#Régulation juridique et sociale de la criminalité liée à « l’honneur » en Jordanie et dans les territoires palestiniens occupés Droit et cultures, Numéros Droit et cultures, Documents Navigation – Plan du site Droit et cultures Revue internationale interdisciplinaire Langue du site [Françaiss] OK Accueil > Numéros > 59 > Peines d'adultères (zinâ) > Régulation juridique et sociale d... Accès abonnés Login ____________________ Mot de passe ____________________ (BUTTON) Se connecter (BUTTON) Annuler Recherche___________ (BUTTON) Chercher Sommaire – Document suivant 59 | 2010 : Actualités du droit musulman : genre, filiation et bioéthique Peines d'adultères (zinâ) Régulation juridique et sociale de la criminalité liée à « l’honneur » en Jordanie et dans les territoires palestiniens occupés Legal and Social Regulation of “Honour” Crimes in Jordan and the Palestinian Occupied Territories Nisrin Abu Amara p. 167-190 Résumé | Index | Plan | Texte | Notes | Citation | Auteur Résumés Français English La question de la criminalité faite aux femmes, objet d’une attention médiatique internationale accrue depuis la fin du XX^e siècle, suscite un débat juridique, social et médiatique au Moyen-Orient. Dans cet article est proposée une analyse du débat politique actuel sur ce sujet en Jordanie et dans les territoires palestiniens. Nous verrons que ces évolutions provoquent des polémiques dans lesquelles s’affrontent les activistes en faveur des droits des femmes et les membres conservateurs, généralement hostiles à cette cause. Les différentes initiatives, aidées par une solidarité régionale grandissante et des financements de l’étranger, ont mené à de véritables changements dans ce domaine, par exemple, la loi pour la prévention des violences familiales votée en janvier 2008 par le Parlement jordanien. Néanmoins, la régulation juridique discriminatoire de la sexualité et de la criminalité faite aux femmes continue à privilégier une vision inégalitaire des rapports hommes-femmes au sein du couple et de la famille. Legal and Social Regulation of “Honour” Crimes in Jordan and the Palestinian Occupied Territories The question of crimes against women – the focus of international media attention since the end of the twentieth century – has given rise to legal, social and media debate across the Middle East. This article offers an analysis of the current political debate on this subject in Jordan and in the Palestinian territories. We shall see that these developments have provoked polemics – pitting activists in support of women’s rights against conservatives, who are generally hostile on this question. Various initiatives, aided by growing regional solidarity and foreign funding, have yielded real changes – for example, Jordan’s law for the prevention of family violence, passed by the parliament in January, 2008. Nevertheless, discriminatory regulation of sexuality and of crimes against women continues to privilege a vision of inequality with regard to relationships between men and women as couples and within the family. Haut de page Entrées d'index Mots-clés : droits des femmes, Code pénal, criminalité, honneur, Moyen-Orient Keywords : Middle East, Women’s Rights, Penal Code, Criminality, Honour Haut de page Plan Entre la loi, la coutume et la famille : l’oubli des victimes de viol et des crimes dits « d’honneur » en Jordanie et dans les territoires palestiniens occupés Les crimes dits « d’honneur » Le viol La centralité de la famille dans le débat public sur le Code pénal jordanien Les associations de femmes palestiniennes face à la loi tribale et un système juridique contesté dans un contexte de conflit et de guerre Le Code pénal palestinien La société civile et les institutions étatiques palestiniennes face aux violences faites aux femmes Le débat sur le nouveau projet de Code pénal palestinien (2003) Conclusion Haut de page Texte intégral PDF Signaler ce document * 1 Catherine Warrick, “The vanishing victim: Criminal law and Gender in Jordan”. Law and Society Rev (...) * 2 Le Fond de population des nations unies (UNFPA) estime à 5 000 par an le nombre de femmes victimes (...) 1L’approche juridique vis-à-vis des crimes basés sur le genre, et particulièrement le viol et le crime dit « d’honneur », démontre qu’il s’agit autant d’une question politique que d’un problème relatif à la moralité et à la sexualité féminine1. Par crime dit « d’honneur », on se réfère généralement à l’assassinat ou à la tentative d’assassinat d’une jeune femme par un ou plusieurs de ses proches, suite à une liaison extra-maritale supposée, ou à un comportement social ressenti comme une offense aux valeurs familiales et tribales2. Jusqu’à récemment, les Codes pénaux de nombre de pays du Proche-Orient et d’Europe, permettent de sanctionner légèrement les auteurs de ces crimes, quitte à les exempter de peine (article 340 du Code pénal jordanien). * 3 Ce Code a également été appliqué jusqu’à récemment en Espagne, au Portugal, et en Italie. * 4 Lama Abu-Odeh, “Crimes of Honour and the construction of gender in Arab societies”. In Mai Yamani, (...) 