Search Direct User 100 Zoom Quiz ? Libération Diamond clock xml netvibes live anciens-numeros data desintox diapo edito election-2017 election essentiel generique idee jo next portrait radio son alerte top-100 star une video podcast scroll politiques food sciences Facebook Whatsapp Twitter insta vine later glass Mail print Facebook Instagram Twitter Calendar download cross zoom-in zoom-out previous next truck visa mastercard user-libe user-doc user-doc-list user-mail user-security user-settings user-shop user-star Ruban abo Losange orange List check Most read Ptit Libé sport blog voyage
    Tribune

    En couple avec une femme trans, je suis exclue de la PMA «pour toutes»

    Par Manon Beury, doctorante en droit international
    Lors de la marche des fiertés samedi 4 juillet 2020 à Paris.
    Lors de la marche des fiertés samedi 4 juillet 2020 à Paris. REUTERS / Charles Platiau

    La loi bioéthique adoptée fin juillet a acté l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires et aux couples de lesbiennes, mais interdit la procréation aux personnes transgenres après un changement de la mention du sexe à l’état civil.

    Tribune. Je ne connais pas mon père biologique. Comme beaucoup d’autres, il a pu faire un enfant avec ma mère puis partir sans rien assumer. Ça, ce n’est pas un problème en droit français. On est loin du modèle familial traditionnel mais il n’y a pas de «vide juridique». En revanche, le droit français m’interdit d’avoir des enfants avec ma copine, même si nous sommes en couple depuis dix ans. Si on le faisait, il s’agirait forcément d'un choix – puisque l’aboutissement de longues démarches – et nos enfants seraient élevés par deux parents dans l’amour et la joie. Parce que le droit français interdit la procréation aux personnes transgenres après un changement de la mention du sexe à l’état civil.

    Au lendemain de l’adoption de la procréation médicalement assistée (PMA) «pour toutes», sauf pour nous, l’évidence me noue la gorge : à l’exception de quelques cas isolés, personne ne s’est battu pour nous. La majorité de nos représentant·e·s pense toujours que nous sommes des monstres.

    Situation ridicule

    Alors que je fais un doctorat à l’étranger, la perspective de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes était si proche que ma petite amie et moi avons sérieusement envisagé de revenir vivre en France bientôt. Dès l’entrée en vigueur de la loi, nous nous serions installées près de l’endroit où j’ai grandi, j’aurais terminé la rédaction de ma thèse et nous aurions commencé les démarches pour la PMA. Nous aurions été épaulées par ma famille et mes ami·e·s. Les parents de ma copine, qui habitent en Allemagne, nous auraient rejointes pour quelques mois afin d’être présents pour la naissance. Cette idée nous rendait très heureuses, je m’y projetais déjà.

    A lire aussi La PMA pour toutes, pas encore pour tout·e·s

    Mais la loi bioéthique a été adoptée par l’Assemblée nationale le 31 juillet et les députés ont décidé que ce projet-là était inconcevable. En quelques amendements, les femmes trans ont été exclues de la loi. J’aimerais que vous compreniez à quel point cette situation est ridicule : ma compagne ayant déjà fait conserver son sperme, il suffit donc simplement d’utiliser ses gamètes comme dans n’importe quelle PMA pour un couple hétérosexuel. Mais la nouvelle loi bioéthique nous l’interdit. Si nous faisions une PMA, nous serions obligées d’utiliser le sperme d’un donneur anonyme. Cette décision n’a aucun sens, sauf à vouloir éviter que les femmes trans ne deviennent parents. Il s’agit d’une discrimination en raison de l’identité de genre de la personne, contraire aux droits fondamentaux que la France s’est engagée à respecter.

    Suite à ce vote, je ne sais pas si nous réussirons à avoir des enfants. L’adoption pour un couple de lesbiennes est déjà difficile, elle est quasiment impossible lorsqu’il s’agit d’un couple avec une femme trans. Nous sommes en train de nous renseigner sur la possibilité de faire une PMA à l’étranger mais ce n’est pas simple. En Belgique, par exemple, il nous faudrait passer devant une commission d’éthique qui décide si nous avons le droit d’accéder à la PMA ou non. Et il semble que ces commissions donnent souvent un avis négatif aux couples transparentaux. Dans tous les cas, cela coûtera très cher et nous serons complètement seules, loin de nos familles.

    Même si nous arrivons à accéder à une PMA en utilisant les gamètes de ma petite amie dans un pays étranger, elle ne pourra pas être reconnue comme parent biologique sur le certificat de naissance de nos enfants. Elle sera mère adoptive, comme si nous avions eu recours au sperme d’un donneur anonyme. Uniquement parce qu’il n’y a qu’une case «mère» et une case «père» sur un certificat de naissance. Donc, il ne peut pas y avoir deux mères biologiques. En 2018, la cour d’appel de Montpellier a trouvé une solution très simple à ce problème : l’inscription «parent biologique». Cela serait possible avec un peu de volonté politique.

    Se battre un petit peu plus

    Je me réjouis évidemment de l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires et aux couples de lesbiennes. Mais cette victoire a un goût amer. Dès le départ, le projet de loi en seconde lecture excluait les hommes trans. Puis un amendement a supprimé la méthode Ropa qui aurait permis à deux femmes d’être toutes deux parents biologiques de leurs enfants. La loi est revenue sur une décision de la Cour de cassation sur la reconnaissance des enfants nés d’une GPA à l’étranger. La discrimination envers les hommes gays les obligeant à quatre mois d’abstinence avant de pouvoir donner leur sang a été maintenue. Les mutilations sur les enfants intersexes n’ont pas été interdites… entre autres reculs par rapport au projet initial. Je suis emplie de tristesse et de colère face aux nombreux aspects de la loi bioéthique qui ont été amputés. Je me demande combien de temps cela prendra pour qu’une nouvelle loi telle que celle-ci soit débattue. Est-ce que cela n’aurait pas valu le coup de se battre un petit peu plus ?

    J’aimerais qu’on écoute mon histoire et celle des autres personnes que cette loi a évincée, en dépit de nos droits fondamentaux et sans aucune autre raison que l’homophobie et la transphobie. J’aimerais que tout le monde soit aussi triste et en colère que nous aujourd’hui. Parce que la discrimination devrait être insupportable à tou·te·s, que cela nous concerne directement ou non.

    Je le répète, parce que ça paraît incroyable : en dépit de l’ouverture de la PMA «pour toutes», le droit français m’interdit d’avoir des enfants avec ma copine. Sans raison.

    Manon Beury doctorante en droit international
    l'actu libé, tous les matins

    Un mot à ajouter ?