Brexit

Expertise

Brexit : à quels enjeux le dirigeant français fait-il face, et que doit-il faire ?

La décision « Leave EU » de la Grande-Bretagne a soulevé une vague d’incertitude auprès des milieux financiers, économiques et industriels dans le monde, et cela a généré des centaines de questions de la part des dirigeants de sociétés des secteurs privé et public, de toutes tailles. Plus que jamais, le dirigeant français doit apprendre à naviguer dans un contexte « VUCA » (acronyme anglo-saxon de : volatil, incertain, complexe, ambigu) et à maitriser les codes d’un nouveau modèle de leadership, plus collectif et plus agile, fondé sur 5 dimensions : adaptabilité, créativité, expertise, vision et valeurs.

Ce contexte « VUCA » s’est très fortement accru avec le Brexit. En effet, le Royaume-Uni était la 5e destination d’export pour la France, et notre 8e source d’importations en 2014 ; le Royaume-Uni représentait 12% de nos exportations agricoles ; la France est l’un des rares pays avec un excédent commercial face à l’Angleterre dans le secteur des services, grâce au tourisme notamment (3 Mds € en 2012)… Que de challenges pour l’économie et les entreprises françaises !

L’incertitude est à l’heure actuelle maximale et se réduira au fur et à mesure de l’avancée des négociations qui auront lieu au cours des deux à trois prochaines années. Si les négociations aboutissent sur un accord calqué sur celui de la Norvège (qui appartient à l’espace économique européen) ou celui de la Suisse (qui appartient à l’association européenne de libre-échange), les effets du Brexit seront minimes. En revanche, si, à l’issue des négociations, la Grande-Bretagne coupe plus sérieusement les ponts avec l’UE, alors seules les règles de l’OMC s’appliqueront au commerce avec le continent. Cela impliquera des changements majeurs en termes de libre circulation des biens, des capitaux et des personnes, ainsi qu’en matière réglementaire (normes sociales, environnementales, protection de la propriété intellectuelle…).

Dans l’immédiat, autour du Brexit, nous proposons ici une réflexion en 4 points à travers une série d’observations et de questions stratégiques, qui permettront aux dirigeants français de mieux cadrer leur approche et leur réaction, au cœur d’une période d’instabilité qui pourrait durer plusieurs années : volatilité, incertitude, complexité, ambiguïté.

Volatilité : la dévalorisation de la Livre Sterling

Les effets induits par la dévalorisation récente et probablement pérenne de l’ordre de 10% de la monnaie britannique sont évidents :

  • Les ventes de produits et services vers le Royaume-Uni deviennent plus chères, donc moins compétitives, et auront donc tendance à baisser (de 2 à 3 Mds € selon Euler Hermès), avec un impact immédiat sur le chiffre d’affaires réalisé en Angleterre. Bien qu’il soit prématuré de lier cela à la chute de la Livre, l’Office National de la Statistique a d’ores et déjà constaté une baisse des importations de l’ordre de 3,6% et une augmentation des exportations de l’ordre de 2% en juillet par rapport à juin 2016.
  • Les sociétés françaises doivent faire face à une concurrence accrue des importations vers la France de concurrents britanniques, devenues moins chères donc plus attractives. Le e-commerce britannique devient également plus accessible pour les internautes.
  • Une distorsion des prix se crée pour les produits identiques vendus sur le continent et l’Angleterre, pouvant ainsi pénaliser par exemple les fabricants de biens de consommation. Les touristes asiatiques notamment pourraient privilégier Londres à Paris comme destination de shopping, pour les articles de luxe par exemple. Ainsi, selon les données de la fédération de l’industrie horlogère, les importations de montres depuis la Suisse ont bondi de 13,4% par rapport au mois précédent. Le nombre de visiteurs étrangers a augmenté de 18% en juillet par rapport à l’année précédente, avec une nette augmentation du nombre de touristes venus des Etats Unis.
  • En conséquence de ces différents impacts prix, le FMI estime que le Brexit pourrait coûter entre 0,2% et 0,4% de croissance à l'économie française d'ici 2019.
  • Les filiales britanniques des entreprises françaises pourront aussi bénéficier de la baisse de la monnaie anglaise. Le PDG du groupe Pernod Ricard explique que la dépréciation de la monnaie britannique a plutôt un effet positif pour son entreprise, dont les coûts de production du Gin et du Scotch sont en Livre Sterling. 

