* Résister > * Face aux humiliations et aux discriminations, la vie de personnes trans en (...) Transidentité Face aux humiliations et aux discriminations, la vie de personnes trans en France -- * Partager sur Google+ Taboue et souvent fantasmée, la question de la « transidentité » bouleverse la vision binaire et traditionnelle du genre et des identités sexuelles. En France, la vie des personnes trans se heurte à des difficultés au quotidien. Violences et humiliations dans l’espace public, discrimination à l’emploi et dans les entreprises, voyeurisme -- Mi-octobre, dans un bar parisien du 3ème arrondissement de Paris, à quelques encablures de Châtelet, une joyeuse troupe s’active à la préparation de banderoles. La 20ème édition d’Existrans, la marche pour la visibilité des personnes trans et de leurs droits, a lieu le lendemain. Derrière son comptoir, Jules [1], gérant du bistrot et très impliqué dans la conception des slogans, met la main à la peinture, à -- l’Angleterre en compterait 300 000 pour une population similaire [2]. Peu de données existent. Notamment car il n’y a pas de « parcours type » de personnes trans : certaines prennent des hormones, d’autres non, certains se font opérer, d’autres pas. Le terme « transsexuel », très répandu, est d’ailleurs jugé obsolète par les personnes trans : il est question pour eux avant tout de genre et non de sexe. Le terme « transidentité » leur semble donc plus respectueux [3]. Ce vendredi soir, William a quitté le travail plus tôt qu’à -- Croisée au bar et retrouvée le lendemain à Belleville, à quelques minutes du départ d’Existrans en direction de Châtelet, Laure a entamé sa transition il y a deux ans. Elle déplore, dans la rue ou dans les transports, les insultes « transphobes » qu’elle subit « quasi-quotidiennement », les « mecs » mal inspirés qui se plaisent à l’appeler « bâtard », « pédé » ou « travelo ». « Je n’ai jamais vécu d’agression physique mais elles sont fréquentes, que ce soit pour les femmes ou les hommes trans. Et, même verbalement, ce sont des choses qui blessent profondément », glisse-t-elle. Karine Espineira, sociologue spécialisée dans le champ des études du genre, a relevé dans une enquête co-rédigée sur la transphobie, le caractère fréquemment public de ces actes. « Il y a une volonté de la part des gens de discriminer et d’humilier publiquement la personne, expose la chercheuse. Les transports en commun, pour ces personnes, c’est du pain béni. Dans le métro, elles y prennent un malin plaisir, et l’effet de foule fait que la personne qui discrimine se sent en -- directe mais pas moins fatigante à la longue », relève Laure. Elle se remémore les soirées, nombreuses, passées « à faire de la pédagogie, à expliquer ce qu’est une personne trans. J’ai l’impression d’avoir continuellement à me justifier d’être une femme trans, voire de devoir m’en excuser ». Idem devant les praticiens : « Ils ne sont pas formés aux questions trans, estime Jules. Souvent, je suis mon propre expert : aucun, par exemple, n’a d’information sur les effets des hormones sur le corps ! » Autre souci pour lui, les visites gynécologiques : « j’ai besoin d’aller chez le gynéco, et c’est super compliqué d’en trouver un qui m’accepte. Ce genre de choses fait que beaucoup de trans ne se font pas soigner correctement. Ça pose problème, notamment face au VIH : étant précarisées, les femmes trans n’ont pas accès à suffisamment de prévention, de matériel pour se protéger. » -- Quid de l’emploi ? Laure peine à en décrocher un. « Je pense qu’il y a un climat général... et que moi aussi, sans que les gens soient toujours ouvertement transphobes devant moi, dans une certaine mesure j’en pâtis un peu. Il peut y avoir de la nervosité, de la crainte vis-à-vis de moi », estime-t-elle. William, lui, a été limogé après -- une augmentation, après une mission d’un an. « J’étais super content, se souvient-il. Quelques semaines plus tard, j’ai annoncé aux collègues que j’allais entamer ma transition. J’ai pensé que le moment était favorable. Presque tous mes collègues m’ont lancé des sourires bienveillants. J’ai même créé une adresse mail spécifique pour répondre -- jugé sur mes compétences, comme tout le monde. » Pour la chercheuse Karine Espineira, pour lutter contre ces abus, il faudrait inscrire la transphobie dans une loi ou un décret précis. « Il est difficile pour les victimes d’injustices, d’agressions, de les dénoncer si elles n’ont rien sur quoi s’appuyer. On peut mettre quelqu’un dehors pour tout un tas de raisons, si la transphobie n’existe