Société Des difficultés pour les trans de se faire opérer en France Temps d’attente interminable et rendez-vous inutiles : pourquoi j’ai -- « Jʼai lʼimpression dʼavoir perdu des années de ma vie à être quelquʼun que je nʼétais pas vraiment », décrit Chloé Cappellari. Si cette jeune femme de 25 ans a pris conscience de sa transidentité au début de sa puberté, elle a attendu dʼavoir la vingtaine pour faire son coming out auprès de ses proches. « Je lʼai longtemps caché parce que je ne savais -- Elle se tourne alors vers la clinique de Lyon-Sud, lʼune des rares en France à être spécialisée dans les parcours transgenres. Du fait de cette renommée, plus de la moitié des personnes transgenres qui souhaitent réaliser des opérations génitales y font appel. Conséquence : les patients sont contraints dʼattendre entre deux et trois ans avant -- De Paris à Nice, les équipes médicales qui sʼoccupent de parcours transgenres sont regroupées au sein de la Société française dʼétudes et de prise en charge du transsexualisme (SoFECT). Un groupement mal vu des principales associations transgenres. « Certaines équipes ont une vision très bornée de ce que doit être un parcours de transition, estime Aaron, coprésident dʼOUTrans. Il y a un côté package, tout ou rien. Une fois quʼune personne est engagée dans leur équipe, ils vont avoir tendance à la faire matcher avec ce quʼils considèrent comme étant un parcours de transition. Ils se basent souvent sur lʼapparence, ce qui nʼest ni plus ni moins que de la discrimination pure. » En outre, « ces équipes ont toutes des délais très longs. » -- dʼune clinique privée en France, elle a réussi à décrocher un rendez-vous avec un chirurgien à Bangkok, en Thaïlande, le 18 août prochain. « Beaucoup de femmes trans vont en Thaïlande, explique Aaron. Ils ont quelques chirurgiens extrêmement réputés, qui font beaucoup dʼopérations par an. En France, il y a très peu de chirurgiens qui font -- mois dʼavril, elle touche une allocation de personne handicapée de 800 euros par mois au titre de sa dépression et de son anxiété. Les séquelles psychologiques sont fréquentes chez les personnes transgenres qui rencontrent des obstacles lors de leur transition, notamment lorsquʼelles sont isolées ou précaires. « Au bout dʼun moment, cela détruit une personne », déplore Karine Espineira, sociologue franco-chilienne spécialisée dans la construction médiatique des transidentités. « Ce nʼest pas sa transidentité qui la rend mal. Cʼest ce quʼon lui fait vivre socialement, ce quʼon lui fait payer. » Les associations pointent la responsabilité des équipes médicales et des pouvoirs publics. « La seule solution de santé publique proposée, ce sont ces équipes hospitalières qui ont plutôt tendance à pousser les gens à aller mal quʼà les aider vraiment, juge Aaron dʼOUTrans. Ils les poussent dans leurs derniers retranchements. Aujourdʼhui, les réponses apportées par lʼÉtat français génèrent ces situations-là. » Parmi les revendications dʼOUTrans figure le démantèlement des équipes réunies sous la bannière de la SoFECT. -- en mesure de répondre à nos questions.) Selon Chloé, lʼexcuse avancée est systématiquement la même : lʼétablissement ne veut pas prendre le risque de mener à bien la transition sans être tout à fait sûr de la transidentité du patient, de peur de voir celui-ci lʼattaquer en justice par la suite. « Ils font exprès de faire patienter en plus, pour prendre moins de responsabilités, pour éviter dʼavoir des soucis. » Un argument absurde pour Aaron. « Cʼest le grand épouvantail des médecins qui voient des personnes trans. Il y a ce fantasme que, finalement, la personne ne va pas être trans et quʼelle va porter plainte. Quand bien même une personne qui a pris des hormones ou fait une opération le regretterait, à partir du moment où quelquʼun a signé un consentement éclairé, il ne peut pas attaquer en justice. » Chloé impute cette attitude à un manque dʼinformation du corps médical sur la transidentité. « Il nʼy aurait pas autant de délais si on connaissait mieux la transidentité. Cʼest beaucoup plus évident que ça à décerner, et cela devrait être beaucoup plus facile à mettre en place. Les erreurs sont très rares. » Encore aujourd'hui, aucune loi française n'encadre les transitions de genre – à l'exception du changement d'état civil. Il faut dire que la société française demeure relativement ignorante sur les questions transgenres. « Je suis moi-même tombée dessus sur Internet, au milieu de mon adolescence. Avant ça, je nʼavais aucune idée que ça existait. Cʼest vrai que cʼest un peu la source dʼinformation la plus complète, avec la représentation des personnes elles-mêmes, plutôt quʼune représentation externe qui voit les personnes transgenres comme un phénomène. » Le parcours de Chloé illustre parfaitement bien la psychiatrisation et la judiciarisation qui touche les personnes transgenres en France et complexifie leur transition. Quatre ans après son entrée à la clinique de Lyon-Sud, elle est toujours suivie par un psychiatre. « Pour moi cʼest vraiment une barrière, un test », confie-t-elle. « Le milieu médical reste ancré dans certains idéaux qui datent des années 1950, qui sont très normatifs. » Maud-Yeuse Thomas, intellectuelle et militante transféministe, fait remonter cette normativité à plus loin encore. « Les psychiatres eux-mêmes sont les produits de la société occidentale qui a fabriqué lʼidée que ces personnes étaient atteintes -- sur la même norme naturaliste, avec la croyance selon laquelle le sexe fonde le genre et non lʼinverse. Comme cette vision nʼa pas changé, on est resté sur un modèle psychopathologique de la transidentité. » Aujourdʼhui encore, les psychiatres sont « à la fois juges et parties » des parcours transgenres, « consommateurs de leur propre protocole », dont ils détiennent toutes les clés, « sans contrôle extérieur ». En effet, en France, à lʼexception du changement dʼétat civil, aucune loi nʼencadre les transitions de genre. Lʼan dernier, Chloé a entamé une procédure pour changer de nom et de sexe à lʼétat civil. Elle attend les résultats, qui doivent lui parvenir fin juillet. Si, depuis la loi -- émettre des réserves. Dans ce cas-là, cela peut demander une procédure beaucoup plus lourde, et on revient à lʼancien système. » Or, le changement dʼétat civil facilite lʼaccès des personnes transgenres au travail, au logement, à la santé. __________________________________________________________________ Vidéo associée – Le chauffeur de taxi transgenre qui voulait partir sur Mars [55e0dee4ca0b0b2c784ce5b8-1452543115704.jpg?crop=0.9016587677725119xw:0 -- rapidement et puissamment, dʼune façon beaucoup plus solidaire que dans nos pays à nous. Il y a moins de conflits entre groupes, les mouvements trans sont solidaires du mouvement des femmes, des mouvements gays et lesbiens. » Au-delà de la législation se pose la question des normes sur lesquelles repose la société. « Si notre société était une société à dominante queer, les individus mèneraient des formes de transition beaucoup plus fluides, estime Maud-Yeuse Thomas. On est dans une société binaire parce quʼon croit à lʼexistence de deux identités et seulement deux -- société queer, des hommes et des femmes. Lʼidée selon laquelle cela détruirait la société est entièrement fausse. » Tagged:FRANCEtransgenretransitionadministration françaisechirurgie de réattribution sexuelledysphorie de genre