 

Questions stratégiques pour le dirigeant français :

  • Quelle est la dépendance de ma société vis-à-vis de l’Angleterre (import, export) ?
  • Existe-t-il des alternatives au regard de cette dépendance (nouveaux marchés) ?
  • Est-ce que mes produits/services bénéficient d’un avantage compétitif, différenciant et attractif qui justifie un prix de vente élevé en Angleterre ? Sinon, est-ce que j’ai suffisamment de ressources et de capacités pour innover et différencier ?
  • Dans quelle mesure dois-je réduire mes prix et/ou adapter mon offre de produits et de services pour continuer à vendre en Angleterre ?
  • Reste-t-il un potentiel d’optimisation de mes coûts tout au long de la chaîne de la valeur (achat, production/transformation, logistique, vente, après-vente) pour réduire mes prix le cas échéant ?
  • Existe-t-il des opportunités d’achats de biens et de services en Grande-Bretagne ?
  • Quelles sont les opportunités à saisir pour les filiales britanniques des groupes français ?
  • Pouvons-nous identifier d’éventuelles acquisitions tactiques (court-terme) ou stratégiques (long-terme) en Angleterre ?

Incertitude : le casse-tête du financement en dette ou en capital

L’incertitude et la volatilité sur la place de La City perturbent fortement la visibilité financière des banquiers, et donc des dirigeants français pour le financement des entreprises, notamment les sociétés cotées :

  • La City est menacée, mais pas encore condamnée. Il n’y a pas encore de clarté sur les meilleures places de financement alternatives pour l’avenir : Paris, Francfort… Les acteurs des marchés de capitaux et de dette restent aujourd’hui prudents et/ou incertains, avec des rumeurs de relocalisation d’équipes au sein des grandes banques d’investissements implantées à Londres. La perte du « passeport européen » est au cœur des inquiétudes, comme en témoigne la mise en garde du Japon à la Grande-Bretagne lors du sommet du G20 à Hangzou en Chine. 
  • Il existe un vrai risque de déflation des marchés voire de krach boursier du fait de la volatilité actuelle du marché londonien (qui ferait prendre conscience de la fragilité de l'Europe), puis d’une crise obligataire, avec un effondrement des financements à la clé, et donc de la croissance de la France et de l’Europe.
  • La faible visibilité actuelle pour planifier et investir à moyen et long terme se fait ressentir, et des décisions d’investissement sont déjà annulées ou reportées par les dirigeants français - ce qui ne va pas améliorer la croissance, qui n’est déjà structurellement en France que de 0,8% (contre 2,5% outre-Manche). Le rapport mensuel d’août 2016 de la banque d’Angleterre sur les conditions économiques a confirmé que les intentions d’investissement ont fortement chuté, en particulier dans le domaine des services.

 

Questions stratégiques pour le dirigeant français :

  • Mon niveau d’endettement me laisse-t-il des marges de manœuvres à court-terme ?
  • Puis-je me refinancer facilement et à coût supportable dans les conditions actuelles ?
  • Où se trouvent aujourd’hui les meilleures places de financement alternatives à Londres ?
  • Dois-je rapatrier ou redéployer mes actifs actuellement en Grande-Bretagne (employés, usines, filiales) ?
  • Est-il urgent d’attendre ? Ou faut-il préempter le risque de financement et agir dès à présent ?

Complexité : l’environnement réglementaire encore plus compliqué

Dans un environnement réglementaire déjà très complexe pour les dirigeants français, le Brexit ajoute un degré de difficulté additionnel, sur plusieurs dimensions clés :

  • La Grande-Bretagne va certainement simplifier et réduire le coût de ses normes sociales, environnementales et administratives, et alléger la pression fiscale pour augmenter son attractivité et sa compétitivité.
  • Il y a une possibilité d’avoir des normes-produits qui divergent de plus en plus avec le temps entre la Grande-Bretagne et l’Europe continentale, qui deviendront alors difficilement conciliables.
  • Il y un également le risque d’un rétablissement des taxes d’importations, avec un protectionnisme anglais accru potentiellement.
  • Des barrières non tarifaires peuvent à nouveau voir le jour entre la Grande-Bretagne et l’Union Européenne.
  • Les unités de production basées en Grande Bretagne risquent de perdre l’avantage des traités de libre échange signés dans le cadre de l’UE.

