Le témoignage de Leslie :
 
Dès le début de ma grossesse, en avril 2013, j'ai tout de suite été très fatiguée. Je dormais beaucoup et je me sentais faible. J'ai du être arrêtée quelques temps durant le 3ème mois. Quand je suis revenue au travail on m'a clairement fait comprendre que je profitais de ma grossesse pour avoir du repos. Mes relations au travail ont toujours été un peu spéciales et je sentais sur moi une pression terrible, comme si je n'avais pas le droit d'être fatiguée. Toutes les femmes enceintes que j'ai pu rencontrer étaient rayonnantes, il semblerait qu'elles n'ont jamais été aussi épanouies qu'en étant enceintes. Je ne comprenais pas pourquoi moi j'étais très fatiguée et assez susceptible. Peu à peu j'ai commencé à me renfermer. Mais je ne m'en suis pas rendue compte tout de suite. Les gens autour de moi trouvaient que j'avais une petite mine, que j'étais de mauvaise humeur. D'autres faisaient des blagues sur les hormones... À la maison je me sentais inutile car j'étais crevée rien qu'en montant 3 marches d'escalier ou en vidant le lave-vaisselle. Mon compagnon ne m'a jamais rien dit, il a toujours été très attentionné avec moi mais je sentais qu'il ne comprenait pas mon mal-être. A partir du 6ème mois j'ai été complètement arrêtée. Je me suis mise à pleurer chez la sage-femme lorsqu'elle m'a demandé si je voulais m'arrêter. J'avais répondu non car ça ferait mauvaise impression au travail. Lorsqu'elle a vu mes larmes couler elle m'a arrêté de force.

La culpabilité de ne pas être une femme enceinte "rayonnante"

Je me sentais coupable d'être trop faible physiquement et fragile psychologiquement pour aller travailler. Dès lors, je suis restée presque tout le temps au lit. Pas que je devais rester allongée, mais c'était le seul endroit où je me sentais moins mal. Je descendais pour manger et c'est tout. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais si mal, je n'avais jamais connu de dépression avant. Je me demandais si j'allais aimer mon enfant, si j'allais être capable de m'en occuper, d'être une bonne mère. Mon compagnon avait déjà deux enfants. Je les aime énormément mais je n'avais pas le sentiment d'éprouver ce que peut éprouver une mère pour ses enfants.

Le déclic
Un jour une amie m'a envoyé un petit livre sur la grossesse. J'en avais déjà lu plusieurs qui racontaient tous plus ou moins la même chose. Mais dans celui-là, il y avait un petit encart qui disait qu'environ 10 % des femmes connaissaient le baby blues pendant la grossesse. Et là tout est devenu plus clair. Et si je faisais une dépression ? Je ne donnais presque plus de nouvelles à personne. Mes amies m'ont organisé une babyshower un mois avant mon accouchement. Même si cela m'a mis du baume au cœur je sentais que je n'étais pas complètement heureuse...

Comprendre la dépression pendant la grossesse : une étape clé pour aller mieux

Deux semaines avant mon accouchement, j'ai senti une légère amélioration de mon état. J'étais moins fatiguée, je pouvais faire un peu de vaisselle sans être essoufflée et me sentir lourde, je pouvais marcher un peu. Et le 11 décembre 2013, mon petit Malo est arrivé. Et c'est comme si les derniers mois de douleur n'avaient jamais existé. J'étais très sereine lors de l'accouchement et tout s'est très bien passé.

Depuis ce jour, je n'ai jamais ressenti de mal-être ou un autre baby blues. Je suis très heureuse avec mon petit garçon et je n'ai plus jamais douté de mes capacités à l'aimer. Quelques temps après, toutes mes amies m'ont avoué qu'elles avaient eu peur pour moi, qu'elles avaient senti que quelque chose n'allait pas et qu'elles se sentaient impuissantes. C'est vraiment quelques semaines après la naissance de Malo que je me suis rendue compte de mon état durant la grossesse. C'est un épisode de ma vie que je ne souhaite pas revivre. D'ailleurs, un jour une amie m'a dit "tu l'as voulu". Pour elle, je voulais un enfant donc ce n'est pas normal d'être malheureuse et si je le suis et bien je devrais assumer. Cette réflexion m'a fait mal au cœur mais quand on ne vit pas la dépression on ne sait vraiment pas ce que c'est. Ce sentiment d'être seule, faible, triste... J'ai trouvé dommage de ne pas savoir ce qui se passait en moi car c'est presque un sujet tabou.

