Le Quotidien du 26 octobre 2020 : Droit des étrangers

[Brèves] Précisions sur les droits dont bénéficie un ancien travailleur migrant ayant à sa charge des enfants scolarisés dans l’État membre d’accueil

Réf. : CJUE, 6 octobre 2020, aff. C-181/19 (N° Lexbase : A78283WT)

N4858BYL

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par Marie Le Guerroué, le 22-10-2020

► Un ancien travailleur migrant et ses enfants bénéficiant d’un droit de séjour au titre de la scolarisation des enfants ne peuvent pas être automatiquement exclus de prestations sociales de base prévues par le droit national au motif que ce travailleur s’est retrouvé au chômage (CJUE, 6 octobre 2020, aff. C-181/19 N° Lexbase : A78283WT).

Faits/ Procédure. Un ressortissant polonais, résidait, depuis 2013, avec ses deux filles mineures en Allemagne, où celles-ci étaient scolarisées. En 2015 et 2016, il avait exercé plusieurs activités salariées avant de se retrouver au chômage. De septembre 2016 à juin 2017, la famille avait perçu des prestations de protection sociale de base prévues par la réglementation allemande, à savoir des « allocations subsidiaires de chômage ». Depuis le 2 janvier 2018, l’intéressé exerçait à nouveau un emploi à plein temps en Allemagne et avait demandé le maintien du versement desdites prestations pour la période allant de juin à décembre 2017. L’autorité allemande compétente avait rejeté sa demande au motif que, pendant la période litigieuse, il n’avait pas conservé sa qualité de travailleur salarié et séjournait en Allemagne en tant que chercheur d’emploi. La CJUE est saisie à titre préjudiciel par le tribunal supérieur du contentieux social de Rhénanie-du-Nord-Westphalie de la question.

Réponse de la CJUE. Après avoir relevé que les prestations de protection sociale en cause peuvent être qualifiées d’« avantage social » au sens du Règlement (UE) n°492/2011 du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union (N° Lexbase : L3701IQ7), la Cour a jugé, en premier lieu, que celui-ci s’oppose à une réglementation nationale qui exclut, en toutes circonstances et automatiquement, qu’un ancien travailleur migrant et ses enfants reçoivent de telles prestations alors qu’ils bénéficient, en vertu dudit règlement, d’un droit de séjour autonome au titre de la scolarisation des enfants.

Pour parvenir à cette conclusion, la Cour a d’abord rappelé que le droit de séjour reconnu aux enfants d’un (ancien) travailleur migrant pour garantir leur droit d’accès à l’enseignement et, de manière dérivée, au parent assurant leur garde, découle, originairement, de la qualité de travailleur de ce parent. Cependant, une fois acquis, ce droit devient autonome et va pouvoir se prolonger au-delà de la perte de ladite qualité. La Cour a, ensuite, considéré que les personnes qui disposent d’un tel droit de séjour bénéficient également du droit à l’égalité de traitement avec les ressortissants nationaux en matière d’octroi d’avantages sociaux, prévu par le Règlement (UE) n° 492/2011, et ce même lorsqu’elles ne peuvent plus se prévaloir de la qualité de travailleur dont elles ont tiré leur droit de séjour initial. Une telle interprétation évite ainsi à une personne qui a l’intention de quitter son État membre d’origine avec sa famille pour aller travailler dans un autre État membre de s’exposer, en cas de perte d’emploi, au risque de devoir interrompre la scolarité de ses enfants et de rentrer dans son pays d’origine, faute de pouvoir bénéficier des prestations sociales prévues par le droit national qui leur permettraient de disposer de moyens d’existence suffisants.

Enfin, la Cour a jugé que l’État membre d’accueil ne peut pas se prévaloir, dans un cas tel que celui de l’espèce, de la dérogation au principe d’égalité de traitement en matière d’assistance sociale prévue par la Directive (CE) 2004/38 du 29 avril 2004 N° Lexbase : L2090DY3).

Dans la présente affaire, les intéressés bénéficient, certes, d’un droit de séjour fondé sur cette Directive, au titre de la recherche d’un emploi par le parent concerné. Toutefois, dès lors qu’ils peuvent également se prévaloir d’un droit de séjour autonome, au titre du Règlement (UE) n° 492/2011, ladite dérogation ne peut pas leur être opposée. Ainsi, une réglementation nationale qui les exclut de tout droit aux prestations de protection sociale instaure une différence de traitement en matière d’avantages sociaux par rapport aux ressortissants nationaux, qui est contraire à ce règlement.

En second lieu, la Cour a jugé qu’un (ancien) travailleur migrant et ses enfants, qui jouissent d’un droit de séjour fondé sur le Règlement (UE) n° 492/2011 et qui sont affiliés au système de sécurité sociale dans l’État membre d’accueil, disposent aussi du droit à l’égalité de traitement découlant du Règlement (UE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L7666HT4). Le fait de leur refuser tout droit aux prestations de protection sociale en cause constitue donc une différence de traitement par rapport aux ressortissants nationaux. Cette différence de traitement est contraire à ce dernier règlement 10, la dérogation prévue à la Directive (CE) 2004/38 ne pouvant pas, pour les mêmes raisons que celles exposées par la Cour dans le contexte du règlement n° 492/2011, s’appliquer à la situation d’un tel travailleur et de ses enfants scolarisés.

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