Vocabulaire : on parle tous franglish

Plus personne ne coupe aux anglicismes. Selon une étude que nous publions à l'occasion de la Semaine de la langue française, ils squattent 10 % de nos chats.


 LP/Infographie.

Depuis l'ado trop swag qui, entre deux nuggets, like sur Facebook pour faire le buzz parce que c'est fun jusqu'au chef marketing qui veut booster sa carrière en impressionnant le boss lors du brief dans l'open space, des dizaines de millions de Français ont recours aux anglicismes. Les mots venus d'outre-Manche et d'outre-Atlantique, apparus dans l'Hexagone dans les années 1950, font plus que jamais partie de notre langage courant. On les aime ou on les dénigre, mais personne ne peut s'en passer, à en croire un sondage* — que nous dévoilons — réalisé par Mediaprism pour les Editions de l'Opportun et le hors-série du « Point » à paraître demain, intitulé « Langue française : Arrêtez le massacre ! »

Neuf personnes sur dix y succombent

Que celui qui n'a jamais fait une infidélité à la langue de Molière pour flirter avec celle de Shakespeare lève la main. Selon cette étude publiée à l'occasion de la Semaine de la langue française qui s'achève dimanche, 90 % des Français utilisent des anglicismes. Ils sont 48 % à le faire de « temps en temps », 31 % « très rarement » et 12 % « souvent ». « Il n'y a jamais eu autant d'anglicismes dans notre vocabulaire, de l'ordre de 10 %, et cela augmente de manière exponentielle. Les mots se comptent par centaines », s'inquiète le lexicographe et ancien professeur... d'anglais Jean Maillet, qui vient de publier « Messieurs les Anglais, pillez les premiers ! » (Editions de l'Opportun). « C'est par paresse linguistique, les mots anglais étant souvent très courts, mais c'est aussi parce que nous sommes influencés par une pensée ultalibérale véhiculée par la publicité », estime-t-il. Et de citer les slogans de marques hexagonales : Renault et sa « French touch », Air France et son « France in the air », ou encore Axa et ses « Happy hours ».

« Relever un challenge », c'est quotidien


Au palmarès des anglicismes qui sortent de nos bouches quotidiennement arrive en tête « relever le challenge » (56 %), suivi de « voyager low cost » (45 %), « faire un flop » (40 %), « booster ses performances » (38 %), « faire un casting » (36 %) et « sortir un best-of » (35 %). L'expert Jean Maillet distingue ceux qui sont « légitimes » et ceux qui sont « inutiles ». Les premiers, « excusables » à ses yeux, désignent très souvent des objets « made in USA », à l'instar de « bulldozer », « scanner » ou « drone » qui viennent combler une lacune lexicale. Les seconds, « répréhensibles » selon lui, sont « lexicophages », car « ils viennent manger tout un tas de mots français qui pourraient convenir ». « Pourquoi dire look alors que notre langue propose aspect, apparence, tenue, dégaine, allure ? » s'interroge-t-il.

« Investiguer en profondeur », ça nous énerve

Les Français et les anglicismes, c'est de l'amour vache : on adore les détester. « Investiguer en profondeur » est l'expression qui les agace le plus (60 %), devant « être has been » (56 %), « faire le buzz » (48 %) et « faire son coming out » (43 %). « On les ressent comme une mode ridicule, comme du snobisme, ils ne sont pas beaux à l'oreille, je pense notamment à cleaner, forwarder ou benchmarker, mais on les exploite parce que ce sont devenus des automatismes », souligne-t-il.

Une fatalité ?

Il existe une Commission générale de terminologie et de néologie, sous l'autorité du Premier ministre et en liaison avec l'Académie française, qui suggère des alternatives en français aux anglicismes. Mais ses propositions ont bien souvent du mal à entrer dans les usages. « Mercatique au lieu de marketing, ça n'a jamais pris, tout simplement parce que cela a été décidé quand c'était bien trop tard. Il faut réagir plus vite », insiste Jean Maillet.

* Enquête réalisée du 2 au 12 février auprès d'un échantillon représentatif de 1 833 personnes de 18 ans et plus.

Quiz. Quelle est l'origine française de ces mots anglais ?