Par doute ou par conviction, ils refusent le port du masque et nous expliquent pourquoi

Par conviction politique ou bien par doute sur son efficacité contre le Covid-19, certains Français refusent le port du masque obligatoire. Ils nous expliquent pourquoi.

De plus en plus de villes imposent le port du masque dans l'espace public. Certains citoyens rejettent cette mesure et nous expliquent pourquoi.
De plus en plus de villes imposent le port du masque dans l’espace public. Certains citoyens rejettent cette mesure et nous expliquent pourquoi. (©JB/Lille actu)

Depuis lundi 3 août 2020, un décret ministériel permet aux préfets d’imposer le port du masque dans certains espaces publics extérieurs. Une mesure sanitaire renforcée visant à endiguer un regain de l’épidémie de Covid-19 dans certains territoires et éviter un reconfinement généralisé, comme l’a martelé le Premier ministre Jean Castex.

Lille, Nice, Biarritz, Paris ou Toulouse font partie des premières villes à s’être vues imposer cette nouvelle obligation qui pourrait concerner rapidement d’autres communes où le coronavirus circule.

Certains refusent pourtant de suivre cette mesure, que ce soit par conviction politique ou par doute sur l’efficacité du masque contre le coronavirus. Des « anti-masque » lillois, première grande métropole à avoir mis en place un arrêté, ont accepté de nous expliquer leur choix. 

« Où sont les preuves que le masque est vraiment efficace ? »

Pour Alain, 54 ans, habitant de la proche banlieue de Lille, « c’est une façon de dire à ce gouvernement que je ne le crois plus ». Gilet jaune revendiqué, cet ouvrier dans le BTP estime que « depuis le début de cette prétendue pandémie, on nous balade ».

On nous confine chez nous en nous disant que c’est la meilleure solution contre le virus et que les masques ne servent à rien. Deux mois plus tard, il faut absolument retourner bosser et mettre les masques ? On se moque de nous !

« Où sont les preuves que c’est vraiment efficace ? Quand on voit le nombre de soignants qui ont chopé le Covid alors qu’ils portent des masques, franchement, je m’interroge ! » Alain est pourtant « bien obligé » de porter le masque lorsqu’il travaille sur certains chantiers. Il s’y plie, « pour ne pas être viré ».

Mais dans les commerces ou dans la rue, il refuse de le porter. « Je sors un peu moins du coup. J’ai réussi une fois à rentrer dans le supermarché sans mon masque, tout le monde me regardait de travers, mais je m’en fous ! Les autres fois, le vigile a pas voulu me laisser rentrer alors je suis resté dehors. »

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« Pour moi, c’est juste une muselière »

Pas totalement convaincue non plus par les arguments sur l’efficacité des masques, Nathalie, 44 ans, mère au foyer, elle aussi proche du mouvement des Gilets jaunes, y voit surtout un symbole. « Pour moi, c’est juste une muselière que le gouvernement nous met. On nous enferme, on nous empêche de manifester, on nous met un masque, on nous empêche de circuler. On nous traite comme des animaux en fait ! », peste-t-elle. 

Sur Facebook, et « un peu sur Twitter aussi », elle essaye dit-elle, « d’éveiller les consciences. Je cherche des sources sur le sujet et je les poste pour que les gens se fassent leur avis au lieu de suivre le gouvernement et les médias comme des moutons ». 

Je n’encourage pas forcément à ne pas le porter, je dis juste qu’il faut se poser des questions. Je fais un peu la lanceuse d’alerte.

Malgré ses doutes sur l’efficacité du masque, elle préfère « ne pas trop sortir pour ne pas prendre de risque. Mais pas question que je m’oblige à porter ça juste pour faire plaisir à Macron ».

Je connais deux-trois commerces qui ne sont pas trop regardants là-dessus. Je vais chez eux. Ceux qui veulent m’obliger, je les boycotte.

À Toulouse, le port du masque obligatoire est plutôt bien respecté.
À Toulouse, le port du masque obligatoire est plutôt bien respecté. (©TC/actu Toulouse)

Des jeunes pas convaincus

Elsa, étudiante de 22 ans qui habite à Roubaix, refuse elle aussi de se plier au port obligatoire du masque. « Si je me fais verbaliser, tant pis », balaye-t-elle. Plus que par conviction politique, même si elle avoue n’avoir « aucune confiance envers le gouvernement là-dessus », c’est, étonnamment, la peur de contracter le virus qui la motive.

« On nous dit que le virus se transmet dans l’air. Pour moi, ça veut dire qu’il peut être un peu partout. Masque ou pas, on est quand même en contact avec l’air donc à quoi bon le porter ? Le masque, est-ce que ce n’est pas plutôt un nid à microbes ? », se questionne-t-elle.

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Hugo, lui aussi étudiant, ne veut pas non plus porter le masque même s’il va le faire, « bien obligé, sinon autant me reconfiner ». Il assure « ne pas le supporter ».

