LGBTI: Les personnes trans éloignées des soins et souvent discriminées, selon une étude

DISCRIMINATIONS Selon une étude publiée ce jeudi à l’occasion d’un colloque sur la santé des LGBTI, les trois quarts des personnes trans ont été discriminées par des professionnels de santé…

Oihana Gabriel

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Illustration d'un médecin.
Illustration d'un médecin. — Denis Closon/Isopix/SIPA
  • Jeudi et vendredi se tiendra un colloque consacré à la santé globale des personnes lesbiennes, gays, bis, trans et intersexes (LGBTI) à Bordeaux. 
  • A cette occasion, une étude souligne les divers freins que subissent notamment des personnes trans dans leur parcours de soin. 
  • Discrimination, suspicion et méconnaissance du personnel médical créent une solitude et un sentiment d'abandon chez certains de ces patients.

« Pour moi, vous êtes toujours un homme, alors ça sera monsieur ». Voilà le genre de remarques méprisantes qu’a essuyé Léa*, une femme transgenre, de la part de professionnels de santé. Et elle n’est pas la seule à subir des vexations dans son parcours de soins. Un pronom et un prénom inadéquats répétés volontairement, une patiente surnommée « la chose » aux urgences… Se faire soigner quand on est une personne trans en France ressemble souvent à un parcours du combattant jonché de regards et de mots blessants.

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Une première enquête sur la santé globale des LGBTI

Jeudi, un colloque à Bordeaux offrira l’occasion de se pencher sur la santé des LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexes). Et de faire connaître la première enquête** menée en France sur leur santé. « En France, on parle prioritairement de la question du sida quand on évoque la santé des LGBTI, regrette Arnaud Alessandrin, sociologue et directeur avec Johanna Dagorn de cette étude. Ou de santé reproductive et pour les personnes trans, de santé psychique. On voulait mettre l’accent sur trois thèmes : le cancer, parce que c’est la question médicale contemporaine, la santé scolaire parce que tout le monde passe par l’école et la chirurgie de l’obésité, parce que pour ces minorités le rapport au corps est très important. »

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Des personnes trans qui se sentent discriminées

Et cette enquête dévoile que les personnes trans en particulier accumulent les difficultés. D’abord parce qu’elles ne peuvent souvent pas se passer des médecins. Les personnes trans qui souhaitent une opération génitale ou une hormonothérapie doivent trouver un chirurgien et médecin bienveillants, mais aussi passer obligatoirement par un long travail en psychiatrie.

Mais aussi pour cause de discriminations : 72 % des personnes trans interrogées se sont senties mal à l’aise dans leurs parcours de soins du fait de leur identité de genre, contre 44 % des hommes gays et bi et 52 % des femmes lesbiennes et bi. « J’ai changé quatre fois de laboratoire d’analyse à cause de personnes ayant tenu des propos transphobes à mon encontre, le plus souvent à haute voix pour que la salle d’attente entende bien, se désole Léa, 32 ans. Parfois les attitudes des soignants changent quand ils prennent conscience qu’on est une personne transgenre, ils piquent moins bien ou refusent de mettre à jour notre dossier médical ».

Des conséquences sur la santé

Ce qui n’est pas sans conséquence. En effet, 40 % des personnes LGBTI n’ont jamais parlé de leur identité de genre à des professionnels de santé. Alors qu’un traitement hormonal ou une opération sont des données indispensables pour poser un diagnostic. Pire, plus de 14 % ont évité des soins. « Pour certains, la réponse va être de changer souvent de médecin mais il faut le bon réseau, le temps, l’énergie », souligne Arnaud Alessandrin, sociologue à l’université de Bordeaux. Beaucoup se murent dans le silence et la solitude : 77 % des personnes LGBTI qui se sentent discriminées dans le soin n’en ont jamais parlé.

Léa vit à Nancy… mais a gardé son médecin traitant à Lille. « Trouver un généraliste bienveillant est parfois compliqué. Ils peuvent être secs, malveillants ou refusent de nous prescrire hormones, traitement ou autres soins. » Pas évident alors d’avoir un suivi médical complet. « Je suis tombée malade cet hiver une semaine, je n’ai pas vu de médecin et j’ai posé des congés plutôt que de demander des arrêts de travail », reprend la trentenaire. Quant au médecin du travail, il n’est en rien un interlocuteur fiable pour elle. « N’ayant pas confiance, je lui donne le moins d’information possible, ce qui fait que potentiellement, il peut passer à côté d’une maladie professionnelle ».

Une suspicion généralisée

« Les lesbiennes vont plutôt craindre de tomber sur des gynécos malveillants, les gays sur des généralistes homophobes, analyse Arnaud Alessandrin. Pour les personnes trans, tout professionnel de santé est suspecté de discrimination. Pour deux raisons : souvent après une mauvaise expérience, mais également par ignorance de la part des médecins. Ces patients sont souvent mal orientés, mal conseillés et mal suivis. »

Et cette méconnaissance semble plus large. « Les rares études étrangères sur l’effet des hormones qu’on donne aux personnes trans ne sont pas connues des praticiens français, assure le sociologue.. Ils ne vont donner ni les bonnes hormones, ni le bon dosage hormonal, et n’ont pas toujours conscience des effets cancérigènes possibles. Et il y a un manque de savoir-faire en France sur les opérations chirurgicales de personnes trans. On a des personnes trans plus expertes de la santé trans que les médecins ». Du coup, les patients transgenres trouvent des stratégies parallèles grâce aux supports numériques : partage de listes de médecins accompagnants, des pages Facebook, des forums, qui les guident dans l’univers du soin.

* Le prénom a été changé

** Etude sur la santé des LGBTI avec plus de 1.100 réponses par questionnaire, 40 entretiens et plus de 100 articles recensés.