2Cette approche juridique n’est pas l’apanage des pays arabo-musulmans. Les Codes jordaniens, égyptiens, libanais et palestiniens ressemblent, pour des raisons historiques, aux Codes européens dont ils s’inspirent, principalement du Code pénal napoléonien qui n’a été aboli qu’en 1975 (par l’article 17 de la loi 617/75)3. Ainsi, l’article 324 du Code pénal napoléonien facilite la peine de l’époux qui a tué son épouse, dans des circonstances d’adultère : « Pourra bénéficier d’une excuse absolutoire quiconque, ayant surpris son conjoint en flagrant délit d’adultère ou de rapports sexuels illégitimes avec un tiers se sera rendu coupable sur la personne de l’un ou de l’autre de ces derniers, d’homicide ou de lésion non prémédités. L’auteur de l’homicide ou de la lésion pourra bénéficier d’une excuse atténuante s’il a surpris son conjoint avec un tiers dans une attitude équivoque »4. * 5 Ces articles concernent également d’autres pays du Proche-Orient : article 548 en Syrie, article (...) * 6 Nadera Shalhoub-Kevorkian, “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change (...) 3Alors que cet article a été aboli en France suite à la lutte des mouvements féministes, en Jordanie, en Égypte comme en Palestine et au Liban5, le débat sur l’amendement de ces Codes est toujours actuel. En revanche, la permissivité juridique à l’égard des auteurs de ces crimes dans ces pays est renforcée par l’existence d’un système tribal qui tend à réconcilier les familles concernées au détriment des femmes souvent culpabilisées et renvoyées chez leur mari ou dans leur famille d’origine6. 4Ces questions, objet d’une attention médiatique internationale accrue depuis les années 1990, provoquent un débat politique et social, particulièrement en Jordanie. Dans ce pays, les dispositifs juridiques relatifs à ces crimes ont été examinés à plusieurs reprises suite aux pressions des ONG jordaniennes et au soutien de la famille royale, et ils ont été réexaminés par les députés du Parlement jordanien en juin 2009, en vue d’un amendement possible. * 7 Cet article est fondé, en partie, sur ma thèse de doctorat : Du fait divers au débat public : Rep (...) 5Dans cet article je proposerai une analyse du débat politique actuel sur ce sujet, en Jordanie et dans les territoires palestiniens, à partir d’une présentation critique des dispositifs juridiques et du Code pénal de ces pays. Cette analyse concerne essentiellement le discours des différents acteurs qui jouent un rôle central dans ce débat : l’État, les ONG de femmes et les membres conservateurs de ces sociétés7. * 8 Michael Dumper, The future for Palestinian refugees: toward equity and peace, Boulder (Colo.), L. (...) * 9 Stéphanie Latte Abdallah, Femmes réfugiées palestiniennes, Paris, Presses Universitaires de Franc (...) * 10 Dans cet article, nous nous référons plutôt à la Cisjordanie où le Code pénal est inspiré du Code (...) * 11 Asma Khadr, La loi et l’avenir des femmes. Jerusalem, Women’s Center for Legal Aid and Counsellin (...) 6Deux remarques importantes s’imposent lorsqu’on parle de la Jordanie et des territoires palestiniens. Tout d’abord, ces deux pays présentent de nombreuses similitudes du point de vue culturel et juridique, du fait de leur proximité géographique et de leur histoire commune. La Jordanie a ainsi reçu de nombreux refugiés palestiniens lors des différentes étapes du conflit israélo-palestinien, à partir de la guerre d’indépendance de 19488, ces refugiés vivant souvent dans des camps défavorisés sur le plan économique et social. Comme Stéphanie Latte Abdallah l’a montré, les valeurs familiales de « l’honneur » de la famille ont été renforcées dans ce contexte de guerre et d’exil conséquemment à la perte de la terre9. En deuxième lieu, dans les territoires palestiniens10, le conflit israélo-palestinien constitue un obstacle majeur à une évolution indépendante du système juridique qui se trouve dans un état de construction et de déconstruction perpétuelle11, ce qui est également attribué aux fractions qui divisent les partis palestiniens. * 12 Depuis 2003,le réseau régional nommé « Salma » – qui renvoie à un prénom féminin évoquant la paix (...) 7Néanmoins, les changements récents sur la scène sociale et politique de ces deux pays suggèrent des transformations du système juridique, en vue d’une pénalisation plus sévère des auteurs des crimes faits aux femmes. Ces évolutions provoquent des polémiques dans lesquelles s’affrontent les activistes en faveur des droits des femmes et les membres conservateurs, généralement hostiles à cette cause. Les acteurs principaux de ce débat sont les membres des associations, notamment l’Union des femmes jordaniennes, l’ONG palestinienne pour les droits de femmes (WCLAC), des avocats comme Asma Khadr – militante jordanienne d’origine palestinienne, active notamment avec des ONG palestiniennes. Aidées par une coopération régionale grandissante et des financements provenant de sources européennes, ces militantes tentent d’imposer leur point de vue en proposant des amendements, se fondant sur les droits humains et sur les conventions internationales dont la Convention pour l’abolition de toutes les discriminations contre les femmes12. 8Avant d’entrer dans le fond de ce débat, présentons d’abord les fondements des dispositifs juridiques concernant les crimes dits « d’honneur » et le viol en Jordanie et dans les territoires palestiniens. Entre la loi, la coutume et la famille : l’oubli des victimes de viol et des crimes dits « d’honneur » en Jordanie et dans les territoires palestiniens occupés * 13 Asma Khadr, La loi et l’avenir des femmes, Jérusalem, Women’s Center for Legal Aid and Counsellin (...) 