Comment la police travaille sur les disparitions d'enfants
Chaque année, on compte 50 000 signalements de disparitions de mineurs en France. Fugue, enlèvement, disparition inquiétante… Des dossiers ultrasensibles.
Par Valentine Arama
Dans 30 % des cas, les enfants signalés disparus sont retrouvés dans les 48 heures.
© PHILIPPE HUGUEN / AFPIl y a les disparitions très médiatisées, celles de Marion Wagon, d'Estelle Mouzin ou de Lucas Tronche. Mais ces types d'affaires sont plutôt rares en France et représentent en moyenne seulement deux à trois cas par an. L'essentiel des signalements enregistrés par les forces de l'ordre provient surtout des fugues. Pourtant, quel que soit le motif, « un mineur qui disparaît est toujours traité comme une disparition inquiétante », confie Philippe Guichard, directeur de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP).
C'est cette section de la police judiciaire qui est parfois saisie pour épauler les services de police ou de gendarmerie locaux, notamment dans les affaires extrarégionales ou nationales. « S'il y a un enlèvement à Rennes et que le parent est susceptible de se rendre à Orléans, c'est l'office qui est saisi », précise Philippe Guichard. Le commissaire ajoute que l'OCRVP peut également être cosaisi si l'affaire piétine, « toujours en appui du service local ».
« Dans une affaire de disparition, il faut toujours étudier le contexte familial, l'environnement du mineur ainsi que les conditions de la disparition », souligne Philippe Guichard, qui rappelle qu'il y a en France – en moyenne – 50 000 déclarations de fugues et de très nombreux enlèvements dus à des conflits familiaux. En 2018, 53 349 mineurs ont été inscrits au Fichier des personnes recherchées (FPR), géré par la police technique et scientifique. Parmi ces inscrits, 614 mineurs ont été signalés « enlevés ou détournés », 51 925 déclarés « en fugue » et pour 900 mineurs, la disparition a été jugée « inquiétante ».
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Beaucoup de fugueurs sont des multirécidivistes
Ces chiffres sont cependant à prendre avec précaution, car, comme le rappelle le 116 000, un numéro dédié aux familles d'enfants disparus, un même enfant peut être signalé plusieurs fois au cours de la même année. « C'est assez fréquent concernant les fugues. Le jeune est inscrit au FPR, puis il en sort lorsqu'il est retrouvé ou s'il rentre de lui-même. S'il fugue une nouvelle fois, il fera de nouveau l'objet d'un signalement et d'une inscription au FPR. Il y aura donc deux signalements comptabilisés pour un même enfant au cours de l'année », précise le 116 000. Sur les 50 000 fugues enregistrées en moyenne chaque année en France, « beaucoup sont des multirécidivistes », ajoute le directeur de l'OCRVP. D'où l'intérêt de très vite analyser le contexte des disparitions, qui sont les affaires les plus dures à gérer pour la police.
« La disparition, ce n'est pas comme un homicide, il n'y a pas de scène de crime, pas de corps. Il faut faire un effort d'imagination, ouvrir toutes les portes », insiste le commissaire. Ainsi, le plus tôt est fait le signalement, le mieux c'est. Ensuite, c'est à la police – ou à la gendarmerie – en fonction des éléments qui sont en sa possession de décider ou non d'alerter le parquet, qui se charge, de son côté, de saisir des services spécialisés. Si la disparition est jugée inquiétante, les services spécialisés – sûreté départementale ou police judiciaire – peuvent mettre en œuvre d'importants moyens d'investigation. « Ils ont des réflexes, traitent tout de suite l'affaire comme criminelle avec des techniques comme le gel de la téléphonie ou des recherches précises sur les réseaux sociaux. Ils ont également des moyens de fouilles plus conséquents », détaille Philippe Guichard. Dans le cas où la police judiciaire est saisie, cela signifie que l'affaire est immédiatement considérée comme criminelle, et non comme accidentelle.
La téléphonie et les réseaux sociaux, deux aides précieuses
Dans le cas d'une disparition de mineur, la police locale ou la gendarmerie peut aussi décider d'émettre un appel à témoins dans les médias locaux, avec l'accord du parquet. Depuis 2006, un autre dispositif est également à la disposition des forces de l'ordre. Il s'agit de l'Alerte-Enlèvement, qui doit cependant respecter certains critères. Pour diffuser cette alerte, il faut être assuré qu'il y a « un enlèvement ou une soustraction avérée d'un mineur ». Il faut également qu'il y ait une dangerosité évidente pour la vie de l'enfant et des éléments de signalement à confier au public par le biais d'un message. Depuis sa création, ce dispositif affiche un taux de réussite de 100 %, avec 23 alertes déclenchées et autant de mineurs retrouvés sains et saufs. La décision de lancer cette alerte dépend entièrement du procureur de la République, qui doit préalablement avoir obtenu l'aval de la chancellerie, et plus précisément de la DACG (la Direction des affaires criminelles et des grâces).
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Si l'enquête traditionnelle demeure – travailler sur l'environnement de la victime et son emploi du temps récent –, les nouvelles techniques pour étudier la téléphonie et les réseaux sociaux sont désormais des outils précieux pour les enquêteurs, surtout dans les cas de disparitions de mineurs, qui ont un usage important des réseaux sociaux. « Dans toutes les affaires de disparitions, la téléphonie est prioritaire », indique le commissaire.
Selon le ministère de l'Intérieur, au 30 avril 2019, des recherches par la police et la gendarmerie étaient en cours pour retrouver 17 355 mineurs. Le 116 000, qui a une convention partenariale avec l'OCRVP, indique de son côté que, dans 30 % des cas, les enfants signalés disparus sont retrouvés dans les 48 heures. À ce jour, l'OCRVP, qui travaille exclusivement sur des affaires criminelles, est saisie sur une dizaine de disparitions.
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