
Il est plus décoiffé que jamais, arbore un air hagard à chaque apparition et semble en permanence dépassé par les événements. L’opposition travailliste l’accuse de laxisme, ses propres rangs disent pis que pendre de lui en privé (et de plus en plus en public), les Ecossais rêvent d’indépendance quand ils le voient. Et pourtant, Boris Johnson reste une insubmersible machine politique.
En arrachant, jeudi 24 décembre, un accord avec l’Union européenne (UE) sur les relations post-Brexit, le premier ministre britannique fait une nouvelle fois preuve de l’utilité de se faire passer pour un fou. Bien sûr, comme lors du premier accord sur le Brexit, en octobre 2019, il a fait des concessions majeures. Il accepte en particulier d’aligner partiellement les règles de la concurrence britannique sur celles de l’UE : en cas de divergences jugées trop importantes, l’UE pourra imposer des droits de douane (et réciproquement). La souveraineté qu’il a tant brandie en étendard est écornée.
Quant à la pêche, les Britanniques y gagnent. Ils pêchent actuellement la moitié des poissons de leurs eaux, et cette proportion passera « aux deux-tiers » d’ici cinq ans et demi, explique M. Johnson. Mais la pêche représente 0,1 % de l’économie du pays.
« Joyeux Brexmas »
Mais qui s’intéressera à ces détails techniques au cœur d’une pandémie et à la veille de Noël ? Qui ira vérifier si les quotas de maquereaux représentent une victoire ou une défaite ? Politiquement, dans un Royaume-Uni épuisé par presque cinq ans de déchirements sur le Brexit et une pandémie qui a fait 67 000 morts, l’apparence du succès est l’essentiel. L’enthousiasme contagieux de M. Johnson en présentant cet accord est bien suffisant. « Nous reprenons le contrôle de notre destin », explique-t-il, entouré de quatre drapeaux de l’Union Jack. Qui donc pourrait voir en cela une mauvaise chose ?
Les tabloïds, qu’il a dans la poche, le célébraient dès jeudi. Avant même la publication de l’accord, ils parlaient « d’accord historique », de « joyeux Brexmas » (mot-valise entre « Brexit » et « Christmas », « Noël »), de « triomphe personnel » pour le premier ministre. « Hallelujah ! », ose même le Daily Mail.
En mars 2016, quand il décide de rejoindre le camp du Brexit, Boris Johnson est une nouvelle fois du côté des perdants présumés
Si partielle soit-elle, cette victoire arrachée malgré l’apparente débandade résume bien la carrière de Boris Johnson. Depuis deux décennies, le clown caricaturé par tous et pris de haut finit souvent par l’emporter.
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