9Le Code pénal jordanien, appliqué aussi en Cisjordanie, se fonde en partie sur le Code français et sur le Code pénal ottoman. Il est fondé sur une conception conservatrice de la moralité et de la sexualité qui se traduit par une répression inégale des comportements sexuels masculins et féminins subversifs. L’incrimination de l’adultère constitue un exemple édifiant, car l’adultère des hommes et des femmes fait l’objet d’une peine discriminatoire. En Jordanie et en Cisjordanie, l’infidélité de l’épouse est sanctionnée plus sévèrement : de six mois à deux ans de prison, alors que l’homme infidèle bénéficie d’une peine moins lourde : de trois mois à un an de prison13. Ce dispositif contient une autre règle discriminatoire car l’adultère de l’homme n’est jugé que s’il a lieu dans le foyer conjugal. En effet, ce dispositif fait partie de l’héritage du Code pénal français napoléonien, par l’intermédiaire du Code ottoman. L’article 337 du Code napoléonien attribuait à l’épouse adultère une peine de trois mois de prison jusqu’à deux ans, alors que l’homme était puni d’une amende, seulement dans le cas où l’adultère était pratiqué au domicile conjugal (article 339 du Code napoléonien). Les crimes dits « d’honneur » 10Confrontés aux assassinats liés à « l’honneur » de la famille, certains juges en Jordanie comme en Cisjordanie, attribuent une exemption de peine ou une réduction de peine aux auteurs de ces crimes, conformément à l’article 340 du Code pénal jordanien (numéro 16, 1960) qui est intitulé « excuse in murder » (excuse au meurtre) et à l’article 98 de ce Code qui est intitulé « fit of fury » (accès de rage). * 14 Manar Hasan, “The politics of Honor: the Patriarchy, the State and the Murder of women in the name (...) 11Un autre aspect qui aboutit à une atténuation des peines concerne l’âge de l’auteur du crime. En effet, l’exécution du crime dans ces deux pays est souvent confiée au plus jeune membre de la famille qui recevra une peine moins grave14, alors que plusieurs membres de la famille sont généralement impliqués dans la préméditation. Après avoir commis le crime, certains meurtriers bénéficient du soutien financier de leur famille. 12Comme le Code pénal ottoman dont il s’inspire, le Code jordanien permet de protéger les pères, les frères ou tout autre parent ayant commis le meurtre de leur proche, suite à un adultère soupçonné ou réel. Subséquemment, l’article 340 permet de libérer les auteurs d’assassinat, ainsi que d’atténuer la peine des meurtriers d’une parente dans le cas d’une « attitude équivoque » de la femme, c’est-à-dire, dans une situation qui peut impliquer l’adultère, comme le fait pour une femme de se retrouver seule avec un homme dans un endroit caché. En effet, cela permet au juge d’interpréter certainscomportements féminins indépendants (par exemple de partir vivre avec son fiancé) comme étant contraires à la « morale ». Le double standard est explicite car cet article n’est appliqué qu’aux femmes adultères, ce qui exclut les crimes commis par les épouses, dans le cas de l’adultère de leur époux. * 15 Lama Abu-Odeh, “Crimes of Honour and the construction of gender in Arab societies”, in Mai Yamani (...) * 16 Ibid., Catherine Warrick, “The vanishing victim: Criminal law and Gender in Jordan”, Law and societ (...) * 17 Nadera Shalhoub-Kevorkian, “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change i (...) * 18 Lama Abu-Odeh, “Crimes of Honour and the Construction of Gender in Arab societies” in Mai Yamani ( (...) * 19 Ibid. 13Mais, l’article 340 n’a pas toujours été la référence ultime dans procès des crimes dits « d’honneur » en Jordanie15. L’article 98 qui traite du vol, de l’assassinat et du viol, est beaucoup plus fréquemment appliqué16, comme c’est aussi le cas enCisjordanie17. Cet article permet d’accorder des allégements après avoir « prouvé » que l’assassinat a été commis par l’auteur dans un état de rage, et que l’assassinat suivait un acte « dangereux » et « injuste » de la part de la victime18. Ainsi, le fait que la victime soit enceinte en dehors du mariage a été qualifié selon les juges d’» agression envers l’honneur de la famille », et la femme apparaît alors comme « un danger » à l’ordre social19. Par conséquent, le père, qui a assassiné sa fille dans un « accès de rage » (condition posée par l’article 98), a bénéficié d’une réduction de peine, conformément à cet article. * 20 Stéphanie Latte Abdallah, Femmes réfugiées palestiniennes, Paris, Presses Universitaires de France (...) 14Jusqu’au début des années 2000, la réponse étatique à ces violences se résumait à l’ouverture de centres de détention pour les femmes menacées, conformément à l’article 7 de la loi pour la prévention des crimes de 1954, qui accorde au gouverneur le droit de placer une femme en prison pour sa propre protection avec des détenues « régulières ». En 1997, vingt-cinq femmes ont été mises en détention provisoire, et en juin 2006, trente femmes l’ont été20. Le viol * 21 Le Nouvel Observateur, 8 novembre 2001 n°1931. « Notre époque. Quand en Jordanie, la « tradition t (...) * 22 Catherine Warrick, “The vanishing victim: Criminal law and Gender in Jordan”, Law and Society Rev (...) 15En Jordanie, comme dans les territoires palestiniens, le viol est souvent considéré comme un « déshonneur » pour la famille. Les jeunes femmes qui ont été violéessont souvent menacées et dans certaines circonstances, elles peuvent être tuées par leurs proches, sous prétexte de rétablir leur « honneur ». C’est le cas d’une jeune fille jordanienne de 16 ans qui a été violée en 1998 par son beau-frère lors de sa visite chez sa sœur. C’est le propre frère de cette jeune fille qui s’est ensuite chargé de l’assassinat de sa sœur avec une arme à feu. Il n’a été condamné qu’à six mois de prison pour ce crime, pour lequel il n’a exprimé aucun regret21. Comme l’explique Catherine Warrick22, les lois mises en place pour réguler ces questions morales et politiques mènent à la disparition des droits des femmes, considérées comme complices du crime dont elles sont victimes. * 23 Articles du Code égyptien 267, 290 et 214, articles 292 du Code pénal jordanien, et l’article 257 (...) 