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12/11/2019 17:56 CET | Actualisé 20/11/2019 09:35 CET

Avec #MeTooTrans, les personnes trans témoignent des violences quotidiennes

La transphobie se caractérise par des agressions physiques et des insultes mais aussi, souvent, par des questions inappropriées.

nito100 via Getty Images
Agressions, insultes, incompréhension, curiosité mal placée... Le quotidien des personnes trans est loin d'être simple.

LGBT+ - Ce sont des histoires douloureuses qui pour eux sont le quotidien. Depuis dimanche 10 novembre, des personnes trans témoignent sur Twitter de leurs expériences de transphobie à travers le hashtag #MeTooTrans.

Agressions physiques ou verbales, harcèlement, mégenrage, blagues plus que douteuses, questions déplacées... Des dizaines de tweets viennent rappeler la transphobie dont, chaque jour, les personnes trans sont victimes.

“Face aux agressions transphobes, individuelles ou collectives, personnelles ou étatiques qui se multiplient, je vous invite à partager vos expériences de transmisogynie et de transphobie sous le hashtag #MeTooTrans”, a écrit dimanche Lucile, la jeune femme de 25 ans qui a lancé le mouvement.

“Calqué sur le modèle de dénonciation qu’était le #Metoo, ce hashtag a pour but de libérer la parole des agressions que nous, personnes trans vivons dans un système toujours plus enclin et favorable à notre discrimination et à nos agressions”, poursuit-elle.

C’est suite à la publication d’un article sur TV5Monde, intitulé ”À quand un #MeToo des femmes transgenres” et qui raconte la réalité de celles-ci, que Lucile a été contactée par plusieurs personnes concernées et sollicitée pour lancer ce hashtag “contre la transphobie et la transmisogynie”, raconte-t-elle, contactée par Le HuffPost. “Cela s’est donc fait assez rapidement”, précise-t-elle. 

Depuis, Lucile a reçu énormément de remerciements. Un engouement qui lui “fait plaisir: des gens ont osé parler de choses dont ils n’osaient pas”. En même temps, elle le reçoit de manière mitigée: “je m’attendais à ce que nous ayons un peu de soutien en dehors des personnes directement concernées”, ajoute-t-elle. 

Agressions physiques

Lire ces témoignages rappelle tout d’abord que les personnes trans sont plus que souvent victimes d’agressions physiques.  

“Quand un mec m’a attrapé l’entrejambe en soirée plusieurs fois d’affilée pour vérifier que j’avais bien ‘des couilles’”, se souvient l’une d’entre elles.

Un homme trans raconte comment de son côté il est ressorti des toilettes avec un bleu au début de sa transition. 

Cette violence physique n’est pas uniquement l’apanage d’inconnus, comme le montre un autre homme, se souvenant de cette “amie” lui ayant touché “le sexe de manière non consentie”.

Cette année, au début du mois d’avril, l’agression transphobe de Julia, très médiatisée, avait suscité une vague d’indignation. Joël Deumier, qui était alors président de SOS homophobie, estimait auprès du HuffPost que les personnes trans sont en effet plus souvent agressées et/ou harcelées que les autres minorités LGBT+.

“Lors qu’on ne correspond pas à un stéréotype de genre, masculin ou féminin, cela dérange profondément. On attend certaines choses d’un homme et d’une femme et si l’on ne remplit pas ces attentes, on subit brimades et insultes, expliquait-il. D’autant plus que lorsque le genre ne semble pas bien établi, les gens ont tendance à perdre pied et devenir agressifs”.

Dans son rapport sur l’homophobie 2019, l’association SOS Homophobie faisait état de 210 cas de transphobie en 2018, un sur dix étant une agression physique et/ou sexuelle.

Incompréhension des proches

Quand il ne s’agit pas de violence physique, c’est une autre forme de violence qui apparaît dans les témoignages #MeTooTrans: celle de l’incompréhension des proches, comme le montrent ces deux tweets où l’un explique pourquoi il a dû couper les ponts avec sa grand-mère, l’autre que ses parents l’ont traité de “monstre”.

Questions inappropriées

Ces témoignages montrent par ailleurs à quel point les personnes trans sont régulièrement les cibles de questions indiscrètes et douteuses et qu’elles deviennent, comme souligné dans ce tweet, “des objets de fantasmes et de curiosité”. 

Blague sexuelle d’un côté, remarque sur l’identité de genre de l’autre... l’intimité des personnes trans semble leur échapper. 

Pour Arnaud Alessandrin, sociologue, spécialiste du genre et des transidentités, si autant de questions intimes sont posées aux personnes trans, c’est d’abord parce qu’elles interrogent. “La notion de genre n’est pas clarifiée, celle d’identité de genre non plus”, expliquait-il précédemment au HuffPost. Pour beaucoup de personnes, le genre fait peur. 

Mais c’est aussi, selon lui, une preuve que les personnes trans sont encore loin d’être acceptées par la société. “Quand on leur pose des questions sur leurs organes génitaux, chose qu’on ne ferait jamais avec des non-trans, on leur montre qu’elles ne font pas partie de la vie commune, de l’humanité”. Une mise à distance de l’autre qui est encore plus démontrée à travers les blagues: “Lorsqu’on rigole des trans, c’est un marqueur du fait qu’ils ne sont pas intégrés à la société. On ne respecte ni leur intimité ni leur intégrité”, poursuit-il.

Pour le comédien et humoriste Océan, qui a fait son coming out d’homme trans il y a un peu plus d’un an, la transphobie réside beaucoup dans ces questions inappropriées. C’est pourquoi, selon lui, c’est au quotidien que les personnes doivent “se blinder”: “Quand t’es trans, tu sens que tu portes un truc, tu as tout le temps un peu peur de la question déplacée, il faut se blinder et parfois se fermer complètement.” 

Quoi qu’il en soit, Lucile espère avant tout, à travers #MeTooTrans, “sensibiliser”. Pour que “les gens se rendent compte de ce que l’on vit.” 

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