J’ai rencontré le père d'Alex par le biais d’amis. Il était libanais et faisait ses études en France. Nous nous sommes plus. il semblait très ouvert d’esprit. Deux ans plus tard, nous nous sommes mariés et quatre ans plus tard, Alex est né. C’est là que les choses ont commencé à dégénérer. J’ai découvert son vrai visage. Il a perdu son emploi et ne faisait plus rien à la maison. Je ramenais l’argent et lui le dépensait dans tout et n’importe quoi. Il n’était plus l’homme que j’avais connu. Alors, on se disputait souvent et très vite, il a commencé à me menacer de partir au Liban avec Alex. J’étais désormais coincée, prise au piège.

Il a enlevé notre fils de 3 ans

J’étais chargée de mission marketing dans une société internationale et on m'a proposé une mutation aux USA ; il était d'accord pour suivre. Je ne sais pas pourquoi, mais je me disais que ce nouveau souffle permettrait que tout s’arrange. Malheureusement, un mois et demi après que nous ayons déménagé, le pire est arrivé. En rentrant un soir après une journée de travail, j’ai trouvé l’appartement vide, Alex n’était plus là… Son père avait dévalisé mon compte en banque et avait emmené Alex ainsi que mes propres papiers d’identité. J’ai tenté de le joindre : en vain. Pendant 8 jours, je n’ai eu aucune nouvelle. Je ne mangeais plus, ne dormais plus… C’était horrible. Puis il a fini par me téléphoner pour me dire : « soit tu viens vivre à Beyrouth avec moi et tu vis selon mes règles, soit tu ne reverras plus jamais ton fils ! ». Alex avait 3 ans… Il ne m’a pas laissée lui parler. Je pleurais, je hurlais, je le suppliais en vain… Il avait kidnappé mon enfant. J’étais dans un état de nerfs avancé mais surtout, j’étais morte d’inquiétude car je savais pertinemment que les choses n’allaient pas se régler facilement.

Il fallait d’abord que je divorce

J’ai rapidement contacté un avocat qui m’a avertie : « attention, vous êtes mariée. Au Liban comme dans tous les pays musulmans, votre mari peut vous interdire la sortie du territoire. Je vous conseille donc de divorcer avant d'envisager un voyage au Liban… ». C’était un cauchemar. J’étais morte d’impatience de retrouver Alex mais je savais que je devais obligatoirement entamer avant les démarches pour me séparer officiellement de son père… J’ai porté plainte pour enlèvement d’enfant aux Etats-Unis mais aussi en France. Malheureusement, la France n’a pas tenu compte de ma plainte car l’enlèvement avait eu lieu sur le territoire américain.

« C’est la même maman que sur la photo ? »

Finalement le divorce a été prononcé. Je suis donc partie au Liban 8 mois plus tard, après avoir refait mes papiers et avec une énorme boule au ventre. Enfin, j’allais revoir mon bébé… Mais quand je l’ai revu, il a dit à son père : « c’est la même maman que sur la photo ? » Cette phrase a été comme un coup de poignard en plein cœur… Mon tout petit ne me reconnaissait plus… Je suis rentrée en France car j'avais mis au point un plan… Un mois plus tard, je revenais au Liban sans rien dire à personne et j’ai à mon tour enlevé Alex à la sortie de l’école avec l’aide de personnes que j’avais payé pour cela. Cette journée restera à jamais gravée dans ma mémoire. Ca été très difficile. Je m’étais voilée. Alex a eu très peur. Nous avons mis 48 heures pour regagner la France dans l’angoisse. Mais si je l’ai fait, c’est parce que je n’avais pas d’autres choix. L’absence de mon fils, son éloignement, le savoir si loin de moi, me déclenchait des douleurs physiques. J’étais au bord du gouffre. Et puis, je savais pertinemment que si je ne le faisais pas, je ne le  reverrai pas avant ses 18 ans.

Je vivais dans la peur qu’il me le reprenne

Je suis retournée aux USA et un an plus tard, j'ai dû rentrer en France pour des raisons professionnelles. Je me suis installée chez mes parents et très rapidement, le cauchemar a recommencé : mon ex mari est venu habiter à côté de chez nous. Je vivais dans la terreur. Je ne pouvais pas retravailler de peur qu’il le reprenne. En plus, il arrivait à obtenir tous les droits de la part des juges car pour eux il n’y avait aucune crainte. Il pouvait donc voir son fils sans aucune surveillance et l’emmener au Liban sans que personne ne s’en aperçoive. Cela me rendait tellement malade que j’ai fini par déménager une nouvelle fois aux Etats-Unis… C’était la seule façon de le fuir car il y avait un mandat d’arrêt contre lui, là-bas.
Sur place, je me suis organisée, j’ai trouvé un travail d’assistante bilingue. C’était difficile car Alex adorait son père et je ne voulais surtout pas lui en dire du mal. Il ne comprenait pas pourquoi, il ne le voyait plus. Mais on essayait malgré tout de recoller les morceaux. Jusqu’au jour où, alors que je l’emmenais à l’école, deux hommes se sont jetés sur moi et me l’ont arraché. Alex avait 6 ans et demi… C’était encore un tout-petit. Et je ne devais le revoir que de nombreuses années plus tard.