16L’existence de lois sévères punissant le viol et l’inceste par une peine de trois ans jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité, voire la peine de mort23, n’empêche pas l’existence de pratiques traditionnelles de médiation. De telles pratiques tentent de rechercher des solutions afin de ménager les enjeux familiaux, plutôt que de considérer les droits des victimes ; selon cette vision, le viol est perçu comme une atteinte à la réputation de la famille plutôt que comme un crime entraînant de graves dommages physiques et psychologiques chez les victimes. Ainsi, les articles 285 et 286 du Code jordanien, appliqués notamment en Cisjordanie, condamnent l’auteur d’un inceste à cinq ans de prison, mais la plainte doit être déposée par un proche et non par la victime. Cela rend l’application de cette peine peu réalisable du fait des enjeux familiaux en cause, qui peuvent mener à une aggravation des violences subies par la victime. * 24 Nadera Shalhoub-Kevorkian, “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change i (...) * 25 L’article a été aboli par le nouveau Code pénal (abrogé en 2005), mais le mariage du violeur à sa (...) 17Parfois, le droit pénal ainsi que le droit coutumier considèrent le viol comme un enjeu familial, la loi prenant en compte l’argument de « l’honneur de la famille ». Dans ces mécanismes juridiques et sociaux, les droits des victimes disparaissent au profit d’une exigence familiale visant à « sauver la face ». Les besoins des victimes sont alors totalement ignorés, celles-ci étant même souvent contraintes à vivre avec l’agresseur. Le droit coutumier (‘urfi), comme Nadera Shalhoub-Kevorkian l’a démontré concernant les territoires palestiniens, encourage la « médiation ». Dans ces circonstances, la police, en coopération avec les chefs tribaux, considère le mariage avec le violeur comme une solution destinée à rétablir « l’honneur de la famille »24. La loi conforte ces pratiques coutumières : ainsi, l’Égypte jusqu’en 1999 (article 291 du Code pénal de 1937), la Jordanie encore aujourd’hui (article 308 de l’année 1961) et les territoires palestiniens jusqu’en 200525, ont des dispositifs juridiques permettant au criminel d’échapper à la peine dans le cas où il se marie avec sa victime. * 26 Nadera Shalhoub-Kevorkian,. “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change (...) * 27 Fadia Faqir, “Interafamily femicide in defence of honour: the case of Jordan”, Third World Quarte (...) 18L’indulgence des tribunaux vis-à-vis de ces crimes peut aussi être attribuée aux juges qui, souvent, ne mettent pas en question les valeurs sociales patriarcales26 et subissent des pressions sociales venant de la communauté. L’adhésion de certains juges à ces valeurs patriarcales est expliquée par un magistrat jordanien de la Haute cour criminelle, Muhammad ‘Ajarma, par rapport à une logique de renversement des rôles entre les victimes et les coupables. Ainsi, la femme est rendue « coupable » et « complice » de ce crime alors que l’auteur du crime est considéré comme étant « victime » de pressions sociales : « Personne ne veut vraiment tuer son épouse, sa fille ou sa sœur. Mais, parfois, c’est la société qui le force à le faire, parce que les gens n’oublieront pas. Parfois, il y a deux victimes : la victime assassinée et l’assassin »27. * 28 http://www.amanjordan.org/ * 29 Notamment la chaîne qatarienne al-Jazira dans une émission que j’évoquerai par la suite, et égalem (...) 19Toutefois, la conception juridique ne reflète pas complètement l’approche sociale vis-à-vis de ces crimes. Depuis les années 1990, des critiques de plus en plus fortes s’élèvent contre ces violences, et contre les facteurs culturels et juridiques qui permettent leur reproduction. Ces approches alternatives s’expriment surtout dans l’espace associatif féminin et dans les médias, à l’exemple du quotidien anglophone Jordan Times, des sites internet comme le site jordanien Aman28 et des émissions de télévision sur les chaînes satellitaires consacrées à ces questions29. La centralité de la famille dans le débat public sur le Code pénal jordanien * 30 Stefanie Eileen Nanes, “Fighting Honor Crimes: Evidence of Civil Society in Jordan”, Middle East J (...) 20La campagne contre les crimes dits « d’honneur » et pour l’amendement de l’article 340 du Code pénal jordanien a été initiée en 1998 par des associations de femmes, dont l’Union des femmes jordaniennes, des activistes des droits de l’Homme, ainsi que la journaliste Ranâ al-Husaynî et l’avocate Asma Khadr, et le Comité national jordanien pour les femmes présidé par la princesse Basma, sœur du roi Husayn de Jordanie alors décédé. Cette mobilisation illustre la façon dont la société civile et les médias peuvent influencer la politique d’un pays dans lequel la démocratie est limitée par un système politique où les représentants « tribaux » sont majoritaires30. Une lecture de la presse jordanienne et particulièrement du quotidien anglophone Jordan Times permet de décrire l’évolution de la campagne pour l’amendement du Code pénal. Ainsi, dans un article du 22 novembre 1999, les journalistes notent que le ministre de la Justice, poussé par la volonté de la famille royale, a promis d’appliquer les amendements de la loi concernant ces crimes, afin d’assurer l’attribution de peines plus lourdes * 31 Stefanie Eileen Nanes, “Fighting Honor Crimes: Evidence of Civil Society in Jordan”, Middle East Jo (...) * 32 Le Monde a publié plusieurs articles sur les crimes dits « d’honneur » durant cette période dont (...) * 33 Une série d’articles et de reportages ont été réalisés sur ces crimes dans le contexte pakistanais (...) * 34 Qantara, « Les crimes d’honneur en Jordanie ». (Ressource internet). 