
Sur la question épineuse de la préservation des abeilles et des pollinisateurs, la Commission européenne et les Etats membres doivent revoir leur copie : celle-ci ne « correspond pas aux évolutions les plus récentes des connaissances scientifiques et techniques ».
Mercredi 23 octobre, le Parlement européen a adopté à une écrasante majorité (533 pour, 67 contre et 100 abstentions) une objection à la réforme des principes d’évaluation des risques environnementaux que présentent les produits phytosanitaires. Celle-ci avait été adoptée cet été en comité technique par les Etats membres, sur proposition de Bruxelles.
Cette réforme ignorait l’essentiel des recommandations de l’agence officielle d’expertise de l’Union européenne (UE) – l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) – qui demande, depuis 2013, un renforcement drastique des conditions réglementaires de mesure des risques que les pesticides font peser sur les abeilles domestiques et les insectes pollinisateurs.
« Pas de législation au rabais »
« En nous opposant à des critères d’évaluation bien trop faibles relatifs à la dangerosité des pesticides pour les abeilles, nous avons voulu poser une question simple : sommes-nous sérieux à propos de la protection de l’environnement ? Sommes-nous sérieux à propos de la protection du vivant ? Sommes-nous sérieux avec le Green Deal ?, a déclaré l’eurodéputé français Pascal Canfin (Renew Europe), président de la commission environnement du Parlement, à l’origine de la motion. Le résultat est très clair : nous ne voulons pas d’une législation au rabais pour la protection des abeilles. Nous demandons à la Commission de revoir sa copie, et de nous présenter une législation qui écarte les pesticides les plus dangereux pour les pollinisateurs. »
Pour comprendre, il faut savoir que les tests réglementaires destinés à évaluer les risques des pesticides sur les abeilles – tests préalables à leur autorisation – sont fortement critiqués par la communauté scientifique compétente depuis le début des années 2000.
En 2012, l’EFSA a fait plancher un groupe de chercheurs académiques sur le sujet. Leur avis, publié en mai 2012, était accablant : pas de tests de toxicité chronique sur l’abeille domestique, ni sur les individus adultes, ni sur les larves, pas de prise en compte des modes d’exposition au pesticide autres que le pollen et le nectar (poussières de semis, eau de guttation des plantes), aucun test exigé sur d’autres espèces pollinisatrices importantes (bourdons, abeilles solitaires), non prise en compte des effets des mélanges avec d’autres produits, non prise en compte d’effets synergiques avec les pathogènes communs de l’abeille, tests en plein champ n’évaluant l’effet d’un traitement pesticide que sur un dix-millième de la superficie visitée par une butineuse, etc.