 

Questions stratégiques pour le dirigeant français :

  • Sur quelle base contractuelle faut-il opérer dans un futur proche ?
  • Comment puis-je garantir et protéger mes brevets, ma propriété intellectuelle, etc. ?
  • Puis-je renforcer mes relations commerciales sur le continent européen hors GB ?
  • Quid des (prochaines) négociations dans le cadre de l’accord transatlantique TAFTA ?
  • Comment la sur-réglementation en Europe devient-elle encore davantage un handicap ?

Ambiguïté : l’effet domino des comportements individuels sur les ressources humaines

Une enquête réalisée par Willis Towers Watson montre que pour 76% des DRH interrogés, la principale inquiétude concernant le Brexit réside dans l’impact qu’il aura sur la masse salariale et les talents. Comme l’incertitude règne, une certaine ambiguïté se dessine déjà au sein des ressources humaines, qu’il est difficile voire impossible de rassurer ou de fidéliser actuellement :

  • Moins de pouvoir d’achat pour les personnels expatriés ou détachés en Angleterre ; des différentiels de salaires perceptibles pour les employés de sociétés françaises rémunérés en Livre Sterling.
  • Moins d’afflux migratoire vers le Royaume-Uni qui deviendrait moins attractif pour les salariés, et donc plus de difficulté à recruter pour les filiales d’entreprises françaises basées en Angleterre.
  • Des velléités potentielles de retour anticipé des expatriés français vers leur pays, auxquelles les entreprises françaises n’avaient pas prévu de répondre à court terme.

 

Questions stratégiques pour le dirigeant français :

  • Faudra-t-il obtenir un permis pour pouvoir continuer à travailler en Angleterre, et réciproquement pour les Britanniques qui souhaitent œuvrer en France ?
  • Y-aura-t-il une différence entre les talents français déjà présents au Royaume-Uni et ceux qui souhaitent s'y rendre ?
  • Quelle sera l’attitude des hauts potentiels en Angleterre, face à l’incertitude concernant les salaires, la couverture sociale, les pensions de retraite etc. ?
  • Quels sont les postes au sein de mon organisation qui sont dépendants de la localisation en Grande-Bretagne ? Quels sont les risques de « regretted losses » ?
  • Comment identifier/quels sont les réservoirs de talents potentiels, pour être prêt à faire face à d’éventuels changements/départs au sein de mon organisation ?
  • Quelles solutions RH développer pour le recrutement et la rétention de talents ?

Deux mois après le vote « Leave » en faveur de la sortie de l’Union Européenne, les conséquences économiques ne sont pas aussi désastreuses qu’annoncées. Le FTSE 100 a même retrouvé son niveau antérieur au référendum.

Il faut toutefois garder en tête que le Brexit n’a pas encore eu lieu et que la tournure que vont prendre les négociations entre le gouvernement britannique et l’Union Européenne est plus qu’incertaine. Les dirigeants ont donc deux à trois ans pour préparer leurs entreprises aux enjeux soulevés par les questions clés que sont la volatilité de la Livre, l’incertitude des financements futurs, les changements de réglementations ou encore la gestion des talents au Royaume-Uni.

La clé du succès pour les dirigeants français sera de bien anticiper les risques et les opportunités, notamment à l’aune de réflexion stratégique des Comités Exécutifs et de planification de scénarios.

A cet effet, nous accompagnons les dirigeants et leurs équipes de direction à travers la conduite d’un Brexit Lab sous forme d’atelier de travail dans la Greenhouse. Les dirigeants y collaborent avec nos experts dans un cadre innovant et immersif avec plusieurs objectifs clés :

  • Développer rapidement les connaissances de l’entreprise sur tous les enjeux et impacts potentiels du Brexit (macro et micro économiques, réglementaires, juridiques et fiscaux, etc.).
  • Analyser les principales menaces pesant sur l’entreprise et sur les marchés dans lesquels elle évolue.
  • Identifier et prioriser les risques à adresser, ainsi que les opportunités à saisir, directement et indirectement liés au Brexit.
  • Proposer des scénarios stratégiques envisageables, pour l’entreprise et ses principaux concurrents, clients et fournisseurs.
  • Acter un premier plan d’actions pour rassurer les interlocuteurs internes et externes de l'entreprise et pour bien anticiper et optimiser les prochaines décisions.

En savoir plus sur le Brexit Lab.