© 2021 VICE MEDIA GROUP Ma vie d’apatride FYI. -- VICE News Ma vie d’apatride Railya Abulkhanova, a été apatride pendant plus de 20 ans. Elle nous raconte les conséquences du défaut de nationalité. LA -- À chaque fois quʼelle raconte son histoire, Railya Abulkhanova revit les moments douloureux qui ont jalonné son parcours dʼapatride. De sa voix douce, elle consent pourtant à « remuer les anciens souvenirs », car elle sait que les témoignages comme le sien aideront à faire connaître les problèmes auxquels sont confrontés les apatrides, ceux qui nʼont pas de nationalité — leur sort est rarement médiatisé. Publicité -- Selon lʼAgence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), au moins un enfant apatride naît toutes les dix minutes dans le monde. Un rapport de lʼAgence rendu public le 3 novembre dernier a donné pour la première fois la parole à plus de 200 enfants et jeunes apatrides. Il a été réalisé dans le cadre de la campagne « I belong » (« Je suis là, jʼexiste » en français), visant à mettre fin à lʼapatridie dʼici 2024. « Nous avons axé notre campagne autour des enfants, car lʼapatridie peut avoir des conséquences très graves sur eux. Ils ont le sentiment dʼêtre différents des autres, de ne pas appartenir à la même -- pour le HCR. Le nombre dʼapatrides dans le monde est estimé par les Nations unies à 10 millions. La plupart dʼentre eux se trouvent en Birmanie, en Côte dʼIvoire, en Thaïlande, en Lettonie ou encore en République dominicaine. Bien souvent, un enfant né de mère ou de père apatride sera condamné à lʼêtre lui aussi. Les guerres et les conflits sont dans la plupart des cas la cause du défaut de nationalité, mais aussi les lois -- Railya, elle, comme beaucoup dʼhabitants des anciennes Républiques soviétiques, sʼest retrouvée apatride suite à la chute de lʼURSS. Lors dʼun long entretien téléphonique, elle nous a raconté lʼenfer de lʼapatridie. Publicité -- « Quand je venais renouveler mon titre de résidence à la police de lʼimmigration, dans les couloirs, je croisais dʼautres gens apatrides », se souvient-elle. « Tout le monde disait quʼobtenir la nationalité en Ouzbékistan, cʼétait mission impossible. » -- Dès son arrivée en France, elle sʼadresse à la préfecture de Lille — et plonge dans les méandres de lʼadministration. « Ils ne savaient pas trop quoi faire de moi. Ici des apatrides, il nʼy en a pas beaucoup », se souvient-elle. Selon lʼOffice français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), environ 1 000 personnes seraient enregistrées en tant quʼapatrides en France. Commence alors un jeu de ping-pong entre la préfecture, lʼOffice français de lʼimmigration et de lʼintégration (OFII), et lʼOFPRA. Railya obtient finalement un titre de séjour, sur lequel elle est reconnue comme apatride. Lʼadministration française fournit également à Railya un titre de voyage, « une sorte de petit livret avec des pages en carton ». La personne chargée de le lui délivrer à la préfecture -- retenus deux ou trois heures », nous raconte-t-elle. Trouver un travail : un parcours du combattant pour les apatrides Pour trouver un travail, cʼest le même combat. « En entretien, lorsquʼon me demandait ma nationalité et que je répondais "apatride", les gens ne savaient pas ce que cʼétait », raconte Railya. « Je devais à chaque fois tout expliquer, dire quʼil ne fallait pas avoir peur. » -- Un jour, au détour dʼune conversation à lʼoccasion de lʼun de ces renouvellements, elle apprend par hasard quʼen tant quʼapatride, elle nʼa pas besoin dʼattendre les quatre ans de mariage nécessaires pour demander la nationalité française. En 2011, elle dépose donc une première demande. Celle-ci lui est refusée parce quʼelle nʼa pas de travail. « Cʼétait un cercle vicieux ! Je ne pouvais pas trouver de travail parce que jʼétais apatride, et je ne pouvais pas sortir de lʼapatridie parce que je nʼavais pas de travail. » En 2015, elle refait une demande, cette fois en tant quʼépouse dʼun -- Des mesures peu coûteuses permettraient de prévenir les futurs cas dʼapatridie Selon Céline Schmitt, porte-parole pour le HCR, « Il est relativement facile pour les États de mettre en place des mesures permettant de prévenir les futurs cas dʼapatridie, et ce sont des mesures qui ne sont pas coûteuses. » Le HCR demande aux États de réformer les lois qui empêchent les mères de transmettre la nationalité à leurs enfants, dʼaccorder la nationalité aux enfants nés sur leur sol, sʼils devaient être apatrides, et encourage les pays qui accueillent des réfugiés à bien délivrer des certificats de naissance aux enfants qui naissent lors de leur exil. Au cours de la décennie passée, les Nations unies estiment ainsi à 4 millions le nombre de personnes apatrides qui ont finalement obtenu une nationalité. Pour autant, des situations causant lʼapatridie perdurent dans le monde, et pour le moment, seuls 64 États ont ratifié la Convention internationale de 1961, qui vise à prévenir ce problème.