1^er janvier 2004. Consulté le (...) 21Il faut situer le soutien de la monarchie à cette initiative dans le contexte des intérêts politiques et économiques de l’État jordanien face aux pressions internationales dans lesquelles les médias locaux et occidentaux jouent un rôle central, la monarchie souhaite garder son image démocratique afin de conserver ses relations avec l’Occident31. La couverture médiatique locale de la journaliste Ranâ al-Husaynî a été suivie d’une couverture internationale dont un reportage sur les crimes dits « d’honneur » sur la chaîne américaine CNN, ce qui a attiré l’attention médiatique internationale vis-à-vis de ces violences. S’agissant des meurtres dits « d’honneur », l’opinion publique internationale se focalisait principalement sur le contexte jordanien32 mais aussi sur le contexte pakistanais33. Sur le plan local, Ranâ al-Husaynî, publiait depuis 1994 des rapports sur les décisions des procès relatifs à ces crimes dans le quotidien anglophone Jordan Times, ce qui lui a valu plusieurs prix pour les droits de l’homme en 1998, mais également des critiques de ceux qui craignaient de voir ainsi se ternir l’image de la Jordanie34. * 35 Stefanie Eileen Nanes, “Fighting Honor Crimes: Evidence of Civil Society in Jordan”, Middle East Jo (...) 22En 1999, le Comité indépendant pour la campagne contre les crimes dits « d’honneur » est créé à l’initiative de Ranâ al-Husaynî, du pharmacien Bâsil Burqan, ainsi que de l’avocate Asma Khadr, ancienne présidente de l’Union des femmes jordaniennes. Le comité, composé de douze jeunes Jordaniens issus de la classe moyenne, la plupart d’origine palestinienne, mobilisent d’une façon volontaire le soutien du public à travers une pétition publiée dans la presse locale réclamant l’abolition de l’article 340 du Code pénal. Le quotidien Jordan Times encourage la signature de la pétition, qui, à la fin de la campagne comptait plus de 15 000 signatures35. Un nouveau projet de loi a alors été élaboré et déposé par le comité national des femmes jordaniennes avec le soutien de la princesse Basma. Il proposait de remplacer les lois actuelles par des peines aggravées pour les auteurs de viol suivi d’assassinat, de viol incestueux ou d’enlèvement, ainsi que de pénaliser l’adultère de l’homme et de la femme (de un à trois ans de prison). Cette dernière proposition reflète une volonté de conserver certaines valeurs traditionnelles dans le but d’acquérir la légitimité du public et des députés dont la majorité est conservatrice. 23En 2001, en l’absence du Parlement, ces amendements ont été validés par le vote du Sénat en tant que lois dites « temporaires ». Mais dès la reconstitution du Parlement, ces lois seront rejetées à deux reprises à la quasi unanimité ; un seul député a voté en faveur de cet amendement. Par ailleurs, l’amendement proposé est jugé insatisfaisant par l’Union des femmes jordaniennes, car il s’agit d’amoindrir les allégements de peines prévues par l’article 340 sans toucher à l’article employé le plus fréquemment dans ces crimes (l’article 98), ainsi que d’unifier les peines des auteurs d’un crime conjugal, qu’il s’agisse d’homme ou de femme ayant assassiné leur conjoint/e suite à un adultère. * 36 Jordan Times. 5 août 2003, «Midsummer nightmares». Rana al-Husseini et Dima Hamdan. 24Comme les médias locaux et internationaux l’illustrent, ce projet a suscité de fortes polémiques et a révélé les contradictions de la société jordanienne. Les journalistes Ranâ al- Husaynî et Dîmâ Hamdân36, dans un article concernant le refus des députés jordaniens d’accepter ce projet de loi, exposent le conflit existant entre les courants libéraux jordaniens et les groupes conservateurs. Ces derniers font souvent un amalgame entre les droits des femmes et un « néo-colonialisme occidental ». Ainsi, les journalistes citent les propos du député ‘Abdul Karim Dughmî, qui déclarait que « le projet de loi (pour l’annulation de l’article mentionné) visait la légalisation de l’adultère et la destruction des valeurs islamiques ». De même, les propos de Mahmûd Kharabsha, le rapporteur du comité des affaires légales du Parlement jordanien, exprimait son attachement aux valeurs traditionnelles et sa crainte d’une modernisation de la Jordanie, en énonçant : « Ce projet est un des documents les plus dangereux examinés par le Parlement, parce qu’il concerne nos femmes et notre société, dans l’ombre des menaces de la globalisation ». Le seul député se déclarant pour l’annulation de l’article 340 était Nashât Hamârna, affilié à la gauche, qui affirmait qu’il condamnait fortement le Code pénal actuel. 25Des oppositions à l’amendement de ce Code ont été notamment formulées par le Front d’action islamique, groupe affilié au mouvement panislamique des Frères musulmans, dans le journal jordanien as-Sabîl, le 15 février 2000, dans lequel l’article 340 est identifié comme le gardien des valeurs morales arabes et islamiques. Le terme d’» honneur » est mentionné dans le sens où il s’agit d’une valeur inséparable de l’identité arabe et musulmane qui est lié au comportement sexuel des femmes. En revanche, l’annulation de cet article est assimilée à « la violation des lois divines, l’encouragement de l’adultère, et le massacre du sens islamique de l’honneur » (as-Sabîl, 15 février 2000). * 37 Stéphanie Latte Abdallah, « Politiques de la protection contre les violences », Naqd,n°22/23, Fem (...) 