêcheurs français aux 6-12 milles sont fondés sur la Convention de Londres, qui expire aussi le 31 janvier à minuit, à la suite de la dénonciation du Royaume-Uni », rappelle le ministère dans un communiqué.
Si à la suite d’échanges avec Guernesey, « l’accès aux eaux sera maintenu jusqu’à la fin de l’année », comme pour les eaux britanniques, le temps de trouver un compromis entre l’UE et le Royaume-Uni sur la pêche, « sur un plan administratif, en raison de l’expiration de la Convention de Londres, les modalités de cet accès doivent être renouvelées », indique le ministère.
« Les autorités de Guernesey ont décidé ce soir de l’instauration d’un régime d’autorisation individuelle. La procédure pour solliciter ces autorisations doit être mise en place la semaine prochaine », selon le ministère qui indique que « pendant cette période, l’accès des navires français aux eaux de Guernesey est temporairement suspendu ».
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