La guerre sociale du système capitaliste contre le Travail, elle, est totale, pas à temps partiel. Le Cercle Marc Peyrade, prenant en compte les expériences des conflits en cours et du mouvement contre la loi Travail, veut promouvoir un débat nécessaire pour élaborer les alternatives à l’institutionnalisation du syndicalisme. Pour construire et unifier un syndicalisme-mouvementsocial. Le syndicalisme est confronté à une mutation néolibérale. L’enjeu commun aux ANI, aux lois Macron, El Khomri et Rebsamen consiste à transformer la nature du syndicalisme, à lui faire jouer un rôle de structure intégrée à l’entreprise, tournée vers le service de la compétitivité prise comme l’objectif commun aux directions patronales et au salariat. S’y conformer ou résister, tel est le clivage de fond qui sépare Solidaires, la CGT et Force Ouvrière, avec le bloc bien mal appelé « réformiste » (CFDT CFTC CGC), notamment depuis l’accord programmatique qu’il a passé avec le Medef, la CGPME et l’UPA voilà 5 ans. Il s’agit pour le système libéral de remodeler le syndicalisme de telle façon qu’il s’intègre aux nouvelles fonctions qui lui sont imparties, ou qu’il s’expose à être pris en tenaille entre un chômage de masse qui se développe, flanqué d’une précarité en pleine expansion, et une répression devenue la réponse systématique à la résistance sociale. -- -- S’y conformer ou résister, tel est le clivage de fond qui sépare Solidaires, la CGT et Force Ouvrière, avec le bloc bien mal appelé « réformiste » (CFDT CFTC CGC), notamment depuis l’accord programmatique qu’il a passé avec le Medef, la CGPME et l’UPA voilà 5 ans. Il s’agit pour le système libéral de remodeler le syndicalisme de telle façon qu’il s’intègre aux nouvelles fonctions qui lui sont imparties, ou qu’il s’expose à être pris en tenaille entre un chômage de masse qui se développe, flanqué d’une précarité en pleine expansion, et une répression devenue la réponse systématique à la résistance sociale. Si les confédérations syndicales ont offert pendant un temps au refus de la loi Travail un périmètre de mobilisation, c’est bien parce que l’enjeu apparaît clairement. Combinant l’utilisation disproportionnée de la violence policière, les condamnations judiciaires très lourdes et de la campagne assimilant résistants à délinquants, la répression s’en prend au pôle de résistance tandis que le gouvernement intègre la CFDT comme partenaire d’État et la conforte dans son institutionnalisation. Aux yeux d’une part croissante de la population, le néolibéralisme se révèle comme un projet global de société au travers du coup de force pour faire passer la loi Travail. Le mouvement de 2016 provient de la rencontre entre la prise de conscience de l’objectif néolibéral et le refus de la stratégie gouvernementale. Sur fond de remise en cause du rôle de l’Etat par les capitalistes, la mobilisation invite le syndicalisme à se positionner comme mouvementsocial et à porter un projet pour tous les citoyens. LA LOI TRAVAIL SE VEUT UN POINT DE NON RETOUR DANS L’ÉRADICATION DU DROIT DU TRAVAIL ET DU SYNDICALISME DE TRANSFORMATION SOCIALE Le mouvement ne s’y est pas trompé, la loi Travail a pour fondement le renversement de la hiérarchie des normes. La « négociation » locale peut être plus négative que les garanties avancées au niveau supérieur. La mise en concurrence sur les bases du moins-disant social conduit inévitablement à donner un avantage concurrentiel à l’entreprise qui a obtenu les plus forts reculs des avantages sociaux. Autrement dit, l’entreprise donneuse d’ordre choisira le sous-traitant (entreprise ou auto-entrepreneur) qui aura baissé la rémunération du travail ; les salariés effectuant auparavant cette activité auront le choix entre l’acceptation des nouvelles normes salariales ou commerciales dans le cadre du passage à l’auto-entreprenariat, ou le refus et le licenciement pour faute. -- -- et le mouvement politico-social Nuit Debout. Ce mouvementsocial, combinaison des trois précités, a permis de faire partager très largement que la loi ne sera d’aucun effet pour développer l’emploi. Il a démasqué une opération de rentabilité du capital. C’est la durée de ce mouvement qui a permis que l’opposition à la loi Travail prenne en profondeur dans la société française. La mobilisation sociale initié par la pétition en ligne et Nuit Debout, reprise et développée par les modalités d’action syndicale et un débat citoyen intense, ont permis de durer… Les grèves sectorielles ont été des éléments marquants de ce conflit. Le mouvement général, et ces mobilisations sectorielles, ont permis de gagner dans plusieurs secteurs : les routiers, les intermittents, les jeunes… même si chacun sait que ces victoires ne sont que provisoires ! Les raffineries, les dockers ont été aussi de la partie, chacun confronté par ailleurs à des projets de remise en cause de leur existence ou de leur statut pouvant expliquer leur capacité de mobilisation. L’unité syndicale, dans une configuration certes déjà éprouvée, mais sans la CFDT (qui avait participé au début des conflits de 2003 ou 2010), a été un élément déterminant de ce conflit. -- -- Le bilan du mouvement doit prendre en compte l’intégration par le syndicalisme de cette conflictualité, avec son attachement aux décisions collectives, l’importance de la parole individuelle, la radicalité nécessaire pour s’opposer au néolibéralisme. L’ENJEU ANTILIBÉRAL Le mouvementsocial, dont font partie les syndicats, a pris une dimension politique parce qu’il s’est attaqué de front