Le retour du « racialisme »

Courant de pensée du XIXe siècle issu de la théorie des races, ce concept était tombé en désuétude avant de réapparaître au début des années 2000.

Par Clara Cini

Publié le 20 juin 2019 à 09h00 - Mis à jour le 20 juin 2019 à 15h53

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Histoire d’une notion. Grand absent du Littré mais aussi du Dictionnaire de l’Académie française et du Larousse, le mot « racialisme » apparaît cependant comme un incontournable de notre époque. Cette notion est convoquée tour à tour par les détracteurs de Nadine Morano – laquelle, en 2015, emploie le terme de « race blanche » , par Bernard Maro, directeur de recherche au CNRS, pour désigner le Parti des indigènes de la République, ou encore par les professeurs Barbara Lefebvre et Anne-Sophie Nogaret contre des « chercheurs en indigénisme » réunis lors d’un colloque, en septembre 2018, à Paris-VII. Une manière pour les défenseurs de l’universalisme de reprocher aux chercheurs et aux militants inspirés par la pensée postcoloniale de remettre au cœur du débat une notion, la race, qui a nourri des idéologies dangereuses et mortifères.

Mais que signifie donc, au juste, le terme de « racialisme » ? Dans son Dictionnaire historique et critique du racisme (PUF, 2013), Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS, le définit comme « toute construction idéologique fondée sur l’idée de “race humaine” et faisant appel à une conceptualité supposée scientifique, d’une façon plus ou moins prononcée ». Résumé ainsi, le racialisme constitue la base théorique sur laquelle vient s’appuyer le « comportement » raciste analysé par l’historien des idées Tzvetan Todorov.

Historiquement, le terme de racialisme est d’abord utilisé pour désigner un courant de pensée qui se développe dans l’Europe du milieu du XIXe siècle. Issu de « la théorie des races » datant du siècle précédent, ce racialisme originel ambitionne d’expliquer les phénomènes sociaux à la lumière de facteurs raciaux et héréditaires : il définit, il différencie et il hiérarchise les différentes « races ». Les corps sont mesurés, les groupes sanguins comparés. C’est ainsi que naissent la phrénologie, la théorie selon laquelle la forme du crâne détermine le caractère de l’individu, ou encore la craniométrie, l’étude précise des mensurations des os du crâne et donc de la place qui serait laissée au cerveau. Cette dernière pseudo-discipline utilisée à l’origine pour déterminer de quelle « race » étaient les individus examinés constitue le foyer privilégié de bon nombre de discours racistes.

La toute-puissance de l’hérédité

S’inspirant des travaux sur la sélection naturelle de Charles Darwin, qu’ils transposent dans le domaine social, les ouvrages racialistes des scientifiques qui se fondent sur ces mesures se succèdent. Entre 1853 et 1855, Arthur de Gobineau publie son Essai sur l’inégalité des races humaines : établissant trois « races » selon les différentes couleurs de peau, il fait du métissage la cause principale de la décadence inévitable du genre humain. Quelques décennies plus tard, l’anthropologue Georges Vacher de Lapouge reprend et radicalise les travaux de son prédécesseur en brandissant le risque de l’extinction de la « race blanche » – théorie du « grand remplacement » avant l’heure.

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