18 h 11 – Tann’s
Stupéfaction hilare au sous-sol du Palais des Festivals, chez les journalistes fraîchement extraits d’un TGV surclimatisé et venus récupérer leurs accréditations chamarrées, décernées comme de tradition avec l’emblématique sac du festival contenant programmes, infos pratiques et bloc-notes sponsorisé. Ces dernières années, il s’agissait d’une simple besace plastifiée, très normcore. Nouveauté de cette édition, on nous remet un Tann’s, ou plutôt quelque chose qui s’en approche : un petit cartable bleuté, en faux cuir, qui rappelle très vaguement l’enfance, les cahiers d’histoire-géo et les stylos-plumes qui coulent au fond. Au-delà du look ridicule, on note son manque d’aspect pratique. Pourquoi deux fermoirs en laiton ? Un seul suffirait. Surtout, ce Tann’s version Paca 2015, pose une autre question. Comment le porter ? D’une seule main, comme un mignonnet CE2 ? Des deux pognes, comme Bernadette Chirac avec son Chanel ? Ou bien en bandoulière ? Sur cette dernière option, mercredi matin, à la newsroom Libé, deux membres de la rédaction ont ainsi passé une demi-heure à tenter d’ajuster la bande à la bonne longueur. C’est commode.
00 h 04 – Crêpage
Début de bagarre en terrasse d’un bouge à burgers de la rue d’Antibes, deux attachées de presse, connues des intimes respectivement comme «la Duchesse rouge» et «la Bourgeoise rouge». L’une, entre deux remontrances à une consœur d’un grand quotidien du soir : «Je prends tout le monde ici à témoin que je respecte toujours le point de vue des journalistes.» L’autre, ulcérée, lui coupe la parole : «Ah non, tu ne peux pas dire ça, il y a vraiment des opinions qu’on ne respecte pas !»
01 h 44 – Autodafé
Indignation dans la meute de soiffards badgés en mal d’open-bar qui se massent, en cette veille d’ouverture officielle, devant le rade mythique Le Petit Majestic (le seul vrai dive bar du centre-Cannes). A la découverte de la une de la semaine du nouveau numéro de Charlie Hebdo, laquelle figure un Apéricube géant surmonté d’une choucroute blonde censé figurer Catherine Deneuve, un critique, qui vit depuis des décennies dans l’indécrottable délire d’être le rejeton de la reine Catoche, initie un autodafé de produits dérivés «Je suis Charlie».
11 h 15 – Banane
Tension au restaurant du Martinez : alors que notre entretien au pas de course avec les frères Coen touche à sa fin, encore faut-il leur arracher un portrait (et, pourquoi pas, une risette). Pressé par l’organisation du Festival qui exige une «prise de vue effectuée rapidement», l’aventureux portraitiste Fred Stucin, coincé entre la broche à rôtisserie et l’argenterie, glisse les deux cinéastes au coin d’une table, sur fond boisé, façon reportage sur les dessous peu reluisants de la restauration cannoise. Malgré les papouilles de notre bienveillant photographe, il n’y a définitivement pas grand-chose à en tirer (à par la gueule).
17 h 22 – Trouvaille
Sidération alors que nous apprenons par le compte Twitter du Festival les déclarations de Rokia Traoré lors de la conf de presse du jury : «Nous allons voir tous ces films et passer des moments privilégiés.» Etre dans le jury et voir tous les films, et puis quoi encore ?
19 h 05 – Moche
Vent de perplexité à la lecture de l’édition quotidienne de la revue professionnelle Screen, où un encart de réclame signale la projection cet après-midi dans le secret du marché du film d’un film intitulé «You’re Ugly Too» («T’es moche aussi», dans la langue de Kendji). Prévoir une sortie prochaine sur les écrans français sous le titre «Ugly Therapy».