Alors que les restrictions imposées par la pandémie de Covid-19 sont progressivement levées à travers le monde et que la vie économique reprend, les autorités doivent relever un nouveau défi : comment faire respecter la distanciation physique et éviter une nouvelle vague de contamination tout en permettant aux citoyens de reprendre les transports publics.

Certaines métropoles asiatiques, comme Hong Kong ou Séoul, ont choisi de ne pas imposer de mesures strictes de distanciation afin de revenir à un nombre de passagers similaire à celui d’avant la pandémie.

Le gouvernement français, qui a levé l’essentiel des limitations concernant les déplacements individuels le 11 mai dernier, est aujourd’hui confronté à la même question. Alors que la baisse des contaminations se poursuit, les autorités ont annoncé un nouvel assouplissement des mesures avec la réouverture des cinémas, des écoles et des collèges.

La distanciation physique, en revanche, reste de mise dans les transports publics d’Île-de-France, où près de 12 millions d’habitants utilisent presque quotidiennement l’un des plus grands réseaux de transport urbain d’Europe.

À Paris, la gare de Châtelet-Les Halles – une des plus grandes stations souterraines du monde, par laquelle passent cinq lignes de métro et trois lignes de RER – est une zone cruciale pour juger du respect des nouvelles mesures. Le gouvernement a décrété qu’il ne devait pas y avoir plus d’un passager par mètre carré dans les trains. Et les usagers voyageant sans masque de protection risquent une amende de 135 euros.

Des règles de distanciation intenables

Certains responsables français estiment que ces règles de distanciation très strictes ne sont pas tenables. Pour Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, il est “absolument impossible” d’exiger des voyageurs qu’ils maintiennent entre eux une distance d’au moins un mètre.

De fait, reconnaissant la nécessité de permettre à davantage de gens de reprendre les transports publics, le 16 juin, les autorités ont supprimé la limite concernant le nombre de passagers pendant les heures de pointe.

Lundi [22 juin], le secrétaire d’État chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a annoncé que le port du masque serait probablement obligatoire pendant tout l’été dans les transports publics.

Avant la crise du coronavirus, près de 2,8 millions d’usagers du RER passaient quotidiennement par la station Châtelet-Les Halles. Depuis l’imposition des mesures de distanciation physique, un train transportant normalement près de 2 600 personnes ne peut plus en accepter que 700, explique Grégoire de Lasteyrie, délégué spécial aux nouvelles mobilités au sein d’Île-de-France Mobilités :

Il y a un moment où nous devrons instaurer des mesures moins restrictives.”

Au plus fort du confinement, le trafic dans les transports publics parisiens avait chuté de 90 % par rapport à son niveau habituel. Depuis l’allégement des restrictions, le trafic a redémarré mais reste à 75 % au-dessous de son niveau normal. Les autorités misent sur le retour à un trafic normal d’ici à la mi-juillet.

Trafic réduit

Dans les couloirs de la station Châtelet-Les Halles, des lignes et des flèches blanches ornent désormais le sol pour organiser le flux des voyageurs. Des autocollants bleus sont visibles sur les guichets et les quais pour rappeler aux Parisiens de “garder [leurs] distances […] pour [la] santé [de] tous”.

Des écrans rappellent les consignes sanitaires, et sur les murs des macarons indiquent que le port du masque est obligatoire pour entrer dans la station. Des policiers et des agents de sécurité de la RATP effectuent des contrôles aléatoires à l’entrée.

Sur le quai du RER A – une des lignes les plus fréquentées d’Europe, qui relie les banlieues est et ouest de la région parisienne – des lignes blanches indiquent aux passagers où se tenir pour respecter les distances de sécurité. Pourtant, même avec un trafic réduit, la distanciation physique n’est pas toujours automatique.

Nettoyer, balayer, désinfecter

L’autre jour, un groupe de passagers qui venaient de sortir du RER à Châtelet-Les Halles se tenaient agglutinés sur un escalier mécanique, les uns contre les autres. Au guichet, une femme a enlevé son masque pour parler à un employé. Dans un train, des passagers ne portant pas de gants manipulaient les leviers d’ouverture des portes.

La RATP affirme que les trains sont “minutieusement” désinfectés tous les jours et, pendant la journée, des équipes de nettoyage désinfectent les sièges, les distributeurs de nourriture et les rampes d’escalier.

Derrière la principale rangée de portails d’accès de la station, quatre employés équipés de masques, de visières et de tireuses de 5 litres distribuent du désinfectant aux passagers. “Désinfectant pour les mains ! Madame, un peu de désinfectant ?” propose Sidi-Bakari Gassa, 43 ans.

En tout, ils sont près de 35 distributeurs ambulants de la sorte à sillonner les sept stations les plus fréquentées de la capitale, rapporte la RATP. À Châtelet-Les Halles, deux distributeurs automatiques sont aujourd’hui accessibles dans la station et la RATP prévoit d’en installer un millier dans les 368 stations de RER et de métro dans le courant du mois.

Entre inquiétude et obligation d’aller travailler

Du côté des passagers, les mesures de distanciation physique entrent peu à peu dans les mœurs. “Ça été accepté assez rapidement, explique Anaëlle Martin, 24 ans, en attendant son RER pour Saint-Germain-en-Laye. Tout le monde doit aller au travail.”

Tout le monde n’est toutefois pas rassuré de prendre les transports. Informaticien de 30 ans, Amen Akollor reprend le métro pour la première fois depuis mi-mars. “Je suis un peu inquiet”, reconnaît-il.

Sarah Oinino, 30 ans, oncologue à l’hôpital Gustave-Roussy de Villejuif, explique qu’elle a essentiellement pris sa voiture pour se rendre au travail pendant le confinement. Mais depuis le déconfinement et le retour des embouteillages, elle a recommencé à prendre la ligne 7. Pour elle, le métro n’est pas plus risqué :

À l’hôpital, on sait qu’il y a des gens malades.”

Benoît Morenne et Vivien Ngo
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