Culture

Comment les médias influencent-ils la langue française ?

Les médias qui usent de beaucoup d'anglicismes n'en participent pas moins à l'évolution du français. 
Les médias qui usent de beaucoup d'anglicismes n'en participent pas moins à l'évolution du français. 
©Istock/nito100

Cette année encore, lors de la Semaine de la langue française, une journée est consacrée au français dans les radios et télévisions, le 14 mars. Les médias, souvent critiqués pour leur abus d'anglicisme ou de fautes d'orthographe, participent néanmoins à l'évolution de la langue de Molière.

Des médias pour modèles ? « On répète ce qu’on entend à la radio, ce qu’on entend et voit à la télévision. L’audiovisuel est aussi l’école du français », soulignait le 7 mars dernier Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour lancer la deuxième Journée de la langue française dans les médias audiovisuels, instaurée le 14 mars.

Cette nouvelle édition est parrainée par l'acteur Guillaume Gallienne de la Comédie française, l’Académicien canadien d'origine haïtienne Dany Laferrière et le chanteur Vianney récemment primé aux Victoires de la musique. 
 
A quoi sert cette Journée particulière aux médias ? Valoriser le français à coups de messages et d'émissions humoristiques sur les usages du français. Par cette manifestation, le CSA entend montrer que - sans sanctionner- il surveille et veille « à la défense et à l’illustration de la langue française » souvent malmenée sur les antennes radio ou télé et valorisée tout au long de la Semaine de la langue française du 12 au 20 mars. 
 
> Spots 2015 de la campagne « Dites-le en français ». 

Selon le président du CSA, le public reste la première vigie des erreurs de langage commises par les médias. « Il ne se passe pas une semaine sans que nous soyons saisis, malheureusement avec une fréquence accrue, de divers abus de langages », racontait-il.

Anglicismes, fautes d’orthographes dans les bandeaux déroulant et abus de pléonasmes, sont souvent notifiés au CSA qui propose d’ailleurs une liste de mots français pour leurs équivalents anglais plus souvent utilisés par les médias. Certains termes ont été approuvés par la Commission de néologie et de terminologie de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, et publiés dans le Journal officiel (voir encadré ci-dessous).

Biopic > Film biographique
Blog > Bloc-notes
Brainstorming > Remue-méninges
Buzz > Bouche à oreille
Casting > Audition
Coach > mentor, répétiteur
Crash > écrasement
Live > en direct, en public
Streaming > diffusion en flux

Les erreurs relevées par les auditeurs et téléspectateurs sont souvent publiées sur un autre média : Internet. Le « stagiaire d’Itélé » (chaîne d'information française en continu) a été souvent blâmé pour les fautes d’orthographe qui apparaissent régulièrement sur les bandeaux déroulant des chaînes d’information en continu. Mais les chaînes nationales n’y échappent pas non plus. 

 > La prime "choquent" (sic) au lieu de "la prime choque".

> Les vacances c'est finit (sic) au lieu de "Les vacances c'est fini".

 
Traquer les fautes dans les publicités et bien sûr dans les médias, c’est aussi la mission que s'est donnée le site Bescherelle ta mère. Florilège : « Couple Davis » sur France 3 ;  « lancer une compagne contre le virus Zika » sur BFMTV  ou encore : « Xavier Berlin a prix conscience ». 

Même si les médias font parfois office de cancre en orthographe, ils ont pourtant une vraie influence sur l'évolution de la langue française, comme l'explique le lexicographe du dictionnaire RobertEdouard Trouillez

Comment les médias influencent-ils l'évolution de la langue ? 
 
Edouard Trouillez: Les médias ont une grande part de responsabilité dans l’évolution de la langue puisque les médias écrits ou oraux (télé et radio) produisent beaucoup de matière langagière. Plus on produit, plus on est susceptible d’apporter de la nouveauté. Beaucoup de choses nouvelles apparaissent dans les médias que l’on ne considère pas comme des fautes. Ce sont des évolutions de la langue que l’on va ensuite intégrer dans le Petit Robert.  
 
L’expression « élément de langage » apparue pour désigner toutes les petites phrases surfaites utilisées par les politiciens, on l'a beaucoup entendue dans les médias et elle a d'ailleurs été intégrée dans le Petit Robert.

Quant à « vent debout », au départ c’est une expression très concrète liée l’univers de la marine. Son sens figuré est très employé dans les médias. Il n’y a pas un jour où je n’entends pas à la radio par exemple « les syndicalistes sont vent debout » contre la décision du gouvernement. 
 
Dans le cas de cette expression, il s'agit d'un glissement sémantique du sens concret vers le sens figuré. Si c’est très répandu, alors on vote pour son entrée dans notre dictionnaire. 
 
Les anglicismes continuent d’occuper de plus en plus notre espace médiatique. Les émissions de télécrochet laissent beaucoup de place au « coach » vocal qui choisit des candidats lors d’un « casting ». Est-ce un appauvrissement de notre langue ? 
 
Il y a en effet depuis longtemps une grosse influence de la culture américaine sur les médias. Aujourd’hui, c’est l’anglais mais peut être que dans 50 ans ce sera une autre langue. Autrefois, le français a été influencé par l’italien, l’allemand et beaucoup de mots arabes sont entrés dans la langue française au Moyen-Age. 
 
Toutes les langues s’enrichissent sans cesse d’autres langues. Et il y a, chaque année, aussi des nouveautés dans la langue française qui ne sont pas issues de l’anglais. De nouveaux mots sont créés comme  "vapoter, vapotage, vapoteur". Des mots prennent un sens nouveau comme "page" ou "forum". Donc, je ne suis pas inquiet de l’avenir de la langue française. 
 
Mais si l'on est toujours un peu méfiant face à l’anglais, c’est parce que le fait d’y intégrer des mots anglais casse un système plus ou moins cohérent. Si vous intégrez des mots qui ne se prononcent pas comme un mot français, ou qui ne se comportent pas au pluriel comme leur équivalent français, alors vous venez casser ce système. C’est plus difficile de maîtriser la langue notamment pour les gens qui ne sont pas amenés à parler anglais. C’est pour cette raison et par par chauvinisme que l’on veut se battre contre les anglicismes. 
 
Mais au Québec ils ne semblent pas  se poser cette question, ils mélangent très facilement les deux langues…
 
Les locuteurs canadiens oui. Mais les autorités canadiennes sont beaucoup plus vigilantes. Par exemple, les titres de série ou de films en anglais doivent être obligatoirement traduits. Ainsi, chez nous on connaît la série « Desperate housewives », mais au Québec, c’est devenu « Beautés désespérées ».

Le titre de la série américaine "Desperate housewives" traduit au Québec en "Beautés désespérées". 
Le titre de la série américaine "Desperate housewives" traduit au Québec en "Beautés désespérées". 
©Radio Canada

Chiffres clés de la francophonie

En 2014, le monde compte 274 millions de locuteurs francophones. Un nombre qui pourrait dépasser les 700 millions en 2050 selon les prévisions de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). 85% des futurs francophones se trouveront alors en Afrique. 
©OIF