26Cependant, le refus du Front islamique n’a pas été partagé par tous les représentants religieux dont certains, comme ‘Abdul Salâm al-‘Abadi, ministre des Affaires islamiques, qui soutenait l’amendement de la loi actuelle, tout comme Nawâl Fâ‘ûrî affiliée au parti du Front islamique, qui fut nommée plus tard par le gouvernement pour diriger un foyer d’accueil réservé aux femmes menacées37. 27L’argument religieux, comme dans le débat sur la loi du divorce (khul‘) ou sur l’excision en Égypte, a été déployé dans deux sens, afin de soutenir ou de critiquer la loi en question : certains représentants religieux considéraient que les crimes dits « d’honneur » n’ont aucun fondement religieux, alors que d’autres, non seulement des membres du Front islamique, mais également des députés laïcs nationalistes, justifiaient la présence de l’article 340 pour préserver la moralité de la société et une identité arabo-musulmane. * 38 Cette émission a été suivie plus tard par une autre émission sur les crimes dits « d’honneur » dan (...) 28Le conflit entre ces deux tendances a été exposé dans un reportage de la chaîne Qatarienne al-Jazira, consacré au sujet des crimes dits « d’honneur » le 8 décembre 200338, dans le cadre de l’émission « Seulement pour les femmes » (Lil Nissâ’ Faqat) avec la participation d’une députée affiliée au Parti islamique du travail (Hayyât al-Mussama), qui avait refusé l’amendement de l’article 340 du Code pénal jordanien. 29L’émission est introduite par une réaffirmation des valeurs patriarcales, suivie d’un questionnement énoncé timidement par la présentatrice (Lûna ash-Shabal) concernant la légitimité de la valeur de « l’honneur », par une formulation qui démontre les difficultés de contester ce sujet dans une chaîne panarabe dont la réputation est en jeu : « Premièrement, nous voulons affirmer que l’adultère, le déshonneur, le manque de respect à la réputation et l’immoralité, sont des crimes … des crimes qui nuisent, mais … est-ce qu’il est légitime d’exploiter les questions d’honneur pour commettre des crimes qui touchent à la vie d’un être humain ? ». 30Après cette introduction politiquement correcte, la présentatrice donne la parole à la députée jordanienne du Parti islamique du travail (Hayyât al-Mussama), qui monopolise la première partie de l’émission. Refusant d’admettre l’existence des crimes dits « d’honneur » en Jordanie, la députée relie le débat sur ce sujet à « une tentative de ternir l’image de son pays ». Elle justifie son refus d’amender l’article 340 par des arguments sur la stabilité de la famille jordanienne, faisant référence au sens commun pour lequel les valeurs familiales sont primordiales. L’amendement de l’article 340 est perçue par la députée comme une tentative de « briser la famille jordanienne » : « Non seulement les islamiques le disent, mais également d’autres députés jordaniens refusent cet amendement (de l’article 340), parce qu’il protège la famille. À quoi pourrais-je m’attendre, si un mari voit son épouse ou une des femmes de sa famille en situation d’adultère ? Qu'il lui présente des excuses pour l’avoir dérangée ! ». 31La rhétorique de la députée jordanienne repose sur un argument moral et religieux qui condamne l’adultère comme un crime. La présentatrice qui souhaite garder ce consensus sans toutefois légitimer le meurtre, ne contredit pas cette croyance, mais refuse de légitimer les violences liées à « l’honneur », et fait appel au référent religieux coranique. La présentatrice cite alors à son tour des versets coraniques qui interdisent le meurtre d’un être humain. Ce défi est suivi d’une confrontation intense autour de l’interprétation coranique de l’adultère, révélant ainsi l’hégémonie de la religion comme fondement moral et légal. * 39 Le Coran (al-Qur'ân) (traduit de l’arabe), Régis Blachère, Paris, M. Besson, 1957. Sourate IV, ve (...) 32En revanche, ce débat révèle l’enjeu politique autour des différentes façons de « lire » les textes religieux. Même si la députée présente des arguments « religieux », la crédibilité de son discours est mise en question par la même référence, lorsque la présentatrice cite les versets de la sourate coranique al-nûr (« la lumière ») qui exige le témoignage de quatre témoins masculins pour punir l’adultère, ce qui rend le châtiment de l’adultère quasiment impossible39. Ensuite, le discours de la députée a été critiqué par la journaliste et activiste Ranâ al-Husaynî, qui intervient lors de l’émission par un appel téléphonique. En tant que membre fondatrice du Comité jordanien contre les crimes dits « d’honneur », Ranâal-Husaynî, exprime son regret face à ce qu’elle appelle la « trahison des députés femmes jordaniennes » : « Malheureusement, ce qui est encore plus inquiétant, c’est que deux députées ont refusé l’amendement et que deux autres ont manqué la séance du Parlement… J’espère qu’une de mes sœurs députées qui se trouve actuellement dans votre studio va réfléchir de manière nouvelle à ces lois, car nous ne cherchons pas à détruire la famille, mais au contraire, nous voulons l’améliorer ». * 40 Stéphanie Latte Abdallah, « Le débat sur la criminalité liée à l’honneur en Jordanie : le genre c (...) * 41 La deuxième Intifada renvoie aux événements ayant marqué le soulèvement des Palestiniens à partir (...) 