Yagg Femmes trans en prison: pourquoi elles sont contraintes à l’isolement Publié le 12 août 2016 à 11 h 05 min Transphobie, humiliations, voire racisme pour certaines, les conditions de vie des personnes trans en milieu carcéral sont problématiques. Yagg a enquêté. -- personnes sont incarcérées. Parmi elles, Kara Wild une jeune Américaine, qui va subir une arrestation musclée place de la Nation. Mais Kara Wild est une femme trans et est aujourd’hui incarcérée dans une prison pour hommes, car son état civil n’est pas raccord avec son identité de genre. Une situation qui met quotidiennement sa vie en danger. La jeune militante se retrouve exposée à des agressions transphobes par ses co-détenus ou par ses gardiens. Yagg s’est entretenue avec son avocate Me Maud Kornman et avec la militante Giovanna Rincon, présidente de l’association Acceptess-T pour comprendre les conditions de détention dramatiques des femmes trans à la prison de Fleury Mérogis. LES TRANS, À L’ISOLEMENT ! Lors de son arrestation, Kara Wild a plusieurs fois fait part de son souhait d’être incarcérée dans une prison pour femmes. Selon -- se trouve comme en isolement ». Un traitement bien particulier est réservé aux femmes trans incarcérées à Fleury Mérogis. La présidente d’Acceptess-T, Giovanna Rincon, a eu plusieurs fois l’occasion de rencontrer Kara Wild et les autres détenues trans, et nous affirme que les personnes trans sont logées dans un « quartier au régime spécifique ». Elles se retrouvent dans les conditions de l’isolement, au quatrième étage du bâtiment D3, qui sonne -- un regret de devoir en arriver là. Cette procédure particulière pourrait bien mettre les femmes trans dans une situation inconfortable. En effet, c’est dans cet étage que sont également incarcérés ceux qui sont considérés comme islamistes radicaux, dont Salah Abdeslam. Le risque que les détenues trans aient à les croiser n’est pas à écarter. Cependant, tout est mis en place pour que les autres détenus ne soient jamais en contact avec les personnes trans. Mais pour Giovanna Rincon, habituée à l’univers carcéral trans, les choses ne sont pas aussi simples. Elle pointe par exemple le problème de la descente des quatre étages pour accéder aux salles des soins. Giovanna Rincon affirme qu’à ce moment là, les personnes trans peuvent passer devant les autres détenus et il arrive parfois que « des milliers d’insultes » fusent. -- l’esprit grâce à sa passion, le dessin et la peinture ». Mais ce sont ses seules activités. Son avocate, Maud Kornman, revient avec nous sur ses passe-temps : « En tant que personne trans, elle subit un véritable isolement, explique-t-elle. Son régime de détention spécifique ne donne pas accès à l’ensemble des activités proposés : -- exemple. » À l’instar des autres détenus qui peuvent profiter de la cour de Fleury Mérogis (visible sur la photo ci-dessus), les personnes trans n’ont accès qu’à une petite pièce sans toit au dernier étage de la prison, dans un état insalubre, où le sol est jonché d’excréments de pigeons. Alessandra R., une militante d’Acceptess-T qui a également été -- elle confirme que cela peut aussi bien être trois mois que six mois. Interrogée sur cette question, Alessandra R., une ancienne détenue trans, suppose que cette différence est due à la maîtrise de la langue : « Tout doit passer par lettres écrites. Pour celles et ceux qui écrivent bien le français, c’est rapide, pour les autres non », se souvient-elle. QUATRE AUTRES PERSONNES TRANS EN DÉTENTION DANS CES CONDITIONS Incarcérée en détention provisoire, Kara Wild attend toujours une date pour son procès. Un délai qui peut être très long : au maximum -- libérée. Mais le risque de repasser par la case prison est omniprésent à l’extérieur. Selon Giovanna Rincon, qui dénonce un délit de faciès, « Kara incarne ce que vivent les femmes trans dans notre société. Une fois qu’elles sont au mauvais endroit au mauvais moment, elles se retrouvent dans des situations où elles sont agressées, et où elles deviendront l’agresseur ». Giovanna Rincon : « Kara incarne ce que vivent les femmes trans dans notre société. » -- comité Free Kara Wild qui milite pour sa libération. Un appui qui lui redonne de la force nous dit Giovanna Rincon. Malheureusement, elle est bien la seule dans ce cas. Actuellement quatre personnes trans sont incarcérées avec elle, une Française, une Ivoirienne, une Équatorienne, ainsi qu’une Algérienne. En dehors du soutien des associations, elles ne bénéficient d’aucune aide extérieure. En outre, les trois dernières, issues de l’immigration, souffrent d’une double peine, celle d’être racisées et trans, victimes de racisme et de transphobie aussi bien derrière les barreaux qu’à l’extérieur de la prison. -- Malgré ces conditions drastiques, cette privation de liberté complète et cette humiliation quasi-permanente, Giovanna Rincon pointe un cas de figure tristement représentatif de la situation des personnes trans à l’extérieur. Celles-ci peuvent se sentir plus en sécurité dans le quartier d’isolement pour personnes trans de Fleury Mérogis qu’en liberté, au contact de n’importe qui. Ainsi, certain.e.s commettent des actes répréhensibles dès leur sortie de prison, afin d’y revenir et d’y retrouver la tranquillité, en dépit de leur liberté. Pour Giovanna Rincon, « c’est un véritable syndrome d’intériorisation de la transphobie », révélateur du rejet dont sont victimes les personnes trans dans la société. À lire aussi sur Yagg : Enquête : Dans quelles conditions vivent les détenu.e.s LGBT en France ? À voir, le témoignage exclusif d’Alessandra R., une détenue trans, récemment remise en liberté. Guillaume.Lechat