Immigration : pour Macron, « la France ne peut pas accueillir tout le monde »
VIDÉO. Le chef de l'État plaide notamment pour la mise en place de « règles communes d'asile » à l'échelle européenne, dans un entretien à Europe 1.
Source AFPAide médicale d'État, reconduites à la frontière… Emmanuel Macron a évoqué le sujet de l'immigration, dans un entretien à Europe 1 enregistré depuis New York et diffusé mercredi. Il estime que « la France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien », souhaitant éviter les « débats simplistes » sur ce sujet. « Je crois au vrai en même temps sur la politique migratoire aussi », dit le chef de l'État, qui assume le débat qu'il a lancé devant les parlementaires de la majorité le 16 septembre. Il plaide pour « être humains et efficaces » et « sortir de certaines postures dans lesquelles nous sommes enfermés », entre « bonne conscience » et « faux durs ».
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L'AME doit être « évaluée »
« Pour continuer à accueillir tout le monde dignement, on ne doit pas être un pays trop attractif », ajoute-t-il, à quelques jours du débat sur l'immigration programmé à l'Assemblée nationale (30 septembre) et au Sénat (2 octobre). Quant à l'aide médicale d'État (AME) aux immigrés, il souhaite « évaluer » son « panier de soins », s'interrogeant sur la possibilité d'« excès », tout en jugeant que la supprimer serait « ridicule ».
« Ce serait une erreur de dire que la question migratoire est une question taboue ou que, en quelque sorte, on ne pourrait la poser que quand il y a des crises », dit-il, soulignant que « la France est un pays de migration de tout temps », et souhaitant aborder ce débat de manière « extrêmement apaisé[e] ».
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Un « échec » sur les reconduites à la frontière
Il reconnaît qu'il « n'a pas réussi à tenir » l'engagement pris à Orléans en juillet 2017 et qu'il y a eu une très forte augmentation du nombre de demandeurs d'asile, en raison d'une insuffisante coopération en Europe. Il admet aussi un « échec » sur les reconduites à la frontière parce que « les procédures durent trop longtemps ». « Au niveau européen, on doit travailler pour véritablement avoir des règles communes d'asile », insiste-t-il.
Emmanuel Macron décline ainsi les axes de la politique à suivre selon lui, d'abord « le plus rapidement possible donner l'asile à ceux qui ont besoin de notre protection ». Ensuite, « intégrer beaucoup plus efficacement ceux qui ont droit à l'asile : plus de cours de français, une politique de l'emploi plus forte ». « On doit traiter et protéger tous ceux qui sont sur notre territoire pour eux-mêmes et pour nous, mais là aussi il faut le faire avec raison garder, bon sens, et analyser s'il n'y a pas des excès qui existent, et je crois qu'ils existent dans certaines catégories », poursuit-il.
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« Et ensuite, on doit reconduire beaucoup plus efficacement les personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire parce qu'elles y sont entrées illégalement. » « Si on arrive à faire ça, je peux vous dire qu'on serait un pays qui est à la hauteur de ses valeurs » et cela constituerait « une opportunité économique », conclut le président de la République, qui ne veut pas d'un « pays dans lequel parfois on ajoute la misère à la misère ».
« Échec d'une politique migratoire »
« C'est bien qu'il se soit adressé […] à tous les Français, pas simplement à sa majorité dans un espace restreint, […] il faut en parler de manière apaisée mais en vérité, et bien sûr il s'agit d'une question qui concerne les humains, et il faut donc le faire avec nos valeurs. Mais regardons le bilan d'Emmanuel Macron en 2018 : jamais autant de demandes d'asile, […] il n'y a que 10 % des déboutés de l'asile qui sont reconduits à la frontière. Échec d'une politique migratoire. En plus, échec de l'intégration », a réagi Gérard Larcher, président (LR) du Sénat, sur Europe 1.
« Oui [je suis d'accord avec Emmanuel Macron, NDLR], mais je me méfie des propos d'Emmanuel Macron car au bout d'un peu plus de deux ans de pouvoir, là où il est le plus fort c'est en communication. Il y a un an a été promulguée […] la loi asile et immigration […] et sa loi ne marche pas. La politique, c'est des résultats », a de son côté estimé Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, sur BFM TV et RMC.
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« C'est de l'électoralisme »
Pour Jordan Bardella, eurodéputé et vice-président du Rassemblement national, les propos d'Emmanuel Macron, « c'est de l'électoralisme. Puisqu'il veut débattre de l'immigration, nous lui disons : chiche, qu'il organise un référendum sur le sujet. Beaucoup de Français ne comprennent pas qu'alors qu'ils ont de plus en plus de mal à se soigner, on offre les soins gratuits aux clandestins. En temps de crise, il faut couper le robinet, et le premier des robinets à couper, c'est celui de l'immigration », a indiqué l'élu RN sur Radio Classique. « Bla bla bla... Il y a 30 ans, Rocard nous disait que nous ne pouvions accueillir toute la misère du monde... Regardez le résultat ! » a renchéri Marine Le Pen sur Twitter.
« La question est de savoir si on accueille bien aujourd'hui, et la première des réponses à cette question, c'est que ça n'est pas le cas [...] Évidemment, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais qui a hystérisé le débat ces dernières semaines, qui a fait dire à Jean-Marie Le Pen que ce débat était une grâce ? C'est le président de la République dans une forme d'instrumentalisation », a estimé Boris Vallaud, porte-parole des députés PS, sur BFM TV.
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« Ayons un débat en sérénité »
« Macron : Si la France veut accueillir bien, elle ne peut pas accueillir tout le monde. Pour rappel, la France a accueilli 8 fois moins de demandeurs d'asile que l'Allemagne au cours des cinq dernières années. Huit fois moins », a souligné Ian Brossat, porte-parole du PCF, sur Twitter.
« Qu'on discute de l'immigration dans notre pays ne me choque pas, ça n'est pas la priorité des Français. Mais si c'est pour instrumentaliser la question de l'immigration, comme l'ont fait trop de responsables politiques, pour divertir des sujets comme les inégalités […], c'est dangereux. Ayons un débat en sérénité pour construire une politique européenne digne de ce nom, pour qu'on évite les gens qui meurent en Méditerranée et pour qu'on évite que des gens vivent dans des situations inhumaines dans nos rues », a pour sa part réagi Yannick Jadot, eurodéputé EELV, sur CNews.
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