pas de manière distincte et précise dans la loi, elle devient compliquée à combattre et cette situation rend les gens vulnérables. » -- « Médias : visibilité, pas voyeurisme » Autour des quelque 1 500 participants d’Existrans, des photographes et journalistes shootent, filment, et interviewent les protagonistes de la manifestation. Au cœur du cortège, Jules, le gérant de bar, porte un -- « Nos corps, nos parcours de vie, fascinent, explique-t-il. Et c’est souvent accompagné d’un fort voyeurisme. Ce qui intéresse, ce sont les choses croustillantes : les transformations physiques ou la réaction de nos parents face à nos coming-out, ou encore notre prénom d’avant ». Il a lui-même été contacté pour participer à une émission de télévision. « Ma vision de la transidentité, du féminisme, n’intéressait pas la journaliste. Je ne voulais pas qu’on verse dans le misérabilisme, je voulais parler politique. Du coup, elle n’a pas retenu mon -- « Une construction hégémonique s’est imposée dans les médias, appuie Karine Espineira. En schématisant, une personne trans, en télévision, c’est avant tout une femme trans, c’est-à-dire un homme qui devient femme. Ça introduit, dans l’idée du public, que les femmes trans sont très majoritaires, alors que ce n’est pas le cas », estime-t-elle, se basant sur les observations qu’elle a menées, notamment au sein des -- médias une flemme au niveau du vocabulaire utilisé, de la représentation. Ils doivent faire l’effort d’interroger leurs pratiques et leur vision des personnes transgenre. » De même, pour Laure, le monde du cinéma participe à la construction d’une vision fantasmée des personnes trans. « Pour jouer un trans, on déguise toujours un homme en femme. Ce n’est pourtant pas sorcier de trouver des acteurs trans ! » Modification d’état civil : une démarche toujours compliquée Dans la lutte pour l’égalité des droits et en matière de représentation, la situation des trans en France est encore loin d’être satisfaisante. En 1992, déjà, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En cause : les critères -- loi « Justice du XXIe siècle », adopté début octobre 2016 par l’Assemblée nationale, devait faciliter ce changement de sexe à l’état civil pour les personnes trans. Karine Espineira, Jules, Laure et William sont toutefois unanimes sur ce point : « déçus », « frustrés » et « dubitatifs » quant au réel intérêt de cette loi pour simplifier cette démarche et la vie des trans en France. « Je suis très critique sur ce projet de loi, souligne Karine -- santé, en 2009, estimait leur part dans la population entre une personne sur 10 000 et une personne sur 50 000. Source : HAS. « Amnesty International estime à 1,5 million de personnes trans en UE. En Angleterre, les chiffres sont de 300 000 personnes et plus d’1 million aux États-Unis. Une étude récente de Transgender Luxembourg montre qu’une personne sur 500 serait concernée. Les chiffres officiels français ne sont pas connus et cela reste difficile à évaluer », décrit pour sa part le site Trans 3.0. [3] « La transidentité est le fait chez un individu d’avoir une identité de genre différente que celle assignée à la naissance. Le terme transidentité est le plus actuel et respectueux des personnes trans. On parle de personne cisgenre lorsque le genre assigné à la naissance correspond à son identité de genre. Le transsexualisme ou transsexualité sont des terminologies issues des qualifications médicales définissant le changement de sexe par une opération de réassignation. Nous n’utilisons pas ces termes car : - ils font références à une maladie psychiatrique et ne respecte pas l’identité de la personne trans en réduisant son identité à une opération chirurgicale. - ils induisent en erreur en poussant à définir la personne trans par rapport à une orientation sexuelle ou un sexe alors que les personnes trans se définissent par rapport à leur identité de genre. (...) Être une personne trans consiste à révéler ne pas être en accord avec le genre assigné à la naissance et souvent le besoin d’adopter, ponctuellement ou définitivement, les comportements et attributs -- à un âge avancé. Pour vivre son identité, sa place dans la société et sur le spectre du genre, certain.e.s personnes doivent réaliser une transition de genre plus ou moins binaire selon leur ressenti. Allant de la simple notification de ce ressenti, à un traitement hormonal ou faire des opérations mais cela relève de la vie intime et des choix personnels de chacun. » Source : site Trans 3.0. * Réagir à cet article * Voir les commentaires (1)