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    Smartphones

    La loi des Siri

    Par Gabriel Siméon (mis à jour le )
    Les principales interfaces intelligentes appartiennent à des multinationales américaines.
    Les principales interfaces intelligentes appartiennent à des multinationales américaines. Norman Konrad

    Apple a présenté mercredi une version améliorée de son outil d’assistance vocale. «Libé» recense ses rivaux.

    «Je voulais juste entendre ta voix et dire à quel point je t’aimais», lance Samantha, l’intelligence artificielle, au héros à moustache du film Her de Spike Jonze (2013). OK, nous sommes encore loin d’assister à une telle scène dans la vraie vie. Mais les futurs ancêtres de Samantha sont déjà là. Ils ont moins de 5 ans et s’appellent Siri, Alexa, Cortana, Watson, «M» ou Now. Ces assistants, que les propriétaires de smartphones connaissent bien, permettent de trouver rapidement un restaurant, régler le réveil ou envoyer un SMS d’anniversaire. «Grâce à l’explosion de la capacité de calcul et de la mémoire disponible des machines, ils sont enfin réalisables à une vitesse intéressante», observe Mathieu Lafourcade, spécialiste du traitement informatique du langage naturel à l’université de Montpellier.

    Leurs facultés restent très limitées, mais elles croissent à bon rythme. D’autant que la nouvelle génération de «super-assistants» apparaît déjà dans leur sillage - ceux de SoundHound et Viv Labs.

    Alors qu’Apple a présenté mercredi soir ses iPhone 6 et 6S, un nouvel iPad ainsi qu’une version améliorée de son outil d’assistance vocale (il sera désormais possible de s’adresser à Siri afin de contrôler sa télévision connectée et faire des recherches en ligne), un détail nous interpelle : les principales interfaces «intelligentes» existantes appartiennent toutes à des multinationales américaines.

    Les «Gafa» (Google, Apple, Facebook, Amazon) et aussi IBM et Microsoft. Surtout qu’un certain mystère entoure la bande à Siri. Sur ces six géants de l’informatique, seuls deux ont répondu à nos sollicitations. Le sujet n’est-il, à leurs yeux, pas une priorité ? Ou ne souhaitent-ils pas s’étaler sur leurs ambitions dans ce secteur ? «Ces assistants analysent votre comportement et enregistrent vos requêtes. Pour l’instant, cela ne pose pas beaucoup de problèmes. Mais le jour où votre assureur aura accès à ces données, ça risque d’être embêtant», pointe Mathieu Lafourcade. Et cette éventualité est bien plus proche que Samantha.

     

    Siri (Apple) : Un fantasme technologique inachevé

    Avec ses 100 millions d’utilisateurs à travers le monde, c’est le plus célèbre des assistants personnels, et aussi le plus moqué. Siri est apparu sur l’iPhone 4S à sa sortie en octobre 2011. «Qui est Barack Obama ?» ou «Rappelle-moi d’appeler le dentiste» sont autant de requêtes auxquelles Siri répond. Mercredi, Apple en a dévoilé une version améliorée. Parmi les nouveautés : «Contacter certaines personnes en fonction de vos habitudes d’utilisation» ou avertir l’utilisateur des «conditions de circulation». La mise à jour suffira-t-elle à remettre Siri en selle ? Passé l’excitation de parler à une intelligence artificielle sur son portable, «l’outil se révèle aujourd’hui lent et un peu décevant», estime Mathieu Lafourcade, de l’université de Montpellier. Face aux questions auxquelles il n’est pas préparé (il en reste beaucoup), il répond souvent par un aveu d’impuissance ou une liste de liens glanés sur un moteur de recherche. La distance Paris-Marseille ? Il répond par une liste de 15 restaurants. OK. Siri est en vérité un fantasme technologique inachevé. Ses créateurs du Stanford Research Institute (Etats-Unis) l’imaginaient en «porte d’entrée d’Internet», d’après le site américain TechCrunch. Racheté par Apple en 2010 pour 200 millions de dollars (180 millions d’euros), un petit groupe est parti fonder Viv Labs pour poursuivre cette ambition. Un futur concurrent de taille.

    Google Now : une recherche à large spectre

    C’est le moins bavard de la bande, mais il sait prendre les devants. A la parole, l’assistant personnel made in Google apparu il y a trois ans préfère les «cartes», des notifications qu’il affiche avec des informations contextualisées susceptibles d’intéresser l’utilisateur : taux de change, rappel d’anniversaire ou de rendez-vous, sortie de film, résultat sportif (la liste est longue). Pour cela, «Now» utilise, via l’application Google Search, l’heure, la localisation et toutes les données personnelles accessibles - de l’agenda à l’historique de recherche. «Ce n’est pas un système intelligent : il se base sur des informations formatées et des recherches web. Mais c’est lui qui a accès au plus grand nombre de données, vu tous les services Google existants», analyse Mathieu Lafourcade de l’université de Montpellier. La requête «Trouve-moi un bar dans le XVIIIe» débouche sur une liste de troquets bien notés, pas forcément en phase avec l’envie mais effectivement dans le XVIIIe parisien. C’est déjà ça. «L’enjeu, c’est la recherche d’informations depuis le mobile. Il faut être performant là dessus, glisse un employé du groupe américain. Et ça passe par un assistant personnel efficace.»

    Watson (IBM) : le médecin du futur ?

