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L’Église contre le choix des femmes

Avortement, l’obscurantisme polonais

Face à la mobilisation massive des Polonaises début octobre, le parti au pouvoir Droit et justice (PiS) a renoncé à étendre l’interdiction de l’avortement aux cas de viol ou de malformation du fœtus. Mais, soumis à la pression des militants catholiques et de l’Église, le pays demeure, avec l’Irlande, le plus restrictif d’Europe.

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Ela Tom. — Sans titre, 2011

«C’était le 2 janvier. La dame qui devait nous emmener était encore ivre du réveillon du Nouvel An. Un homme conduisait à sa place, elle lui indiquait le chemin. Nous étions trois à l’arrière, serrées dans cette voiture en si mauvais état, qui empestait l’alcool et où nous ne pouvions pas ouvrir les fenêtres. » Comme des milliers d’autres Polonaises, Marta Syrwid, 30 ans, a effectué ce voyage pour aller avorter dans une clinique privée en Slovaquie, pour 2 000 złotys (environ 460 euros). Journaliste au quotidien Gazeta Wyborcza, elle a fait le récit de cet épisode pénible en janvier 2016 .

Alors que l’interruption volontaire de grossesse (IVG) était autorisée et gratuite entre 1956 et 1993, la Pologne dispose maintenant de l’une des législations européennes les plus restrictives. Seules trois exceptions sont prévues : en cas de risque pour la santé de la mère ; en cas de malformation ou de maladie du fœtus ; à la suite d’un viol ou d’un inceste. Et, même dans l’une de ces trois situations, le chemin est semé d’embûches : « Quand une femme a théoriquement droit à un avortement légal et gratuit dans un hôpital public, elle n’y a souvent pas accès pour de multiples raisons », explique Mme Krystyna Kacpura, directrice de la Fédération pour les femmes et le planning familial (Federa). La majorité des médecins invoquent la clause de conscience, quand ils ne font pas traîner la procédure afin d’empêcher l’intervention dans la durée légale de vingt-deux semaines. Ils demandent des examens supplémentaires et n’informent pas les patientes de leurs droits, alors qu’ils en ont l’obligation. « Pis, ajoute Mme Kacpura, ils exercent une pression psychologique pour les faire changer d’avis. Ils minimisent les risques de maladie grave du fœtus en leur disant : “Certes, votre enfant a une malformation au cerveau, mais regardez, ses jambes bougent.” » Eux-mêmes, précise-t-elle, « ont peur d’être stigmatisés. Certains ont eu leur voiture vandalisée. Sur Internet, on peut lire : “N’allez (...)

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Audrey Lebel

Journaliste.

(1Marta Syrwid, « Polki jadą po aborcję na Słowację », Gazeta Wyborcza, Varsovie, 28 janvier 2016.

(2Lire Cédric Gouverneur, « Le carburant social de la droite polonaise », Le Monde diplomatique, mars 2016.

(3Plate-forme internationale créée en 2006 aux Pays-Bas par Mme Rebecca Gomperts pour aider les femmes des pays où l’avortement est illégal, www.womenonweb.org

(4Selon le site spécialisé Wynagrodzenia.pl

(5Lire Violaine Lucas et Barbara Vilain, « Le meilleur de l’Europe pour les femmes », Le Monde diplomatique, mai 2008.

(6Il a dirigé l’ouvrage collectif La Pologne, Fayard-CERI, Paris, 2007.

(7Le prénom a été modifié.

(8Agence France-Presse, 3 octobre 2016.

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