La retraite des salariés expatriés hors de France est un sujet récurrent de contentieux, souvent méconnu et peu anticipé par les entreprises.

La retraite, en France, est structurée en deux grands régimes à cotisations définies :

  • Le régime de base, qui a des équivalents dans la plupart des pays d’expatriation ;
  • Le régime complémentaire, une spécificité française qui n’a pas toujours d’équivalent hors de France.

C’est principalement sur ce volet que les contentieux naissent, généralement au retour de l’expatrié, lorsque celui-ci décide de faire valoir ses droits à la retraite en France auprès de la caisse de retraite complémentaire.

Or, c’est généralement des années, voire des décennies après l’expatriation, que le contentieux apparaît. En effet, la jurisprudence considère de longue date que la prescription de l’action du salarié (qu’elle vise au versement de dommages et intérêts ou à une affiliation rétroactive aux régimes de retraite complémentaire) ne court qu’à compter du jour où celui-ci a connaissance de ses droits, c’est-à-dire, de la date à laquelle il liquide ses droits à la retraite (pour un exemple très récent, cf. arrêt publié du 3 avril 2019 de la Chambre sociale de la cour de cassation, n°17-15.568).

Les risques liés à la retraite complémentaire des salariés expatriés sont de trois ordres :

  1. Obligation d’affiliation à un régime de retraite complémentaire négligée par l’employeur

Même si, en principe, le salarié expatrié relève des régimes de retraite du pays d’expatriation (auquel il est donc censé être affilié), lesquels ne prévoient pas toujours de retraite complémentaire, certaines conventions collectives imposent à l’employeur d’affilier le salarié, même expatrié, à un régime français de retraite complémentaire – c’est le cas, à titre d’exemple, de la convention collective de la métallurgie ou de celle des bureaux d’études.

Concrètement, ces conventions collectives ne prévoient pas à proprement parler d’obligation d’affiliation, mais un « maintien de garanties ». L’article 72 de la convention collective des bureaux d’études prévoit ainsi que « Si le régime général de la sécurité sociale n’est pas maintenu, le salarié et sa famille devront être couverts avec des garanties analogues à celles du régime général de la sécurité sociale (…)

Le régime volontaire risque vieillesse de la sécurité sociale et le régime des retraites complémentaires seront maintenus et la charge en sera supportée par le salarié et l’employeur dans les proportions habituelles et les conditions prévues par la loi ».

La Cour de cassation en déduit pour l’employeur une obligation d’affilier les salariés expatriés à l’assurance volontaire contre le risque vieillesse (Cass. Soc. 19 septembre 2013, n°11-25.374).

La sanction du non-respect de cette obligation est, généralement, une obligation d’affiliation rétroactive et donc, un rappel souvent très onéreux de cotisations retraite, qui peut parfois couvrir une carrière entière.

  1. Obligation d’information sur les droits à la retraite du salarié expatrié avant le départ de celui-ci

Par ailleurs, avant le départ à l’expatriation, quelle que soit la convention collective applicable, l’employeur est tenu à une obligation d’information du salarié sur ses droits à la retraite.

Le défaut d’information peut aboutir, pour l’employeur, à une condamnation à verser des dommages et intérêts au salarié qui n’aurait pas bénéficié de l’information adéquate.

Quelle information doit être communiquée au salarié ?

Selon la cour de cassation, il doit s’agir d’une information exhaustive qui lui permet d’apprécier l’étendue de ses droits. Cette information doit donc nécessairement :

  • préciser quels sont les régimes de retraite obligatoires dans le pays d’expatriation ;
  • indiquer si l’équivalent d’un régime de retraite complémentaire existe et si oui, quel serait le niveau de retraite auquel le salarié serait alors éligible en vertu de ce régime ;
  • enfin, rappeler au salarié, en l’absence de régime de retraite complémentaire obligatoire dans le pays d’expatriation, qu’il a la faculté de s’affilier volontairement à un régime de retraite complémentaire (via la Caisse des Français de l’Étranger).

À défaut d’une information complète sur ce point, le salarié est susceptible de perdre ainsi une chance de bénéficier de cette affiliation volontaire – voir par exemple Cass. Soc. 25 janvier 2012, n°11-11.374.

L’employeur doit alors verser des dommages et intérêts compensant cette perte de chance. Le calcul des sommes versées correspond généralement au manque à gagner au titre de la retraite complémentaire.

  1. Obligation de calculer correctement l’assiette de cotisation aux régimes de retraite complémentaire

Quelles sommes faut-il inclure dans l’assiette des cotisations retraite du salarié expatrié ?

La délibération D5 de la convention Agirc-Arrco précise que, pour les salariés concernés par une extension territoriale cas A (salariés d’une entreprise située sur le territoire français et envoyés hors de France) : les cotisations sont calculées « sur la base du salaire qui aurait été perçu en France pour des fonctions correspondantes, éventuellement augmenté de tout ou partie des primes et avantages en nature, ainsi que prévu dans le contrat d’expatriation ».

Il est donc primordial de définir précisément, dans le contrat d’expatriation, les sommes qui seront comprises dans l’assiette de cotisation.

Contact : coline.bied-charreton@squirepb.com