
Samedi 8 décembre, ils se sont donné rendez-vous dans le centre de Turin, pour ce qui ressemble fort à un match retour. Les associations opposées au chantier de train à grande vitesse Lyon-Turin (TAV), qui contestent ce grand projet européen qui doit rapprocher la capitale du Piémont de la troisième ville de France, ont besoin de se compter et de remobiliser leurs troupes. Tout se passe comme si, à Turin, après trois décennies de mobilisation, ils étaient en train de perdre la bataille de l’opinion.
Rassurés par la promesse d’une remise à plat du chantier, qui figure noir sur blanc dans le contrat de gouvernement conclu, fin mai, entre la Ligue (extrême droite) et le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), et la présence au poste de ministre des transports de Danilo Toninelli, une figure du M5S, historiquement opposée au projet, les « no-TAV » se sont retrouvés confrontés à un phénomène inattendu : la naissance d’un mouvement de défense du chantier, qui a choisi lui aussi d’occuper l’espace public. Quatre semaines plus tôt, le 10 novembre, ils étaient 30 000 à 40 000 personnes, dans le centre de la ville, pour ce qui était apparu à la fois comme un large rassemblement des populations locales et la première mobilisation d’ampleur contre le gouvernement Conte.
Lancé en réaction à une résolution du conseil municipal déclarant Turin « commune No-TAV », sans le soutien officiel d’un syndicat ou d’un parti politique et autour du simple mot d’ordre « si, Torino va avanti » (« oui, Turin avance »), le rassemblement a rencontré un succès d’une ampleur inespérée, au point de réveiller en ville le souvenir de la « marche des 40 000 », une manifestation de 1980 contre les excès d’un mouvement de grève de la FIAT que les historiens considèrent aujourd’hui comme un tournant dans l’histoire de la ville, en même temps que le début de la fin du Parti communiste italien.
Attente du résultat d’une « analyse coûts-bénéfices »
Depuis le succès de la manifestation du 10 novembre, la pression sur le M5S, dont l’opposition au chantier est un des marqueurs historiques, n’a pas diminué. Lundi 3 décembre, le dirigeant de la Confindustria, l’équivalent italien du Medef, a appelé le président du Conseil, Giuseppe Conte, à « convaincre son vice-premier ministre, [Luigi Di Maio, dirigeant politique du mouvement] ou à démissionner ». Une offensive qui a forcé le M5S, soudain conscient de son isolement, à tendre la main aux partisans du projet en lâchant un peu de lest.