33Comme le montre le débat sur ces crimes dans cette émission, la lutte contre les crimes dits « d’honneur » dans le contexte jordanien comme dans d’autres pays au Moyen-Orient, est loin d’être terminée. En Jordanie, l’émergence d’un débat politique et social concernant ce sujet « tabou », a été vite modérée par le double refus des députés du Parlement jordanien d’abroger l’article 340 permettant l’acquittement des auteurs des crimes dits « d’honneur », article qui est notamment appliqué dans le système judiciaire palestinien. L’oubli momentané de ce débat sur l’article 340 en Jordanie est attribué par Stéphanie Latte Abdallah40 à la détérioration de la situation politique dans les territoires palestiniens durant la deuxième Intifada41. * 42 Stéphanie Latte Abdallah, « Le débat sur la criminalité liée à l'honneur en Jordanie : le genre c (...) 34Néanmoins, depuis 1998, le gouvernement jordanien tente, sous l’influence du ministère des Affaires sociales de trouver des solutions pour assurer la protection des femmes menacées de violence. Répondant à l’absence d’institutions d’accueil pour les femmes en danger, en 1998, le gouvernement élabore un nouveau projet pour la fondation d’un centre d’hébergement pour les femmes, financé par des organismes européens. La nomination d’une femme d’orientation politique islamique à la tête de ce centre, Nawâl al-Fâ‘ûrî, est considérée par Stéphanie Latte Abdallah42 comme un choix politique délibéré du gouvernement de contrôler l’action du mouvement laïc de l’Union des femmes jordaniennes. La loi récente 48/2004 prévoit par ailleurs de rechercher des solutions étatiques pour la protection des femmes. * 43 Loi 6 (2008), signée par le roi et les ministres le 5 février 2008, suite à l’acceptation des déput (...) * 44 Aman (site d’information jordanien). « La loi sur la violence familiale agit sur la victime et le (...) 35Ces évolutions révèlent l’influence des associations de femmes jordaniennes qui ont réussi à faire passer un nouveau projet de loi contre les violences familiales – présenté par l’avocate et activiste Asma Khadr – qui a été adopté par le gouvernement en janvier 200843. Ce projet, accepté par le Parlement44 représente une prise de conscience vis-à-vis du caractère particulier des violences faites aux femmes. Au-delà de la détention des auteurs de violences conjugales – d’un mois à six mois de prison dans le cas de récidive en plus d’amendes – et de dispositifs juridiques qui visent à renforcer l’efficacité et la rapidité de l’activité policière sur le terrain, le projet de loi veut favoriser la création de comités de conciliation familiale, ainsi que la sensibilisation des agents socio-médicaux et des agents de police. Enfin, le projet prévoit une formation pour les auteurs de violences, afin qu’ils prennent conscience de la gravité de leurs crimes. Ces dispositifs devront être établis dans le respect des Codes actuels – y compris du Code pénal qui n’a pas été amendé – et sont pris en charge par le ministère du Développement dirigé par la ministre Hâla Latûf. 36On remarque également une détermination de certains représentants du système juridique d’appliquer des peines dissuasives, comme l’indique la déclaration du procureur général ‘Abdullat qui affirme avoir l’intention de reconsidérer les jugements relatifs aux crimes dits « d’honneur » ayant abouti à une peine de trois mois à sept ans (Jordan Times, 4 janvier 2008). Soulignons que cette prise de conscience difficilement acquise et toujours partielle est le fruit d’une résistance des associations de femmes jordaniennes contre l’idéologie familiale traditionnelle. 37De la même manière, le débat sur cette question dans les territoires palestiniens est principalement mené par les ONG de femmes palestiniennes qui investissent le terrain, en coopérant avec les ONG régionales dans des circonstances de conflit et de guerre que nous préciserons par la suite. Les associations de femmes palestiniennes face à la loi tribale et un système juridique contesté dans un contexte de conflit et de guerre 38Comme en Jordanie, l’évolution du Code pénal palestinien témoigne d’enjeux politiques importants autour de la sexualité féminine et « l’honneur » dans un contexte de lutte pour l’indépendance et pour la légitimation du nouveau système légal palestinien. L’ambiguïté du cas palestinien se retrouve dans les processus historiques et politiques actuels, qui ont mené à la fragmentation du système juridique : il est dérivé en Cisjordanie de la juridiction jordanienne, alors que le système légal à Gaza se base sur la juridiction égyptienne, et que le système à Jérusalem dépend de la juridiction israélienne depuis 1976. Au-delà de la fragmentation territoriale, la loi est un produit des évolutions historiques et politiques, dans la mesure où plusieurs pouvoirs politiques se sont succédés : les Ottomans (1517-1917), le mandat britannique (1917-1948) et l’État israélien après 1948. La fragilité du système juridique est accentuée par le contrôle de l’armée israélienne en certaines zones (comme Hébron) et par une politique de séparation entre les différents territoires palestiniens, à travers le mur de séparation. * 45 Nadera Shalhoub-Kevorkian, “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change (...) 39Suite à la fragmentation territoriale et au contrôle du système juridique par les différents occupants historiques du territoire palestinien, le système juridique palestinien ne bénéficie pas de la légitimation populaire des Palestiniens qui tendent à recourir au droit coutumier lorsque cela est possible45. En revanche, les violences faites aux femmes étant considérées comme un « problème » familial, les familles tentent de les résoudre au moyen de pratiques de « médiation » et de conciliation, qui ont lieu le plus souvent au détriment de la victime. Le Code pénal palestinien * 46 Ibid., p. 587. 