L’Europe se meurt. Elle se meurt de ses contradictions internes, de son absence de volonté politique, de l’absence de vision à long terme.
L’Union européenne est devenu un conglomérat des intérêts nationaux
L’Union européenne est devenue une sorte de conglomérat mou dans le meilleur des cas, une sorte d’ONU ou de Société des nations à la veille de sa mort. Le conseil européen extraordinaire de la semaine dernière consacré au cadre financier pluriannuel 2021-2027 a une nouvelle fois montré cette incapacité à prendre des orientations politiques ambitieuses à moyen et long terme. Les divisions étaient telles qu’il a été tout simplement impossible de prolonger le sommet après vendredi. Une perspective d’accord aurait permis de prolonger le sommet jusqu’au week-end, mais comme l’a dit Angela Merkel, les divergences politiques étaient trop profondes.
Le cadre pluriannuel financier devrait être l’occasion de se donner des outils budgétaires communs afin de mener des politiques communes et concrétiser cette “Europe souveraine”, terme au demeurant inapproprié car l’Europe n’est pas un État qui, seul, dispose de la souveraineté. Au lieu de cela, le conseil européen est devenu le lieu de batailles rangées au service des seuls intérêts nationaux. Aucun État n’accepte plus de payer plus qu’il ne reçoit mais on veut bien recevoir plus que ce que l’on paye au budget européen. L’Europe est devenue un simple tiroir-caisse. Certains pays violent allègrement les règles de l’État de droit mais veulent pouvoir continuer à profiter des fonds structurels.
Les “pingres” contre les “corrompus”?
Les pays du nord ne veulent plus financer à fonds perdus la politique agricole commune ou la politique de cohésion qui comprend les fonds structurels, quand la France et les pays d’Europe du sud et du groupe de Višegrad exigent qu’on maintienne le niveau de ces dépenses. La chancelière allemande Angela Merkel veut resserrer les cordons de la bourse. Emmanuel Macron veut des crédits pour la défense européenne quand personne n’est d’accord pour une stratégie de défense commune, y compris sur la mutualisation des moyens.
Alors que l’Europe aurait dû se ressouder après le départ des Britanniques qui ont laissé un trou financier de l’ordre de 75 à 80 milliards d’euros sur la période 2021-2027, les divisions s’étalaient au grand jour.
Alors que l’Europe aurait dû se ressouder après le départ des Britanniques qui ont laissé un trou financier de l’ordre de 75 à 80 milliards d’euros sur la période 2021-2027, les divisions s’étalent au grand jour, certains pays comme les Pays-Bas ayant repris la thématique libérale britannique. Ils sont qualifiés de “pingres” quand ces derniers soupçonnent les pays de l’Est d’être tous “corrompus”. Enfin, tous les pays ou presque avaient oublié le parlement européen. Voilà que son président, David Sassoli, laisse planer la menace d’un rejet du budget.
Les crises succèdent aux crises et ne sont plus salvatrices
La conférence de presse d’Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission, et de Charles Michel, président du Conseil européen, vendredi dernier, fut pathétique avec comme toute conclusion que ce sommet avait été essentiel même sans accord et qu’il avait permis de faire avancer les choses.
Jean Monnet disait que l’Europe se ferait dans les crises. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les crises succèdent aux crises mais on ne sait plus où on va, il n’existe plus de volonté commune, il n’existe plus de vision commune et si le président français en avait une, il est aujourd’hui isolé et le souffle qu’il avait suscité s’est éteint dans les mois qui ont suivi son élection.
La conférence de presse d’Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission, et de Charles Michel, président du Conseil européen, vendredi dernier, fut pathétique.
L’Europe des “Pères-fondateurs”, celle des Monnet, Schuman et Gasperi est bel et bien révolue, il faut s’y résoudre. Les peuples, aiguillés par les responsables politiques qui ont, pendant des décennies, soufflé sur les braises des feux du populisme anti-européen, n’en veulent plus. Ils ne sont pas pour autant, pour la plupart, devenus anti-européens et c’est le paradoxe.
L’Europe sera fédérale ou ne sera pas
La seule façon de s’en sortir serait une réforme urgente des traités, même si cela sera difficile à 27. Aujourd’hui, on le voit bien, le veto paralyse l’Union européenne. On ne peut plus rien décider au conseil pour ainsi dire sans recourir à la règle de l’unanimité. Au conseil des ministres, sur la fiscalité ou la politique étrangère et de sécurité communes il faut encore l’unanimité. La paralysie est telle qu’il n’est plus facile d’avancer de concert. Même au sujet de la directive sur les travailleurs détachés où théoriquement le vote à la majorité qualifiée est possible, la réforme n’a eu lieu qu’à la marge même si on a fait force publicité et communication sur cette soi-disant réussite.
Il est donc nécessaire de provoquer un sursaut et de proposer le passage à la majorité pour ces matières, quitte à créer une nouvelle Union qui se substituerait à la première et à laquelle les autres pays volontaires finiraient par s’agréger. Et qu’on ne vienne pas dire que le fédéralisme serait une sorte de dictature. Les seules institutions qui fonctionnent aujourd’hui sont des institutions fédérales: Commission européenne, Parlement européen, Cour de justice de l’Union européenne, Banque centrale européenne. Le Conseil des ministres représentant les États est le lieu des affrontements nationaux.
Le fédéralisme est par essence très démocratique avec des pouvoirs et des contre-pouvoirs. Alors créons cette fédération européenne pour que l’Europe devienne enfin un géant politique qui compte, sinon au final, l’union européenne ne sera plus qu’une zone de libre-échange. Ce sera la victoire posthume des Britanniques.
Il faut donc sauver cette Europe. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’une seule façon d’y aller: l’Europe sera fédérale ou ne sera pas. Le temps est compté. Autrement, autant arrêter l’aventure tout de suite.
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