
Les boîtes de nuit parisiennes font de plus en plus appel à des physionomistes à l'entrée des clubs. (JEROME MARS/JDD/SIPA)
L’impératif de sécurité n’est pas ma préoccupation première. Moi, en tant que physionomiste, je m’occupe de repérer les têtes des habitués et de les accueillir comme il se doit. Je suis en quelque sorte l’hôte des lieux.
J’ai travaillé dans de nombreuses boîtes différentes et je peux vous assurer que la ligne de conduite varie considérablement.
Le Madam est un club de petite envergure, seulement 350 m2. Nous ne pouvons donc pas dépasser les 400 clients, avec un turn-over dans la soirée qui peut aller jusqu’à 1.000 personnes. Nous sommes localisés sur une des artères les plus fréquentées des abords des Champs Élysées, les déçus sont donc nombreux. Certes, nous sommes sélectifs, mais nous ne faisons aucune discrimination.
La discrimination sur casting
Chaque soir, nous accueillons des personnes d’origines totalement différentes. Il n’y a aucun impératif de couleur et la discrimination raciale est proscrite de notre établissement.
À chaque jour, sa soirée. Le vendredi et samedi sont dédiés à la jeunesse dorée, il y a aussi des soirées consacrées au hip-hop, d'autres orientées gays, le jeudi est une soirée payante plus ouverte que le week-end, et certains dimanches il y a une mensuelle très courue dans le milieu travesti et transsexuel. Je ne suis pas sûr que SOS Racisme se préoccupe de ce genre de données.
Je confesse que nous avons recours à une autre forme de discrimination, une discrimination sociale. En effet, tous les soirs, je ne suis pas en mesure de laisser entrer tout le monde et je dois réaliser un casting pour savoir qui peut et qui ne peut pas.
Bonsoir, vous allez bien ? Allez-y, bonne soirée !
La priorité pour rentrer est de connaître quelqu’un, d’être un habitué du lieu. Mon choix dépend à 80% de ce critère.
Si vous ne faites pas partie du cercle, de ce réseau, si vous ne connaissez pas quelqu’un qui est dans la boîte, vous avez peu de chance de passer le seuil de la porte.
Les clients n’ont ni forcement besoin d’être beaux, ou très habillés ni même de bien tenir l’alcool, on leur demande juste le bon copinage. Parfois, à nos dépends.
Je suis en revanche beaucoup plus souple concernant la tenue vestimentaire, le style. Cette histoire de refus pour des "baskets" est clairement révolue aujourd'hui. Il peut y avoir des consignes dans certaines boîtes, mais, personnellement, je mets un point d’honneur à garder l’esprit ouvert.
Par exemple, je laisse systématiquement passer les gens avec un chouette déguisement, un bel uniforme d'apparat ou de grande école, ou des créatures de la nuit qui se la jouent divas, parce que notre but est avant tout de faire la fête.
Désolé, mais je ne pourrais pas vous recevoir
Pas besoin de s’appeler Shirley et de porter une jolie robe fuchsia pour rentrer, et inversement ce n'est pas parce que quelqu'un est laid qu'il est forcément interdit de boîte. La beauté des laids, chère à Gainsbourg, peut tout à fait jouer.
Si vous êtes souriant, enjoués ou savez très bien mentir, ça peut me suffire.
Je mets un point d'honneur à refuser l’entrée à un grand nombre de personnalités de la télé-réalité. J’ai par exemple recalé, avec un bonheur non dissimulé, Mickaël Vendetta à plusieurs reprises. Et je le referai sans souci.
Souvent, les gens à qui j’explique qu’ils ne peuvent pas entrer le prennent très mal. Ils ne comprennent pas et m’assimile à un juge ou à un psychiatre, mais il faut stopper ce genre d’amalgame.
Ce n’est pas parce que vous avez été refoulé que c’est la fin du monde. Je ne représente aucune autorité. Mes choix ne sont pas paroles d’évangile.
En vous disant non, je n’ai absolument pas voulu dire "t’es moche" ou "t’es trop has been". La preuve, j’ai été moi-même refoulé d’une boîte lundi dernier. Je ne le prends pas personnellement.
Comme ceux que je refuse et qui ont manifestement l'habitude de sortir ailleurs.
SOS Racisme devrait s’intéresser à de vrais problèmes
Apprendre que SOS Racisme porte plainte n’est absolument pas une surprise. Ça serait la deuxième fois.
Je m’étais alors rendu au poste de police de la rue du Château des rentiers. On m’accusait d’avoir accepté un groupe de blancs, et refuser l’entrée à des blacks.
La vérité, c’est que j’ai pris le premier groupe pour d’autres personnes alors qu'elles n'auraient pas dû rentrer. J’ai exposé la situation, montré les nombreuses photos prises au Madam où l'on constate que la clientèle n'est que la stricte représentation de la population française, on m’a relâché et je n’ai jamais eu de nouvelles. C’était il y a près de deux ans.
Ces tests sont des faux combats pour SOS Racisme. Il me paraîtrait plus pertinent de s’intéresser à la discrimination au travail, à l’embauche ou même pour simplement trouver un appartement. Là, il y a un vrai problème.
Propos recueillis par Louise Auvitu