Faut-il brûler l’individualisme ? -- La tradition anarchiste compte un grand nombre de tendances et de courants — parfois en opposition — en son sein : l’individualisme libertaire (ou anarcho-individualisme) s’avance comme l’un d’entre d’eux. « L’individualiste libertaire reste à distance, hors des clous, -- Le XXI^e siècle est souvent présenté comme l’acmé de l’individualisme, comme le couronnement de l’individu-roi. Rien de plus exact : la -- intellectuellement peu regardants. Car ce que l’époque choie, ce que le marché cajole n’est pas l’individualisme mais l’égocentrisme, le nombrilisme, le narcissisme, l’égoïsme qui engendre la rivalité, le -- Le premier grand affirmateur de l’anarcho-individualisme français est d’ailleurs Anselme Bellegarrigue. Ce que le Gersois nomme son « individualisme cru » est une affirmation forte, un credo puissant : « Je suis anarchiste, c’est-à-dire homme de libre examen, huguenot -- « protestation contre toute suprématie ». Sa conception de l’individualisme est incompatible avec la domination car « nul n’est plus haut que tous ; nul n’est en-dehors du droit commun ». L’Un -- Cette revendication d’un individualisme attentif et fraternel se retrouve au XX^e siècle chez de nombreux auteurs libertaires. Un exemple, parmi de nombreux, est donné par Manuel Devaldès qui distingue l’individualisme anarchiste, tourné vers autrui, de l’égoïsme arrogant, qui méprise l’autre : « Alors que l’individualisme libertaire, l’individualisme réel, donne des armes aux faibles, non de manière à ce que devenus forts ils oppriment à leur tour les individus demeurés plus faibles qu’eux, mais de telle façon qu’ils ne se laissent plus absorber par les plus forts ; le prétendu individualisme bourgeois ou autoritaire s’efforce uniquement de légitimer par d’ingénieux sophismes et une fausse interprétation des lois naturelles, les actions de la violence et de la ruse triomphantes. » L’individualisme libertaire est célébré au fil du temps, par Bellegarrigue et Déjacque, par Zo d’Axa et -- Je dirais qu’il est possible d’en retenir trois. 1) L’individualisme libertaire n’est pas le nihilisme. Il n’affirme pas l’Un contre tous -- sur ses rivaux. La confusion entre les deux figures est souvent entretenue, à tort. Politiquement, alors que l’individualisme est porté par le libertarisme anarchiste, l’égoïsme est soutenu par les pratiques néolibérales. 2) L’individualisme est émancipateur. Le sujet est constructeur de lui-même, par lui-même et par les autres. Il est -- un travail sur soi, long, exigeant, permanent. Et, enfin : l’individualisme est fraternel. La question du rapport de l’individu à l’autre, à la société, est un nœud gordien du libertarisme. Certains -- enrichissement réciproque. Pour emprunter les mots de Devaldès, « avec l’individualisme libertaire, l’individu, enfin irréligieux, n’a plus à s’immoler à l’association, puisqu’il n’y participe que dans la mesure -- Vous parlez de Stirner. Alain Jouffroy a avancé, dans De l’individualisme révolutionnaire, qu’il condamnait à l’impuissance, par son égotisme fou. Vous refusez, quant à vous, d’y voir seulement -- « Stirner et, avec lui, tous les révoltés nihilistes courent aux confins, ivres de destruction. » L’individualisme stirnerien mènerait donc, selon le philosophe, à la terreur anarchiste : « Sa descendance -- Et puis, pardon de me citer, mais j’écris, dans le Dictionnaire de l’individualisme libertaire, que « Être stirnerien implique la validation de certaines de ses idées, la réfutation d’autres, la -- avec une force également puissante, que Stirner affirme la nécessité de l’Autre : « Comme l’individualisme est le fait primordial de l’humanité, l’association en est le terme complémentaire. » Il définit l’individualisme comme attaché à son indispensable auxiliaire, l’association avec les autres. Mais une association de libre choix. De -- Et, enfin, l’individualisme libertaire. Il note en 1848 : « L’individualisme […] c’est l’affranchissement, la grandeur, la noblesse ; c’est l’homme, c’est le peuple, c’est la liberté, c’est la -- qu’en 1899. L’Allemand n’a pas pu influencer le Français (et réciproquement). Et puis leur individualisme n’est pas de même nature. Celui de Bellegarrigue est « une protestation contre toute -- intérêt est égal à celui de qui que ce soit. » Anselme développe un individualisme fraternel quand Max Stirner veut imposer un égoïsme absolu. La question de la violence, individuelle ou de masse, traduit, -- Si Anselme considère que le collectivisme imposé est réducteur tandis que l’individualisme est épanouissant, c’est parce que la société émancipée résulte du choix associatif d’individus libres et non