    Watson n’est pas un simple assistant : c’est un expert. Le programme d’IBM est sorti de l’ombre en février 2011, en battant plusieurs champions (humains) au jeu télévisé américain Jeopardy - dans lequel il faut retrouver la question à une réponse donnée. Capable de comprendre les subtilités du langage naturel, nourri de millions d’articles scientifiques, de dossiers patients et de résultats cliniques, ce super-logiciel s’est révélé plus efficace qu’un groupe d’oncologues pour diagnostiquer le cancer de la langue (seulement 10 % d’erreur contre 50 % lors de tests menés par l’assureur Wellpoint). Le banquier japonais Softbank et le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme en ont d’autres usages. Des prestations qu’IBM facture à la licence ou au volume de données traitées. «Aujourd’hui, il les aide, mais demain il prendra la décision à la place des médecins», prévient Laurent Alexandre, chirurgien et patron de la société belge de séquençage DNAVision.

    C’est «une catastrophe» pour le philosophe Eric Sadin : «A terme, c’est l’exclusion de l’intuition et de l’appréciation sensible au profit d’une suprématie de l’analyse rationnelle.» Des craintes tempérées par Silvano Sansoni, vice-président d’IBM France : «Watson aide le médecin dans son diagnostic en réduisant les erreurs, et évite de lourds examens. Mais à la fin, c’est l’humain qui décide.»

    M (Facebook) : Branché sur les tendances du Web

    Contrairement à Siri ou Cortana, «M» n’a pas de genre. Depuis fin août, Facebook expérimente chez quelques centaines d’utilisateurs de la baie de San Francisco cet assistant virtuel intégré à son application Facebook Messenger. Il y prend la forme d’une fenêtre de conversation où l’on peut tout demander : «Je vais à Chicago la semaine prochaine et je cherche un super burger. Où dois-je aller ?» Ou encore : «Mes amis vont avoir un bébé. Peux-tu m’aider à trouver un cadeau qui ne soit pas un vêtement ou un jouet ?»

    Comme ses concurrents, le programme comprend le langage naturel. Il serait également très rapide. Mais son principal atout est dans l’accès aux données sociales de Facebook. Quand un morceau de musique, un restaurant ou une vidéo devient populaire, le site le sait. «M» a une autre particularité : lorsqu’il sèche, il délègue la question à des employés de la multinationale. Pour Facebook, c’est un moyen de booster ou retenir le nombre d’utilisateurs de son appli mobile Messenger (ils sont déjà 700 millions actuellement).

    «Une intention mène souvent à une transaction, et c’est une opportunité pour nous d’en faire une source régulière de revenus», expliquait récemment au site Wired David Marcus, vice-président des produits de messagerie chez Facebook. Qui commence, dix ans après sa création, à trouver son modèle économique.

    Alexa (Amazon) : du bruit pour pas grand-chose

    Alexa est la voix qui vous parle à travers Echo, le cylindre connecté de la taille d’un grille-pain conçu par Amazon et commercialisé depuis juin. Dites «Alexa» puis ordonnez pour lancer une musique, interroger votre Google Agenda, créer une liste d’achats ou actionner un objet connecté compatible. Le programme ne sait guère faire plus pour le moment, même si Amazon promet de décupler ses facultés. Contacté, Amazon n’a pas voulu s’exprimer à ce propos. Parce que cet assistant «est beaucoup plus réactif» que son aîné Siri, le New York Times l’a trouvé «bien plus agréable à utiliser». Le quotidien américain en souligne aussi les défauts : «Il est plutôt stupide. Si Alexa était une assistante humaine, vous l’auriez déjà licenciée. «Désolé, je n’ai pas compris la question» est sa réponse préférée, bien qu’elle n’ait pas l’air si désolée.» Si le programme vous désole, il est toujours possible de désactiver le microphone et d’effacer l’historique des conversations, assure Amazon.

    Cortana (Microsoft) : Dotée de sens humains

    «Cortana est naturelle. Elle peut savoir de quelle humeur vous êtes et si vous pouvez être dérangés», assure Bernard Ourghanlian, directeur technique et sécurité chez Microsoft France. Depuis juillet 2014, le géant de l’informatique déploie son «assistante personnelle intelligente» inspirée du jeu vidéo Halo partout où il le peut. Aujourd’hui, Windows Phone et Windows 10. Bientôt, la Xbox One et les app stores d’Apple et de Google. Et plus tard les tableaux de bord des voitures.

    A partir d’une requête écrite ou orale, Cortana s’occupe de régler le réveil, d’appeler untel, de trouver un caviste, etc. Elle dispose aussi d’une liste de blagues. «Lorsqu’elle ne peut pas répondre, elle va sur Bing» , le moteur de recherche «made in Microsoft», indique Bernard Ourghanlian. Classique : les autres assistants virtuels font souvent pareil. «Sauf que Microsoft ne dispose pas des données précieuses qu’offre un réseau social de pointe, à l’inverse de Facebook et Google», souligne Mathieu Lafourcade.

    Quel but Microsoft poursuit-il ? «Doter l’ordinateur des sens humains pour le rendre multitâche», explique Ourghanlian. OK, mais encore ? «Augmenter l’usage de Bing, très faible en Europe aujourd’hui. Pour cela, on a besoin qu’un maximum de terminaux l’utilisent. Sachant que derrière, il y a la possibilité de monétiser la publicité.» On y voit plus clair.

    Gabriel Siméon
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