à un système économique et politique, le néolibéralisme. Les caractéristiques de ce néolibéralisme sont maintenant largement analysées : dans le cadre d’une économie mondialisée et au service de la rentabilité financière des capitaux, il promeut un État au service exclusif de l’économie, les valeurs de l’individualisme concurrentiel et de la responsabilité individuelle contre toute place du partage et du collectif. C’est la fin des droits sociaux, au profit des privilèges individuellement acquis. Le CPA de la loi Travail est certainement emblématique de cette mutation, même s’il a été peu débattu pendant le conflit. La construction de solidarités, tel qu’a su le faire le syndicalisme tout au long de son existence, est la première réponse à cette individualisation. Mais plus globalement, la riposte au néolibéralisme repose sur la défense des droits fondamentaux : -- -- les droits fondamentaux ne se négocient pas. Ils se posent comme supérieurs aux intérêts privés et particuliers. La tribune « La santé au travail ne se négocie pas » mettait en lumière que la Loi Travail ouvre au contraire des champs entiers de la santé au travail (et en premier lieu le temps de travail) à des compromis locaux sur fond de menace à l’emploi. Le droit fondamental à la santé doit être réaffirmé. le droit du travail a toujours été lu à travers ses formes contradictoires, à la fois droits collectifs visant à contrebalancer l’inégalité manifeste du contrat individuel de travail, et organisation de la mise en concurrence des entreprises et salariés entre elles et eux, fixant « les règles du jeu ». La loi Travail rappelle d’ailleurs que la branche est un « lieu de régulation de la concurrence », donnant une bien pauvre dimension au droit conventionnel. le conflit a d’ailleurs largement fait écho aux revendications d’un salaire « statutaire », lié au statut salarial. D’où l’importance donnée aux propositions de Bernard Friot par le mouvementsocial, rejoignant le débat sur le « statut du travail salarié » et la « sécurité sociale professionnelle » de la CGT (entre autres) du début des années 2000. Même s’il l’on pourrait interroger la pertinence de cette position dans le cadre du « plein emploi ». le mouvement a largement plébiscité la réaffirmation du rôle de l’État, non seulement comme protecteur mais aussi comme générateur de droits fondamentaux, ce qui est contradictoire avec le rôle qui lui est assigné par le libéralisme, organiser la mise en concurrence. de même le mouvement a mis en avant la question démocratique. -- -- Le néolibéralisme n’est pas qu’une question de captation du pouvoir, c’est aussi une menée contre la démocratie. LE SYNDICALISME COMME MOUVEMENT SOCIAL Envisager le mouvement syndical comme mouvementsocial, signifie réunir deux dimensions complémentaires. Le syndicalisme est confronté à la responsabilité d’agréger des approches, des intérêts, des objectifs, des moyens d’action différents. Les prises de conscience du néolibéralisme s’opèrent à travers des mécanismes multiples. Dépassant la seule projection du monde salarial à la société dans son ensemble, le syndicalisme doit intégrer ces différentes approches constitutives d’une même remise en cause du néolibéralisme. -- -- Le syndicalisme est confronté à la responsabilité d’agréger des approches, des intérêts, des objectifs, des moyens d’action différents. Les prises de conscience du néolibéralisme s’opèrent à travers des mécanismes multiples. Dépassant la seule projection du monde salarial à la société dans son ensemble, le syndicalisme doit intégrer ces différentes approches constitutives d’une même remise en cause du néolibéralisme. La convergence de ces prises de conscience ne peut se faire qu’en proposant un objectif commun, ici un projet commun de transformation sociale pour dépasser le néolibéralisme. Le mouvementsocial démontre la prise de conscience d’un affrontement entre deux projets de société. Il ne s’agit donc plus seulement d’admettre le lien entre pratiques syndicales et mouvementssociaux, mais de reconsidérer la représentation du monde social que construit le syndicalisme. -- -- Il ne s’agit donc plus seulement d’admettre le lien entre pratiques syndicales et mouvementssociaux, mais de reconsidérer la représentation du monde social que construit le syndicalisme. Paradoxalement, les libéraux et leur prétention à diriger le monde en faisant fi des représentations des peuples et des travailleurs, obligent à repenser la relation entre le social et le politique. Les organisations syndicales, antiracistes, féministes, écologistes, pour la santé ou le logement, l’éducation populaire, les sans-papiers, la santé au travail… sont confrontées aux mêmes interrogations et à la même crise. Le syndicalisme demeure le plus organisé et le mieux à même de fédérer ce mouvementsocial dans une dynamique antilibérale. « Le “syndicalisme intégral” s’impose aujourd’hui comme question stratégique centrale face à l’intégration des pouvoirs. » CONCLUSION Le syndicalisme peut fédérer les résistances et ouvrir une mobilisation commune pour une autre société. La prise de conscience générale de la portée de cette loi (signifiée par les 1,3 million de signatures sur la pétition LoiTravailNonMerci), les initiatives intersyndicales depuis janvier 2016, le succès du film Merci patron, ainsi que l’entrée possible des jeunes et de nouvelles couches radicalisées dans la mobilisation que montre le mouvement Nuit Debout, tous ces signaux expriment le besoin d’une transformation de la société.