  
Le témoignage de Marie : 

Des événements malheureux qui conduisent à la dépression...
Avec mon conjoint, nous avons eu un petit garçon il y a 4 ans, c'était une grossesse sans problème. Après sa naissance, nous savions déjà que nous voulions un autre enfant. 
Deux ans après, je suis à nouveau tombée enceinte et j'ai dû subir un curetage à 10 semaines de grossesse. Je crois que mes mes angoisses sont arrivées à partir de cela je pense... Quelques mois plus tard, je suis de nouveau tombée enceinte. Toute la famille était comblée par cette nouvelle et mon fils a même annoncé ma grossesse en apportant une paire de chaussons à son papa ! Mon homme était évidemment stressé mais heureux.

Encore une fois, le malheur à frappé à notre porte et à 5 mois de grossesse, on m a annoncé une agénésie reinale bilatérale et j'ai perdu ma fille quelques jours après. Après cet événement traumatisant, une année s'est écoulée dans la douleur...

Pleurs, irritations permanentes, angoisse de perdre à nouveau son enfant 

Je suis retombée enceinte en fin d'année. Nous étions heureux, mais aussi très contenus : après tous ces échecs, on ne vit plus une grossesse de la même manière. Les premiers mois ont été extrêmement pénibles : j'étais constamment balancée entre la joie d'être enceinte et la crainte de perdre ce bébé. J'aurais voulu passer le premier trimestre en claquant des doigts. Je voulais vite arriver aux trois mois afin que ma gynécologue me confirme que mon bébé a bien ses reins. Les premières semaines ont été très longues à vivre... 
Mon moral a commencé à chuter dès le début de cette grossesse, mais à 5 mois, j'étais totalement paniquée. J'ai même acheté un doppler et je scrutais les moindres signes qui pouvaient me faire penser à un éventuel problème.Je pleurais tout le temps, j'étais irritable et surtout, de très mauvaise humeur. Et toujours cette angoisse permanente... En fait, je détestais l'état de la grossesse.


Le soutien des proches quand on traverse la dépression

J'ai d'abord parlé de mon malaise à une amie proche qui m'a beaucoup aidé à surmonter mes pertes précédentes. Elle a parfaitement compris mon angoisse et a essayé de m'apaiser au mieux. Mais au fur et à mesure, ma dépression s'aggravait. Parallèlement, ma gynécologue m'a beaucoup aidé en me recevant et en me faisant réaliser des contrôles réguliers pour me rassurer. J'ai aussi suivi des cours de préparation à l'accouchement avec une sage-femme qui m'a fait faire de la relaxation, de la réflexologie...Malheureusement, les dernières semaines ont été si difficiles que j'ai revu une psychologue. Le jour J, j'ai eu une césarienne programmée et jusqu'à la veille de l'accouchement, je pensais que j'allais perdre mon bébé...


La naissance du bébé : une libération !

Après la naissance de ma fille, j'étais véritablement libérée. Mon bébé était là ! Il n'était plus en danger à l'intérieur de mon corps. Car oui, ma dépression venait aussi du fait que je pensais que c'était moi qui mettait en danger les bébés que je portais. Je pensais réellement que mon enfant serait plus en sécurité dehors. Quitte à être prématuré. Aujourd'hui, je vais mieux, je me sens apaisée.
Ma relation avec ma fille se créée doucement car je l'ai moins imaginé et personnalisé que mon premier. En fait, j'ai tellement été focalisée sur la grossesse, sur mes peurs et mes angoisses que j'ai un peu délaissé le fait d'établir un lien avec mon bébé. Mais ma fille est tellement belle que j'oublie ce que j'ai vécu et m'efforce de lui apporter tout l'amour dont elle a besoin... En revanche, je ne souhaite absolument pas revivre une nouvelle grossesse, nous n'aurons pas d'autre enfant. Cette expérience a été trop difficile...