Terriennes

#MeTooTrans : la parole se libère pour lutter contre la transphobie

Marche pour défendre les droits des personnes transgenres et non-binaires organisée lors de la Gay Pride Festival transgenre à Atlanta (Etats-Unis), le 12 octobre 2019.
Marche pour défendre les droits des personnes transgenres et non-binaires organisée lors de la Gay Pride Festival transgenre à Atlanta (Etats-Unis), le 12 octobre 2019.
@AP Photo/Robin Rayne

En ce 20 novembre, "Journée mondiale du Souvenir Trans en mémoire des victimes de transphobie", retour sur ce mouvement lancé il y a quelques jours sur les réseaux sociaux. Suite à notre publication interrogeant l'émergence d'un #MeToo pour les personnes transgenres, des centaines de témoignages ont afflué sous le hashtag #MeTooTrans. 

Les témoignages sont graves. Indicibles. Ils attestent l’urgence de la mobilisation. Initié le 10 novembre 2019 par une internaute trans interpellée par la publication de notre article A quand un Metoo des femmes transgenres ?", ce hashtag a libéré la parole des personnes transgenres sur les agressions, viols et outrances qu’elles subissent au quotidien. Depuis, les témoignages se succèdent sur les réseaux sociaux.

Terriennes a voulu relayer quelques-uns de ces témoignages, qui illustrent combien la transphobie, peu traitée par les médias, est présente, à tous les niveaux de la société. 

Dans le témoignage qui suit, une jeune internaute raconte comment elle s'est retrouvée exposée aux propositions sexuelles d’un chauffeur de bus après que celui-ci a refusé de la déposer à l’arrêt demandé.

Une autre jeune femme évoque l'abus sexuel dont elle a été victime. Son agresseur était un homme qu’elle avait croisé dans la rue.

Fétichisation sexuelle

Cette fétichisation, voire exotisation des personnes trans, est un phénomène loin d'être marginal, comme l'atteste le témoignage de ces internautes "abordés comme des expériences sexuelles en devenir avec la même sollicitude et les mêmes injonctions à se plier aux désirs légitimes de ces hommes cisgenres en quête de découvertes et de vécus sexuels extraordinaires," analyse Héloïse Guimin-Fati, femme trans et activiste.

Sollicitée par Terriennes, Lucile, la jeune initiatrice du mouvement interpellée par notre premier article, perçoit ces témoignages comme "la réalité d’un vécu quotidien des personnes trans, corrélé à d’autres problématiques comme le racisme. Le tout dans une dynamique réelle, décomplexée, trop souvent niée et parfois assumée de certains politiques et individus".

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Si les témoignages continuent d’affluer sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes trans dénoncent aussi le silence, voire l’inertie des collectifs féministes traditionnels et des associations LGBT sur la mobilisation.

Contactée par Terriennes, une internaute trans lie ce problème à une méconnaissance de la transidentité et à l’idée malsaine d’une anormalité des personnes trans.

Selon une estimation publiée dans l'ouvrage commun de Karine Espineira et Arnaud Alessandrin Sociologie de la transphobie (édité par Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine en 2015)pas moins de 85 % des personnes transgenres seront agressées au cours de leur vie.
 

Un début de prise de conscience et après ?

Au delà d'une libération de la voix trans, ce MeToo pourrait enfin permettre d'ouvrir la voie vers plus d'écoute de la part d'une société considérant la transphobie comme un (épi)phénomène, dont on ne connaît pas, ou dont on préfère taire, la réelle étendue. Difficile de traiter un problème que l'on ne veut pas voir parce que la majorité le juge difficilement identifiable. Comment cette parole permettra-t-elle une réelle prise de conscience, suivie par de réels engagements pour lutter contre les discriminations et agressions transphobes ? L'urgence est sans doute dans la convergence des luttes contre les violences sexuelles, quelles qu'en soient les victimes. Elle sera au centre de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes du 25 novembre.