Faut-il en finir avec le mot «race» ?

Après les propos controversés de Nadine Morano, Michel Sapin, le ministre des Finances, s'est déclaré favorable au retrait de ce terme des textes législatifs.

Faut-il en finir avec le mot «race» ?

La polémique déclenchée par les propos de Nadine Morano â?? la France serait « un pays judéo-chrétien [...] de race blanche qui accueille des personnes étrangères » â?? a eu, au-delà du sérieux risque â?? la décision sera prise mercredi â?? pour la députée européenne de se voir retirer l'investiture des Républicains en Meurthe-et-Moselle lors des prochaines régionales, un impact immédiat. Hier, Michel Sapin s'est déclaré favorable à la suppression du mot « race » de la législation française. « Aujourd'hui le mot race, c'est le racisme, et le racisme, ce n'est pas compatible avec la République. C'est pour cela que le terme de race blanche est un terme abominable », a justifié le ministre des Finances sur France 2. L'idée est loin d'être nouvelle puisque, en mars 2012, le candidat Hollande avait promis de demander au Parlement de supprimer ce terme de la Constitution « au lendemain de la présidentielle ».

Hier, dans la foulée de l'émoi suscité par la sortie de Nadine Morano, qui a récidivé hier, les députés du Front de gauche (FDG) et les sénateurs du groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) sont justement montés au créneau pour réclamer que le gouvernement prenne ses responsabilités. Et inscrive à l'ordre du jour du Sénat la proposition de loi votée en 2013. A l'époque, ce texte, initié par les parlementaires du FDG, avait été en effet adopté par l'Assemblée nationale grâce au soutien de la majorité socialiste. Il prévoyait de supprimer le mot « race » du Code pénal, du Code de procédure pénale et de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les Républicains n'y sont pas favorables

Pourquoi cette loi votée par les députés n'a-t-elle toujours pas passé le cap du Sénat, deux ans après ? Le groupe CRC de la Haute Assemblée avait logiquement la main, mais il ne l'a pas inscrit à son ordre du jour. « Nous n'avons que deux niches parlementaires par an, c'est-à-dire la possibilité de déposer très peu de textes. Et l'actualité a été très riche », se justifie Eliane Assassi, la présidente du groupe CRC, qui impute ce raté à l'exécutif : « Il avait été demandé que ce soit le gouvernement qui dépose la proposition de loi sur le bureau du Sénat, comme cela a été le cas pour la loi contre la prostitution. Nous regrettons qu'il ne l'ait pas fait », poursuit la sénatrice de Seine-Saint-Denis, qui espère que tout va s'accélérer « du fait de la polémique ». « Notre prochaine niche est en décembre. Mais d'ici là, le gouvernement peut se rattraper... et la loi sera alors très vite adoptée ! »

Aujourd'hui comme hier, la droite et le centre ne sont pas prêts à soutenir une telle initiative. « Supprimer le mot race de la loi serait une bêtise, estime Sébastien Huyghe, député du Nord et porte-parole des Républicains. Il y a deux acceptions à ce mot, l'une scientifique selon laquelle il n'y a qu'une seule race humaine et à laquelle nous souscrivons, et une autre qui tient plus du sens commun et qui se rapporte à la couleur de la peau. Ce n'est pas en supprimant le mot race qu'on supprimera le racisme. On nage en plein ridicule. Si un texte était présenté, je ne pense pas que nous le voterions. »

Alors, quelle suite ? Si un texte de loi, voté par une majorité simple, suffit pour retirer le mot « race » de notre législation, il en faut plus pour le biffer de la Constitution : la réunion d'un Congrès (tous les parlementaires) à Versailles et une majorité des 3/5, ce qui nécessitera les voix de droite ou du centre. Bref, c'est loin d'être fait...

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