J’ai vraiment l’impression d’étouffer quand je le porte. Je ne me sens pas bien avec. Peut-être que cela me protège du virus, mais si c’est pour que je me sente comme ça, je préfère encore rester chez moi

Hugo trouve aussi que le masque généralisé « entretient un climat d’angoisse, de psychose ».

Même son de cloche chez Clothilde, mère au foyer de 32 ans. « Cela fait vraiment peur de ne plus voir le visage des gens. Je ne remets pas en doute l’utilité du masque, je suis mal placée pour en juger. Mais déjà, si on faisait respecter les gestes barrière et la distanciation, et si on encourageait un peu plus le télétravail, ce serait déjà pas mal. »

J’ai l’impression qu’avec le masque, on veut aussi nous faire peur. On nous dit que c’est soit ça, soit le reconfinement. Mais si le reconfinement est la meilleure solution pour la santé de tous, pourquoi ne pas opter pour ça ? Simplement pour préserver l’économie ?

Le masque, sujet de crispations

En Mayenne, département particulièrement touché par la Covid-19, les gendarmes s'assurent du respect du port du masque obligatoire.
En Mayenne, département particulièrement touché par la Covid-19, les gendarmes s’assurent du respect du port du masque obligatoire. (©Haut Anjou)

Les arguments avancés montrent bien que la question du masque crispe. À tel point que certains, refusant de le porter, se sont parfois montrés violents, jusqu’à l’extrême comme l’a montré le meurtre d’un chauffeur de bus à Bayonne qui avait demandé à des passager de mettre leur masque.

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Derrière ces crispations souvent, il y a des interrogations. « J’ai lu dans un article que le CHU de Lille disait que ça ne servait à rien le masque dans la rue. Voilà pourquoi je me pose des questions », soulève Nathalie, faisant référence à cet article de Lille actu daté du 17 mars 2020. 

Pour le Dr Jonathan Favre, médecin généraliste à Lille et membre du collectif Stop Postillons, ces questionnements peuvent se comprendre au regard des discours, notamment politiques, qui ont pu être tenus. « Au début de la crise, on a trop mis l’accent sur la protection individuelle, alors que le masque est avant tout une protection collective », estime le médecin. 

Le discours politique sur les masques a été un peu mou, par méconnaissance scientifique. Je pense qu’on leur a mal expliqué et ensuite ils n’ont pas su dire qu’ils s’étaient trompés.

« Il n’y a pas eu de revirement du discours scientifique à ce sujet. Dès avril, il y avait des études de microbiologie qui prouvaient que c’était la mesure la plus efficace au plus moindre coût », ajoute le Dr Favre qui précise tout de même que, « au début, on pensait que le virus se transmettait surtout par gouttelettes. Maintenant, on commence à savoir qu’il y a une transmission par aérosol aussi ».

À quoi ça sert le masque ?

À quoi sert donc le masque dans ce contexte ? « Il sert à garder les gouttelettes que l’on produit. Quand on porte un masque grand public ou chirurgical, on protège avant tout les autres », explique le Dr Favre. « En revanche, ces masques, contrairement aux FFP2, ne protègent pas de l’air aspiré, et donc la contamination par aérosol. »

Mais, plus on est nombreux à porter le masque, moins on projette de particules potentiellement infectées dans l’air. C’est mathématique et c’est pour cela que généraliser le port du masque dans les espaces publics fréquentés se justifie.

L’intérêt supplémentaire, ajoute-t-il, « c’est que si on le porte en extérieur, on le manipule beaucoup moins pour le retirer et le remettre et on limite les risques de contamination ».

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« Porter un masque est un effort physique »

Le médecin ne néglige toutefois pas la gêne provoquée. « Porter un masque, c’est un effort physique, comme monter une côte par exemple », prend-il comme analogie. « Mais le corps, sauf dans certains cas de pathologies respiratoires, s’adapte. La ventilation est régulée en fonction du taux d’oxygène et de CO2 dans notre corps. On ne risque pas de s’évanouir par intoxication au CO2 comme on a pu le lire… »

Il faut parfois s’adapter, marcher moins vite, limiter l’effort physique quand on porte un masque.

Quant aux personnes, comme Hugo, qui ressentiraient une forme d’angoisse à porter le masque, « ou bien pour les personnes claustrophobes », le Dr Favre suggère de « faire des exercices de relaxation et de respiration avec le masque » afin de limiter la gêne. 

Pour le médecin lillois, il sera de toute façon « difficile de convaincre les 10% de complotistes ou d’anti-masque convaincus. Mais il faut maintenir le message sur le masque mais aussi sur les gestes barrière, notamment en entreprise où il y a eu un certain laxisme ». 

En ce moment, j’ai des patients contacts avec des personnes contaminées, ce qui montre qu’il y a bien eu un relâchement sur les gestes barrière.

« S’il y a un sujet sur lequel il faut lutter, c’est aussi celui du ‘traçage’ des cas contacts par les autorités », poursuit-il. Nous médecins, on a l’impression d’être obligés de lutter pour faire reconnaître les patients contacts comme tels. »

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