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    Droit de suite

    La justice refuse de reconnaître comme mère une femme transgenre

    Par Virginie Ballet
    Marche pour les droits des personnes trans et intersexes, à Paris, le 15 octobre 2016.
    Marche pour les droits des personnes trans et intersexes, à Paris, le 15 octobre 2016. Photo Martin Colombet. Hans Lucas

    La Cour de cassation examinait ce mercredi le cas d'une femme transgenre mariée, ayant conçu son enfant après son changement de sexe à l'état civil, mais avant sa transition, et qui lutte depuis plusieurs années pour être reconnue comme sa mère sans avoir à l'adopter.

    «Ma cliente est meurtrie face à un tel rendez-vous manqué. La justice reste figée, immobile, comme souvent», déplore MClélia Richard. Ce mercredi, dans les couloirs de la Cour de cassation, déception et incompréhension étaient palpables, à la hauteur des espoirs nourris tout au long de six années d’un combat judiciaire inédit dans l’Hexagone. La plus haute juridiction française s’est finalement opposée à ce que soit reconnu le statut de mère biologique à une femme transgenre mariée ayant conçu un enfant après son changement de sexe à l’état civil mais avant sa transition, et ce alors que l’avocate générale s’y était dite favorable lors de l’audience en juin dernier. Dans un long arrêt rendu ce mercredi, la Cour estime en substance que «deux filiations maternelles ne peuvent être établies à l’égard d’un même enfant, hors adoption», et souligne au passage qu’aucun texte ne régit la filiation des enfants nés après un changement d’état civil mais avant la transition d’un parent transgenre. «En somme, cela revient à dire à ma cliente : "Soit vous adoptez, soit vous n’êtes pas mère"», s’insurge MRichard, pour qui il s’agit d’un «scandale», et qui rappelle que cet enfant est pourtant bien l’enfant biologique de sa cliente.

    Le statut de «parent biologique», sorte de solution hybride

    Née dans un corps d’homme, Claire (1) a épousé Marie en 1999, et a eu avec elle deux fils, nés en 2000 et 2004. En 2011, Claire obtient par une décision de justice de faire modifier son état civil pour que soit reconnue son identité en tant que femme. Trois ans plus tard, elle et Marie conçoivent naturellement un troisième enfant, une fille. Claire n’a alors pas encore entamé son processus médical de transition, et est donc toujours pourvue d’attributs masculins. Avant la naissance de cette enfant, Claire fait établir devant notaire une reconnaissance prénatale de maternité pour l’enfant à naître, en qualité de «mère non gestatrice».

    Mais après l’arrivée de la petite fille, tout se corse : l’officier d’état civil refuse de retranscrire ce document sur l’acte de naissance, estimant que seul le recours à l’adoption permettrait d’établir le lien de filiation entre Claire et sa fille. Une solution inacceptable pour le couple : elles saisissent le tribunal de grande instance de Montpellier, qui les déboute en 2016. Elles font appel. En novembre 2018, la cour d’appel de Montpellier tranche et accorde finalement le statut de «parent biologique» à Claire, sorte de solution hybride, neutre et inédite qui ne peut les satisfaire. «Je veux être reconnue comme mère, quelle autre solution pour moi ? Je suis une femme, que voulez-vous que je sois d’autre pour ma fille ?» expliquait Claire avant l’été. Le ministère public ne l’entend pas non plus de cette oreille, et se pourvoit lui aussi en cassation, contestant la création de cette nouvelle catégorie juridique. La Cour de cassation accède à sa demande, et rappelle qu’il ne peut y avoir que deux catégories : le père et la mère.

    «Négation du parcours de transition»

    Quant à Claire, la plus haute juridiction française ne lui laisse guère le choix. Pour faire reconnaître son lien de filiation biologique avec sa fille, relève l’arrêt rendu ce mercredi, Claire devra avoir «recours aux modes d’établissement de la filiation réservés au père», donc une reconnaissance de paternité ou un processus d’adoption. «C’est un recul considérable, une forme de chantage, une conception biologiste de la filiation qu’on croyait enterrée», s’est insurgé MBertrand Périer, avocat à la Cour de cassation intervenant pour l’Association des parents gays et lesbiens (APGL) et pour Acthé (Association commune trans et homo pour l’égalité). «C’est une manière de ramener les personnes trans à leur identité d’origine, dans une négation très grave de leur processus de transition et de la reconnaissance de leur genre, pourtant accordée par la République. Humainement, c’est terrible», poursuit-il. Et de conclure : «Dans notre pays, être reconnue comme femme et comme parent n’a qu’un seul nom : être mère.»

    A lire aussiLe récit de l’audience de juin dernier : «La justice l’a reconnue comme femme, à elle de la reconnaître comme mère»

    «Sans doute la Cour de cassation a-t-elle eu peur d’entraîner un bouleversement du droit», analyse quant à lui Philippe Reigné, professeur de droit affilié au Conservatoire national des arts et métiers. Pour lui, la Cour envoie ce mercredi «un message au législateur pour que soit tranchée la question des filiations post-changement d’état civil des personnes trans». La Cour de cassation renvoie l’affaire à la cour d’appel de Toulouse, «qui sera probablement pieds et poings liés au vu des termes de cet arrêt», analyse MMathieu Stoclet, autre conseil de Claire. L’affaire sera très probablement portée devant la Cour européenne des droits de l’homme.

    (1) Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat des intéressées

    Virginie Ballet
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