(BUTTON) (BUTTON) Recherche S'inscrire (BUTTON) (BUTTON) À la une Société Travailler mieux Innovations & startups Apprendre Au quotidien (BUTTON) Engagement sociétal (BUTTON) (BUTTON) Économie Égalité & diversité Environnement Engagement sociétal Culture & tendances Vie en école Série Utiliser des anglicismes vous rend-il vraiment plus professionnel ? "Parlez-vous corporate ?" - Episode 2 // Du “call” aux “talents” en passant par le "challenge" : quelle est cette drôle de langue que nous parlons au pays de l’open-space ? Chaque mercredi, on passe une de ces expressions au crible. Aujourd’hui : on analyse l’anglicisme et ce qu’il dit de notre rapport au travail. * (BUTTON) * Engagement sociétal * (BUTTON) * (BUTTON) 499655768 Comment ça, un "call" ? (Istock) Par Camélia Echchihab Publié le 8 avr. 2020 à 13:07Mis à jour le 24 juil. 2020 à 17:28 “Jean-Pascal, tu me feras un update du call avec ta boss quand on sera au weekly meeting, ok ?” Pas un, pas deux, mais bien cinq anglicismes en une phrase, et vous les voyez à peine passer ! Loin de nous l’idée de vous faire une leçon de français : essayons de comprendre. A quel moment ces petits bouts d’anglais se sont-ils fondus dans notre langage courant… et tout spécialement, au bureau? Techniquement, qu’est-ce qu’un anglicisme ? Feuilletons le Larousse. C’est d’abord un idiotisme propre à la langue anglaise, comme le fameux leitmotiv : “think out of the box”, par exemple. Cela peut aussi être un mot, un tour syntaxique (forwarder un mail, par exemple), ou un sens de la langue anglaise introduit dans une autre langue (notre fameux “call”). Les anglicismes, modernes ou ridicules ? Evidemment, ces emprunts à l’anglais n’ont rien de nouveau, et encore moins de propre au monde de l’entreprise : ils remontent au XVIIIème siècle. Les linguistes Laélia Véron et Maria Candea écrivent, dans leur ouvrage Le français est à nous (Ed. La Découverte) : “le prestige de l’anglais comme langue internationale s’est imposé plus rapidement et plus largement que sa maîtrise effective, ce qui a favorisé l'adoption tous azimuts d’un grand nombre de mots anglais par des francophones qui souhaitent afficher ainsi leur modernité.” L’anglais semble, aujourd’hui, toujours être la langue de la modernité : à la pointe des nouvelles technologies, la startup nation s’en est presque naturellement emparée, plongeant ses racines dans la Silicon Valley américaine. Cette dimension moderne, voire “snob” n’a pas échappé à bon nombre d’observateurs du monde des startup (pardon, “jeunes pousses”) qui peuvent s’en agacer comme Guillaume Meurice, qui se paie régulièrement la startup nation dans ses chroniques. L’anglais du quotidien, une marque de professionnalisme Au delà du monde des startup, l’anglais nourrit aussi tout un vocabulaire lié à des gestes professionnels plutôt anodins, ou du moins, qui n’ont rien à voir avec la tech et ses openspaces cosy. Il concerne une base d’individus qui ont pour seul point commun… de travailler. “Quelqu’un qui ne travaille pas ne dira probablement pas ‘j’ai un call’”, commence par remarquer Agnès Vandevelde-Rougale, sociologue. Cette pratique de l’anglais au quotidien a pu être transmise par des entreprises d’envergure internationale, qui ont défini une véritable stratégie linguistique, à leur échelle : imposer l’anglais pour que tout le monde puisse communiquer dans un monde globalisé. C’est le cas des multinationales, ou encore des grands cabinets de conseil, de Deloitte à McKinsey, en passant par EY, dont les employés partent en mission ou collaborent avec les quatre coins du monde. Ils emportent, dans leur valise un anglais international, qui devient une sorte de langue neutre… et se propage. Lire aussi : Le franglais en entreprise traduit-il un vide de la pensée? “L’usage d’un certain vocabulaire anglais est devenu la marque d’une appartenance professionnelle”, réfléchit Agnès Vandevelde-Rougale. Un jargon en franglais, que l’on incorpore sur le mode du mimétisme. “C’est plutôt une acculturation qu’un apprentissage direct. Comme les stagiaires apprennent le vocabulaire de l’entreprise en y étant confrontés. Ils ont besoin d’un lexique au début, et puis ils finissent par l’utiliser sans même s’en rendre compte.” Marcel Botton, qui dirige Nomen, une agence de naming, va un peu plus loin, habitué à observer les circonvolutions de la langue dans le cadre de son métier. Il compare le franglais à l’argot des truands : “Lorsque l’on organise une “conf-call”, on fait passer le message implicite qu’on a l’habitude d’en faire, qu’on connaît. En parlant d’une “réunion téléphonique”, il n’y a pas de marque d’appartenance. Ce vocabulaire est un moyen de se reconnaître dans un même cercle d’initiés.” L’anglais, gage de “cool” ? Les “breakfasts”, “calls”, “meetings” pullulent dans vos emails. Pourtant les “petits-déjeuners”, les “appels” et les “réunions” existent toujours… Chez My Little Paris, par exemple, les salariés participent à des “Creative Morning”, sont conviés à des “Friday Drink”. Et sur les sites d’offres d’emploi, les fiches de poste semblent mentionner des fonctions qui n’existent qu’en anglais : comment traduire “office manager” ou “chief happiness officer”, sans déployer un effort cérébral ? Les mots en français ne semblent pas produire le même effet, lorsqu’il s’agit d’attirer des salariés à un événement, des candidats à un poste… ou tout simplement, dans une entreprise. Nombreuses sont les firmes qui changent leur