Les propos de Manuel Valls sur la «guerre entre races» inquiètent la gauche

Dans un entretien dans « Valeurs actuelles », l’ancien Premier ministre dénonce l’émergence d’une « logique de la victimisation ». Le patron du PS, son ancien parti, se dit « consterné ».

 Manuel Valls, ici le 26 septembre 2018, à Barcelone : « Cette guerre est terrible, car elle essentialise en fonction de la couleur de peau. »
Manuel Valls, ici le 26 septembre 2018, à Barcelone : « Cette guerre est terrible, car elle essentialise en fonction de la couleur de peau. » LP/Fred Dugit

Qu'on se le dise! Manuel Valls n'a pas totalement quitté la scène politique française. Dans une interview choc parue ce mercredi dans le magazine « Valeurs Actuelles », l'ex Premier ministre de François Hollande frappe fort : « La lutte des classes disparaît au profit de la guerre entre races. »

Une affirmation étonnante de la part d'un homme d'Etat de gauche, issu du courant rocardien, pour qui l'antiracisme et la défense de la laïcité ont toujours constitué les valeurs fondamentales de son engagement politique. Et l'ancien ministre de l'Intérieur de préciser : « Cette guerre est terrible, car elle essentialise en fonction de la couleur de peau. Elle s'agrège mais elle est aussi en concurrence avec l'islam politique. C'est un cocktail explosif. »

Ces mots n'ont pas manqué de faire bondir au sein du parti socialiste. « Je suis consterné », a immédiatement réagi sur RTL, Olivier Faure. « Comment peut-on ne pas voir que la réalité sociale est une réalité qui s'impose à nous aujourd'hui? a poursuivi l'actuel patron du PS. Je ne connais qu'une seule race, c'est la race humaine », et « c'est une thèse qui est habituellement portée par l'extrême droite donc je ne vois pas très bien où il veut en venir ».

« J'ai été membre de son gouvernement et comme Premier ministre, Manuel Valls a toujours eu la volonté de lutter contre les séparatismes et les communautarismes, s'étonne de son côté Patrick Kanner, président des sénateurs socialistes. Aujourd'hui, Manuel Valls ne se situe plus du tout dans la lignée politique qui a été la sienne. Il est en train de basculer vers autre chose d'inquiétant. »

Face à cette levée de boucliers, Manuel Valls, désormais conseiller municipal de Barcelone, s'est immédiatement défendu sur les réseaux sociaux. Selon lui, ses propos auraient été mal interprétés puisqu'ils visaient justement à critiquer ceux qui « privilégient cette lecture dangereuse d'affrontement entre races. » Et de citer une note de Gilles Clavreul, un des fondateurs du Printemps Républicain, une association qui appelle au « rassemblement » sur la défense de la République et la lutte contre le racisme et les communautarismes.

Cette volonté de clarification suffira-t-elle à dissiper le trouble? Pas sûr d'autant plus que, ses anciens amis socialistes, Manuel Valls ne se prive pas de les pourfendre. Et cette fois-ci très clairement. « Le drame de la mort d'Adama Traoré est instrumentalisé par sa sœur, Assa, et le collectif de soutien », affirme-t-il, après les manifestations des 2 et 13 juin.

« Le parti socialiste n'a jamais pactisé avec des mouvements antirépublicains »

Mais « les comparaisons avec le meurtre raciste et ignoble de George Floyd (aux Etats-Unis) sont inacceptables car elles servent à accuser la France d'être raciste, à démontrer un supposé racisme d'Etat ». « La police, comme la gendarmerie, est profondément républicaine », soutient l'ancien ministre de l'Intérieur. Et de jeter un pavé dans la mare. « La logique de la victimisation est renforcée grâce aux liens entre le mouvement indigéniste et une partie de la gauche : le NPA, des écologistes, une frange de La France insoumise, du PC, voire une minorité du PS », assène Manuel Valls.

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« Le parti socialiste n'a jamais pactisé avec des mouvements antirépublicains, s'étrangle le sénateur Rachid Témal. S'il y a eu des dérives communautaristes, elles ne relèvent que de circonstances locales. »

Les positions de plus en plus sécuritaires de l'ancien Premier ministre, aux manettes pendant les attentats islamistes, sa détermination farouche à lutter contre l'islam politique avaient déjà éloigné beaucoup de ses compagnons de route. Avant que son ralliement en 2017 à Emmanuel Macron, puis son départ officiel de la scène politique française ne le disqualifient totalement au sein de son ancienne famille politique. Sans cesse cité pour faire partie d'un nouveau gouvernement — et encore récemment en vue d'un éventuel remaniement en juillet — mais sans jamais être nommé, Manuel Valls est décidément bien seul…