Pendant 4 ans je n’ai eu aucune nouvelle

Son père avait tout prévu pour que je ne le revois plus jamais. Il s’était remarié avec une femme américaine en échange de 7000 $. Et avait obtenu la garde provisoire d'Alex auprès d'un juge incompétent en se faisant aider par de nombreuses personnes, juste le temps de le réenlever. Je n’ai eu aucune nouvelle d'Alex pendant 4 ans. De longues années pendant lesquelles j’ai tout fait pour le retrouver. J’ai dépensé beaucoup d’argent. Je voulais revoir mon fils à n’importe quel prix. Son père ne me laissait pas lui parler, je ne savais pas où il était ni comment il allait. Je devenais folle, je ne pensais qu’à lui.

J'avais peur qu'il me déteste ou me croit morte

Au bout de quatre ans, je me suis dit qu’il était plus qu’urgent de renouer le contact. Je ne savais pas ce que son père lui racontait. Peut-être lui avait-il dit que j’étais décédée ou que je l’avais abandonné. J’avais la hantise que mon fils me déteste. Je suis donc retournée au Liban et j’ai tout fait pour entrer en relation avec eux. Son avocat a pris contact avec moi et m’a demandé de signer un contrat. Je pouvais revoir Alex seulement si je renonçais à tous mes droits en tant que mère. Je m’étais renseignée et ce document n’avait aucune valeur aux yeux de la Loi française, alors j’ai signé. Le soir même j’ai revu le père d'Alex qui m’a emmenée dans les montagnes et là j’ai revu mon petit garçon. Il s’est jeté dans mes bras. Je l’ai serré fort, si fort, et je me suis mise à pleurer. La première chose qu’il m’a dite c’est « maman pourquoi tu ne m’as jamais téléphoné ? ».

Je l’avais fait tous les jours depuis quatre ans et même cinquante fois par jour mais personne ne me laissait lui parler. J’ai préféré ne pas répondre. Il avait l’air d’aller bien alors je ne voulais pas lui faire de mal. J’ai pris sur moi et ai accepté les nouvelles conditions du père. J’ai eu le droit de revenir le voir l’été suivant ! J’étais logé chez une de ses tantes où nous êtions constamment épiés et humiliés. C’était atroce. Le seul moment où je me retrouvais seule avec Alex, c’était au moment du bain car son père avait accepté que je sois avec lui à ce moment-là. Cela nous permettait d’être ensemble pendant une heure.

« Maman, sors moi de là… »

Après l’été, je suis rentrée en France et son père a de nouveau décidé de couper les ponts. Pendant 2 ans et demi, je n’ai pas pu revoir mon petit. Deux nouvelles longues années pendant lesquelles je me suis battue dans l’espoir de revoir mon fils. J'ai fini par pouvoir lui rendre visite plusieurs fois entre 2003 et 2006. Et puis un jour de janvier 2006 miraculeux, Alex m’a téléphoné en me disant :« Maman, sors moi de là… Je ne tiendrai pas le coup jusqu'à mes 18 ans». En juin, il a fugué et son père m’a demandé de venir au plus vite au Liban ! Je m'y suis rendue dès le week-end. La guerre a ensuite éclaté en juillet 2006 et j'ai contacté le consultat de France à Beyrouth pour tenter de faire évacuer mon fils. Son père l'a appris. Tout ce qui a suivi est digne du scénario d’un film. Son père l’a emmené en Syrie et caché dans un camp militaire. Alex m’envoyait secrètement des textos pour me dire où il était. J’étais folle d’angoisse. Il a décidé de fuguer encore une fois ; son père l'a su et a décidé d'en finir : il m'a appelée pour que je vienne le chercher en stipulant qu'il ne voulait plus jamais entendre parler de nous. J’ai déniché un billet d’avion pour Damas malgré l'avis défavorable du Quai d'Orsay qui ne pouvait assurer ma protection. Cela faisait 9 ans que j’attendais cela. Je n’osais pas y croire. J’ai attendu 3 heures à l’aéroport avant de pouvoir serrer mon fils dans mes bras. Alex était sale et prostré. Son père a exigé que l’on dorme tous les trois une dernière nuit ensemble. Cette nuit-là, je l’appelle la nuit du cauchemar. Son père nous a tenu éveillés toute la nuit en menaçant Alex. Mais le 5 août 2006, a marqué la fin de neuf années de cauchemar. Je suis enfin rentrée en France avec mon fils. Je revivais…

Alex veut changer de nom

Aujourd’hui, Alex dit détester son père, il lui en veut beaucoup. Il a même décidé de changer de nom. Il a de ses nouvelles de temps en temps. Son père passe des insultes et menaces à des paroles extrêmement tendres. Alex est marqué à vie, il est toujours seul, il a beaucoup de mal à rencontrer du monde. De mon côté, et dans mon esprit, il a toujours 6 ans et demi. Entre la date de son enlèvement et ses 15 ans, j’ai comme un trou noir. Quand je l’ai retrouvé, c’était un ado. Aujourd’hui, je fais tout pour qu’il soit bien et heureux et j’essaie de me reconstruire moi aussi, même si je sais que je ne pourrai jamais effacer ces 9 années perdues. Son père a fini par être jugé en France pour abandon de famille et enlèvement d’enfant, il a été déchu de son autorité parentale, condamné à 3 mois de prison ferme pour abandon de famille et 18 mois dont 12 fermes pour soustraction d’enfant mineur… des peines qui n'ont jamais été exécutées évidemment.

Propos receuillis par Bérengère Canteloup