nom pour être lisibles dans le monde entier, à l’image d’Aéroports de Paris devenus ADP ou de Ventesprivées.com qui a récemment troqué son nom pour “Veepee”. Une décision stratégique avant tout. Marcel Botton, spécialiste dans la création de noms, raconte : “quand on nous demande de chercher des noms, une des questions clés que l’on pose à nos clients est : avez-vous besoin d’un terme spécifiquement français, ou qui puisse se comprendre aussi en anglais… ou qui soit exclusivement anglophone ?” Pour la majorité de ses clients, dont le développement commercial a une vocation internationale, l’option francophone est exclue. “Il y a 6.300 mots équivalents en français et en anglais, et ils sont surreprésentés dans les noms que prennent les entreprises”, continue Marcel Botton. “Ce n’est pas que par snobisme, ou par effet de mode : c’est parce que l’anglais est la langue des affaires… Mais je ne conteste pas qu’il y a aussi, sûrement, des cas où ce n’est pas justifié d’employer des termes anglais”, s’amuse-t-il. De l’intraduisible… au prêt à penser L’anglais permet aussi, parfois, d’exprimer des idées qui n’ont pas, ou pas encore, d’équivalent en français. Certains mots ou concepts restent tels quels dans la langue de Molière, peut-être dans l’attente qu’on leur trouve une traduction : “mansplaining”, “empowerment”, ou encore “burn-out” semblent rentrer dans cette catégorie. Marcel Botton prend l’exemple du mot “marque”. En anglais, il se divise en “brand”, sur le plan marketing, et en “trademark”, sur le plan juridique. Cette nuance n’existe pas en français… ce qui explique un recours à l’anglais, pour être plus précis. D’autres mots donnent l’impression d’être intraduisible… mais peuvent cacher un flou sémantique, et ainsi profiter à servir des intérêts. “Disruptif”, “disruption”, “disrupté”… cela vous dit quelque chose ? Depuis 2016, le terme est employé à toutes les sauces, que ce soit pour parler d’une politique, d’un modèle économique ou d’une personnalité... “On a l’impression de savoir à peu près ce que ça veut dire, mais c’est flou, ça va dans tous les sens”, développe Laélia Véron, dans une chronique sur le site Arrêt sur images. A l’origine, le mot est issu d’une racine française, mais il a ensuite disparu des usages... Avant de ressurgir, avec un nouveau sens, sous forme d’un emprunt au vocabulaire économique anglais. Un publicitaire de chez TBWA l’a même déposé comme marque. Entre le flou des connotations, le véritable sens, et le besoin de montrer son appartenance, comment penser notre usage de ces petits morceaux d’anglais ? Comme le résume la philosophe Sophie Chassat, l’important est de garder notre faculté de choisir, et de nous approprier les mots que nous employons, sans tomber dans des automatismes. “L’enjeu n’est pas de s’interdire les anglicismes, mais de se forcer à leur trouver des synonymes le plus souvent possibles”, écrit-elle dans Le Monde. “Car le risque véritable, c’est qu’une langue appauvrie n’en vienne très vite à engendrer une pensée tarie et contrainte (et vice versa, cercle vicieux)”. Alors, en nous interrogeant sur ce qui fait la différence entre un “call” et un “appel”, on se garde la liberté de choisir entre plusieurs options différentes… et on se préserve des dangers d’une “novlangue”, au sens donné par Georges Orwell. Car dans 1984, le “newspeak” mis en place par la dictature de Big Brother se bâtit sur une restriction de la palette linguistique : moins de mots, moins de syllabes, moins de liberté de penser. Retrouvez les autres épisodes de notre série: "Parlez-vous corporate?" Ne dites plus "salarié", dites "talent" Ne dites plus "ce sera difficile", dites "ce sera challenging" Camélia Echchihab À la Une * Témoignage Etudiants étrangers : les désillusions de ceux venus faire leurs études en France * « Génération Covid » : des jeunes avant tout mal compris ? * Le retour des expatriés en France accéléré par la crise sanitaire et économique Engagement sociétal Violences policières, loi de sécurité globale, solution pour la jeunesse… Le récap de l'interview d'Emmanuel Macron en 10 tweets Parlons cash Comment les objectifs de développement durable de l'ONU peuvent guider vos investissements Mécénat de compétences : le Déclic, la nouvelle plateforme pour aider les jeunes à s'insérer dans la vie professionnelle Nos Vidéos L'avion russe MC-21 a réalisé son premier vol d'essai en Sibérie L'avion moyen-courrier MC-21, majeur pour l'aéronautique russe mais miné par les sanctions américaines, a effectué son premier vol avec un moteur russe, a annoncé le conglomérat public Rostec, étape décisive pour sortir le projet de l'ornière. Présidentielle américaine: le collège électoral confirme la victoire de Biden Macron annonce un référendum pour intégrer le climat à la Constitution La Russie lance avec succès sa fusée Angara de nouvelle génération Couvre-feu et fêtes de fin d’année : les annonces de Jean Castex * Les Echos Start * Société * Engagement sociétal (BUTTON) Pratique Signaler un contenu illicitePublicitéAbonnement presse numériqueEntités du groupeCookiesMentions légalesPolitique de confidentialitéCharte éthiquePlan du site (BUTTON) Services Le JournalNewslettersGuide 1er jobFiches entreprisePodcastsVidéos (BUTTON) Le Groupe Les EchosInvestirEntrepreneursLes Échos Week-EndSérie LimitéeLes Echos StartPlaneteCapital FinanceRadio ClassiqueConnaissance des ArtsAnnonces LégalesMarchés PublicsImaginE Tous droits réservés - Les Echos Start 2020