Le mot de l'emploi: "Deadline", mort aux anglicismes...

Par Rédaction du Monde Économie(Blog Économie & entreprise)

Publié le 24 décembre 2015 à 15h53

Temps de Lecture 2 min.

L'économie et l'entreprise croulent sous l'emploi des anglicismes, tels benchmark, feedback, booster, business model, brainstorming... l'actualité s'abandonnant au « streaming » avec délice avec, par exemple, Deezer, leader français du streaming musical, qui a reporté fin octobre son projet d’introduction en Bourse sur le marché Euronext ou le catalogue des Beatles désormais disponible sur les « sites d'écoute »... Petit briefing sur « deadline ».

« À l’origine, ce mot a un sens très fort. Deadline, « ligne de mort », désigne la limite au-delà de laquelle un prisonnier ne peut s’aventurer sans courir le risque d’être abattu par les gardiens, explique le site Dire, ne pas dire, de l'Académie française, à la rubrique « Néologismes & anglicismes ». Par extension, il désigne aujourd’hui, en anglais, la date avant laquelle un travail doit obligatoirement être achevé ». Il propose des synonymes français comme « dernier délai », « date butoir », autorisant même l'usage de la formule familière « dernier carat ».

Pour sa part, l'Office québécois de la langue française classe le mot dans la catégorie des « anglicismes intégraux », précisant qu'il est « parfois employé en français, surtout à l’oral, pour exprimer la notion de « date limite ». Selon les contextes, de nombreux termes français sont possibles et préférables à cet emprunt : échéance, date d’échéance, limite, dernière limite, date limite,heure limite, date butoir, heure ou date de tombée (dans le monde des médias), date d’expiration, délai, dernier délai, délai de rigueur, date de clôture, clôture des inscriptions,terme, délai butoir, heure ou jour de bouclage (dans le monde de la presse) ». L'anglicisme intégral se distingue de l’anglicisme hybride - dans lequel on construit une forme nouvelle en empruntant à l’anglais un mot, une forme et un sens, auquel on ajoute un élément français, comme pour « customiser » ou « adresse e-mail » -, et des anglicismes sémantique, syntaxique, phraséologique et morphologique.

« BABELISATION DE L'ENTREPRISE »

Pour d'autres anglicismes qui renvoient au monde du travail, l'Académie recommande l'utilisation de « culture d'entreprise » pour culture corporate, « conférence téléphonique » pour conf call, « mettre à jour » pour updater, « plan de développement » pour business plan, « être occupé » pour être booké, « informer ses collaborateurs » pour briefer ses collaborateurs, « avoir la charge » plutôt qu'être en charge, « conseiller », « guide » ou « mentor » pour coach (anciennement empruntés au français par l’anglais), « tenue requise » pour dress code et il faudra faire un effort pour utiliser « mot-dièse » plutôt que hashtag et « mégadonnées » plutôt que big data... Emmanuel Jaffelin, dans sa Petite philosophie de l'entreprise (François Bourin, 2012) parle de « babélisation de l'entreprise », où le « vocabulaire place l'entreprise en situation d'insularité au regard du reste de la société » et où « le mélange des langues concourt à la confusion des esprits ». Il explique que « le recours aux vocables anglomorphes couperait le salarié de sa famille et de la société, en l'immergeant dans un imaginaire de pacotille censé lui donner l'impression d'appartenir à une autre famille, l'entreprise ». Et il suggère d'utiliser « maïeutique » plutôt que brainstorming.

L'Académie française qui réfute le qualificatif d'invasion de la langue française par l'anglais précise que « les anglicismes d’usage représenteraient environ 2,5 % du vocabulaire courant qui comprend 60 000 mots ». Et « dans l’édition en cours du Dictionnaire de l’Académie française, sur un total actuel de 38897 mots répertoriés, 686 sont d’origine anglaise (soit 1,76 %) », soit moins que les 753 mots d’origine italienne mais plus que les 253 mots venus de l’espagnol...

Pierre Jullien

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