SNCF : Le Sénat fait les yeux doux aux cheminots

La commission des lois examine ce mercredi les amendements à la réforme ferroviaire. Plusieurs d’entre eux répondent partiellement aux demandes des syndicats les plus modérés. Une stratégie destinée à les amener à cesser la grève.
Cette semaine sera-t-elle celle du changement de cap pour le conflit de la SNCF, qui a débuté il y a maintenant sept semaines ? Ce mercredi, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat examine 169 amendements au texte de loi sur la réforme ferroviaire. Un certain nombre d’entre eux comportent des avancées destinées à amener progressivement les syndicats les plus modérés vers une fin de la grève. Vendredi, Edouard Philippe, après avoir reçu les syndicats, devrait se fendre de quelques annonces sur la reprise par l’Etat d’une partie de la dette de la SNCF. Il pourrait également ajouter une rallonge d’investissement sur le réseau ferré afin d’en accélérer la rénovation.
Entretemps, la direction de la SNCF aura dévoilé son agenda sur les négociations sociales pour les semaines à venir. Trois séquences savamment orchestrées pour un même objectif : sortir du conflit, alors que le onzième épisode de la grève par intermittence est programmé ces mercredi et jeudi.
Solution médiane
Le gouvernement, comme la direction de la SNCF, mise sur l’Unsa et la CFDT, respectivement deuxième et quatrième forces syndicales de l’entreprise, pour mettre fin aux arrêts de travail. Dès la semaine dernière, ces deux organisations ont poussé la porte du Sénat afin de faire entendre leurs propositions. L’un des points les plus sensibles de cette loi demeure les conditions de transfert des cheminots lorsque, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, la SNCF perd l’exploitation d’une ligne au profit d’un nouvel opérateur. Jusqu’à présent, le gouvernement exigeait le transfert obligatoire des cheminots et l’impossibilité d’un retour à la SNCF au cas où les ex-agents de l’entreprise publique seraient déçus par leur expérience avec leur nouvel employeur. Les syndicats demandaient le contraire : un changement d’entreprise sur la base du volontariat et la possibilité de faire machine arrière.
Après moult discussions, le Sénat a imaginé une solution médiane. La dernière rédaction des amendements prévoit deux cas de figure : lorsqu’un cheminot est affecté à plus de 50 % de son temps de travail sur une seule et même ligne régionale, il devra obligatoirement être transféré vers le nouvel exploitant. En revanche, s’il occupe moins de la moitié de son temps de service sur une liaison et le reste sur d’autres lignes du type Intercités ou TGV, il aura alors le choix de quitter la SNCF ou d’y rester. Ce deuxième cas de figure concernerait une majorité de conducteurs de trains. Quant à ceux qui regretteraient leur transfert, un autre amendement prévoit pour eux un droit au retour à la SNCF au bout de trois ans, à condition toutefois qu’un emploi de même type soit disponible dans leur entreprise d’origine.
Enfin, le Sénat a également prévu de garantir à tous les cheminots transférés le maintien de leur salaire net tel qu’il est versé par la SNCF. Selon le sénateur Hervé Maurey (Union centriste) qui préside la commission chargée du texte sur la SNCF, «ces amendements ont été accueillis de manière favorable par la CFDT et l’Unsa», ce qui le conduit à imaginer «une possible sortie de crise» emmenée par ces deux syndicats.
Dates tests
Les organisations les plus réformistes, elles, pourraient cependant attendre le vote définitif de la loi qui n’interviendra pas avant le début du mois de juin. Ce qui signifierait encore plusieurs jours de grève, jusqu’aux 7 et 8 juin, qui constitueront les véritables dates tests. D’ici là et pour faire pencher la balance, Edouard Philippe devrait avoir annoncé les conditions et le montant de la reprise de la dette de la SNCF. Les pronostics donnent une somme de 35 milliards réintégrée en deux temps dans les comptes de l’Etat, mais en échange d’un plan d’économie de plusieurs centaines de millions pour la SNCF.
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