En Italie, sabotages en série contre le chantier du TGV Lyon-Turin

Le ministre des transports a qualifié d’actes « terroristes » les mystérieux incidents visant le réseau ferré italien.

Par Publié le 26 décembre 2014 à 00h13 - Mis à jour le 19 août 2019 à 13h56

Temps de Lecture 3 min.

Le procureur du parquet de Bologne est prêt à y passer toutes les fêtes s’il le faut, « pour donner un visage à ces lâches ». Mercredi 24 décembre, une bonbonne de gaz a été retrouvée sur la voie ferrée à mi-chemin de Bologne et Modène (Emilie-Romagne). Cette trouvaille n’aurait rien d’inquiétant si, la veille, un incendie volontaire dans un centre d’aiguillage du même secteur n’avait causé d’importants retards sur les lignes à grande vitesse entre Naples et Milan.

Des militants contre la ligne de TGV Lyon-Turin, le 17 décembre 2014, à Turin.
Des militants contre la ligne de TGV Lyon-Turin, le 17 décembre 2014, à Turin. MARCO BERTORELLO/AFP

Ce sabotage était lui-même le dernier d’une longue série. Le 2 décembre à Florence (Toscane), un cocktail Molotov est découvert dans un chantier fermé de la gare de Santa-Marta. Le 16, à Turin (Piémont), une bouteille explosive est lancée contre un camion d’une entreprise travaillant sur la future ligne de TGV entre Lyon et Turin ; le 18, deux autres cocktails Molotov sont repérés au bord des voies par le conducteur d’un train Turin-Milan ; enfin, le 20, deux engins incendiaires explosent dans un tunnel près de Florence.

Pour les enquêteurs, tous ces faits « sont reliés », même s’ils n’ont encore aucune preuve. Les recherches auxquelles participent des agents de la Division des investigations générales et opérations spéciales (Digos) se concentrent sur les milieux anarchistes. Plusieurs perquisitions ont eu lieu, pour l’instant sans résultat. « Pour les saboteurs, il s’agit d’obtenir le maximum d’efficacité en prenant un minimum de risque, confie un policier. Les auteurs de ces attentats voulaient couper l’Italie en deux. » Bologne est le point de passage obligé de tout le trafic ferroviaire entre le sud et le nord de la Péninsule.

« Diversification »

En revanche, carabiniers, magistrats et forces spéciales sont persuadés que ces sabotages, qui n’ont fait aucune victime, sont liés aux travaux de construction de la ligne de TGV Lyon-Turin. Depuis plusieurs années, ce projet pharaonique entre l’Italie et la France suscite une opposition toujours vive de la part de certains riverains. Aux écologistes pacifistes de la première heure se sont joints des éléments plus incontrôlés. Le percement d’un premier tunnel de descenderie à Chiomonte, dans le val de Suse, a provoqué des manifestations parfois violentes.

Alors que le chantier s’enfonce chaque jour plus profondément dans la terre, hors d’atteinte des jets de pierres qui visent les ouvriers, et que le froid de l’hiver décourage les rassemblements de masse, les enquêteurs estiment qu’ils ont à faire à « une diversification » de la lutte des opposants au TGV.

Mais, dans un pays où la mémoire de la violence politique, de gauche comme de droite, pendant les « années de plomb » est toujours vive, ces incidents ont aussitôt réveillé un vieux débat. Un incendie d’un poste d’aiguillage relève-t-il du terrorisme ou pas ? Ministre des transports, Maurizio Lupi (droite) n’a pas hésité à commenter : « Il arrive ce que j’ai toujours redouté : un acte terroriste contre le chantier du TGV. L’incendie criminel de Bologne en est un. » Une affirmation forte alors que le pays commémore l’attentat d’origine mafieuse contre un train qui, le 23 décembre 1984, avait coûté la vie à dix-sept personnes.

Aussitôt, le premier ministre, Matteo Renzi, a recadré son ministre : « Nous analysons la situation. Mais je ne voudrais pas évoquer les paroles du passé. Ce qui est certain, c’est qu’une série de sabotages est en cours contre des ouvrages liés au TGV. » De son côté, prudent, le ministre de l’intérieur, Angelino Alfano (droite), se contente d’affirmer que « ceux qui s’opposent au TGV n’intimideront pas l’Etat. Le gouvernement et le pays n’ont pas peur ».

Question de vocabulaire ? Pas seulement. Le parquet de Turin avait réclamé neuf ans de prison contre quatre hommes accusés de terrorisme après avoir donné l’assaut, en mai 2013, au chantier de la ligne Lyon-Turin, à Chiomonte. Le 18 décembre, le tribunal les a condamnés à trois ans et demi, requalifiant leur délit en « détention d’armes de guerre » et « dégâts suivis d’un incendie ».

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