Les deux sources de l’individualisme __________________________________________________________________ -- * Lumières * individualisme * occident -- L’individualisme occidental est souvent considéré comme une réalité homogène et unique : celle d’un être rationnel que les Lumières -- end appui principalement sur Louis Dumont, sur ses Essais sur l’individualisme et ses travaux sur l’Inde. On se souvient que, pour Dumont, l’individualisme s’oppose au holisme. Une société holiste serait une société au sein de laquelle règne « un ensemble social de -- concepts moins abstraits et classificateurs que les nôtres » (p. 42). Les catégories de l’individu et de l’individualisme produiraient la destruction même des individus dans la société ! -- d’imposer au reste du monde l’image d’une supériorité incontestable, y compris le racisme. L’histoire de l’individualisme occidental ne peut pas être ainsi reconstruite après coup comme une sorte de complot contre le reste du monde, c’est ignorer par exemple tous les débats internes à la « gauche » sur la question de l’individualisme. Lire la nouvelle édition de l’Essai sur l’individualisme, d’Eugène Fournière, publié la première fois en 1908 [1], permet de rompre avec l’idée soutenue par Emmanuel Lozerand que l’individualisme occidental ne serait qu’un préjugé. La défense de « l’individualisme intégral » comme objectif du « socialisme intégral », reprenant Jaurès pour qui « le socialisme c’est l’individualisme logique et complet » [2] ne me semble pas devoir être rangé dans une telle catégorie. -- erreur, fréquente, vient de la non-distinction entre deux formes de l’individualisme en Occident : l’un valorisant l’identité intime, l’originalité, le Moi, et l’autre valorisant la Raison. Du fait de -- l’individu. On s’en rend compte en relisant pour exemple l’article de Durkheim sur « Les intellectuels et l’individualisme » [3]. Pour Durkheim, partisan de la Raison et de l’individualisme « abstrait », doit être refusée « la glorification du Moi ». Il faut rechercher au -- celle portant sur la place de Louis Dumont dans la pensée sur l’individualisme occidental. Rien ne démontre, jusqu’à preuve du contraire, que la pensée de Dumont puisse servir à résumer en quelque sorte la pensée sur l’individu en Occident. L’opposition entre l’individualisme et le holisme ne recoupe pas l’opposition entre la société et la communauté que propose Tönnies et qui est la référence -- L’individu de l’individualisme occidental s’oppose à d’autres formes d’individus, et non pas à la communauté. Or Dumont contribue à -- géographiques, contrairement à bon nombre d’ouvrages sur l’individualisme où la comparaison est historique. A l’intérieur de l’Occident, il est possible d’affirmer qu’il y a un accroissement du -- la massification de l’individu en Occident. Or est-ce que ces deux individualismes sont à l’œuvre pour les Renonçants ? Est-ce que ces derniers recherchent les lumières de la Raison ou encore l’originalité -- conception de l’individu en Occident, sans doute davantage le versant « rationnel » de l’individualisme, la version de l’individu souverain, et donc émancipé. C’est par exemple celle de Jaurès. Attaqué parce -- l’intériorité et de l’authenticité. Là aussi, pour cet autre individualisme, doit exister un écart entre les apparences, les rôles sociaux et le moi caché au fond de soi. Ce deuxième type d’écart – -- prononcée en 1914 à l’École des Pairs dont la traduction française a pour titre « Mon individualisme » [5]. Il y affirme qu’auparavant il reprenait les idées des autres, il ne forgeait pas par ses propres -- dessine ainsi, au-delà des figures extrêmes du dépouillement total, un individualisme modéré qui sait articuler les rôles sociaux et la quête de soi, renonçant en quelque sorte aux illusions d’un soi « plein », -- Un deuxième point de friction concerne la « place de Louis Dumont dans la pensée sur l’individualisme occidental ». « Rien », dit en effet de Singly, « ne démontre que [cette] pensée puisse servir à résumer la -- aujourd’hui une référence majeure. Un ouvrage important, L’Individualisme est un humanisme (Éditions de l’Aube, 2005, réédité en 2015), recourt ainsi constamment à l’opposition individualisme / holisme, en se référant explicitement à Dumont, et sans jamais utiliser -- faut choisir. Ne cherchant pas à dresser un panorama de l’individualisme occidental, je n’ai pas jugé utile de m’y référer. Je peux donc difficilement faire preuve de la « confusion de pensée » qui -- François de Singly, « Les deux sources de l’individualisme », La Vie des idées , 10 avril 2015. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Les-deux-sources-de-l-individualisme. html -- [1] E. Fournière, 2009, Essai sur l’individualisme, éd. Le Bord de l’eau, avec une introduction de P. Chanial. -- [5] Sôseki, 2004, Mon individualisme, Rivages, Paris. __________________________________________________________________