40Le Code pénal palestinien se fonde sur les décisions des Cours de cassation jordanienne et égyptienne. Les articles invoqués sont rarement l’article jordanien 340 qui fait l’objet de controverses et de critiques par les activistes jordaniens. Les allégements de peine du meurtrier sont accordés à partir de l’article 98 qui exige que l’auteur du crime soit en « accès de rage », suite à un acte perçu comme « dangereux » de la part de la victime. D’autre part, le « pardon » de la famille de la victime constitue également une circonstance atténuante selon les articles 99 et 10046. À Gaza, le Code pénal égyptien permet d’alléger les peines d’un homme ayant tué son épouse en situation d’adultère, alors que l’article 340 du Code jordanien appliqué en Cisjordanie élargit ces allégements à tout membre de la famille de la victime qui est complice du crime. * 47 Ibid. * 48 Ibid., p. 593. 41Dans une étude du traitement légal de six crimes dits « d’honneur » en Cisjordanie, Nadera Shalhoub-Kevorkian47 démontre que l’usage répétitif de ces articles et la domination des valeurs hégémoniques patriarcales aboutissent à nier les victimes et à blanchir les auteurs de ces crimes. L’influence des valeurs patriarcales se reflète notamment dans la terminologie en usage chez les juges, qui font référence à des termes qui soulignent l’importance de « l’honneur » et de la virginité. Ainsi, certains juges évoquent le fait que la victime « n’est pas honorable », ou « est endommagée ». Alors que selon la loi jordanienne en vigueur en Cisjordanie, le procureur doit assumer les tâches d’investigation, interroger les accusés et les témoins, présenter des preuves devant le tribunal et demander la sentence maximale attribuée par la loi s’agissant des crimes dits « d’honneur », Nadera Shalhoub-Kevorkian a démontré que les procureurs manifestent une complaisance envers les auteurs des crimes. Dans les six procès étudiés, les procureurs n’ont pas rassemblé de preuves, ils n’ont pas présenté de témoignages des personnes qui pouvaient apporter des éléments en faveur de la victime, et ils ont suggéré l’usage de circonstances atténuantes pour l’assassin (selon l’article 98)48. * 49 Ibid., p. 595. 42En Jordanie, les victimes, dont la voix n’a pas été représentée au tribunal sont rendues coupables ; comme l’affirme un juge en Cisjordanie : « Lorsqu’un homme tue un autre homme durant la guerre, cela n’est pas considéré comme un crime, mais de l’héroïsme. Lorsqu’une femme viole le code socioculturel le plus sacré, elle se met en situation de guerre…, et l’auteur n’est pas considéré comme un criminel »49. 43Les conclusions des juges, comme celles de la police, sont influencées par la communauté qui tente de faire pression sur les juges afin d’obtenir des peines allégées, influence qui est aussi exacerbée par l’intervention de responsables locaux et des notables. Ceux-ci tentent par ailleurs une médiation entre les familles, en privilégiant les intérêts patriarcaux. Ces notables justifient leur engagement par rapport aux lois de régulation jordanienne (la loi de 1954 contre les crimes), qui leur donnent certains pouvoirs pour prévenir les crimes. * 50 Ainsi, à Hébron, ville palestinienne de Cisjordanie toujours contrôlée par l’armée israélienne, l (...) 44La police palestinienne, dont le pouvoir est limité par la politique israélienne50, coopère souvent avec les chefs locaux afin de trouver une solution satisfaisante du point de vue des familles des jeunes femmes violées. Au-delà des pratiques de médiation, la police symbolise le regard criminalisant de la société en effectuant des contrôles de virginité sur des jeunes filles en danger, ou sur le corps de victimes des crimes dits « d’honneur ». Les résultats de ces contrôles, qui sont souvent requis par les procureurs, sont alors exposés au tribunal comme une preuve pouvant mener à des circonstances atténuantes en faveur du criminel. * 51 Notamment, une équipe de police de femmes en Cisjordanie n’a pas de mandat pour réagir à ces situ (...) 45Parfois, la police coopère avec des associations de femmes afin de fournir une solution adéquate aux femmes menacées, alors que, dans d’autres cas, ces femmes sont gardées en détention préventive afin d’assurer leur protection51. Le Centre d’aide légale et sociale (WCLAC) en Cisjordanie mène depuis 2005 un projet de formation et de sensibilisation pour les agents de police, afin de leur fournir des outils nécessaires pour protéger les femmes victimes de violence lorsqu’il s’agit par exemple d’envoyer des jeunes filles dans un foyer d’accueil. Mais l’insuffisance du nombre de foyers d’accueil et la situation politique qui rend difficile la liberté de mouvement constituent des entraves à la prévention de ces crimes : un seul foyer d’accueil à Nablus peut accueillir vingt-cinq femmes pour une période de six mois, et cela sans leurs enfants. Un foyer de jeunes filles existe à Bethlehem pour les victimes de violences sexuelles et familiales, et un nouveau foyer de jeunes filles à été ouvert à Jénine, financé par le ministère des Affaires sociales. * 52 Human Rights Watch, A question of security – violence against Palestinian women and girls, novembe (...) 46Comme en Égypte, la politique stricte de ces foyers n’est pas toujours conforme aux intérêts des femmes qui doivent obligatoirement passer des tests sérologiques et des contrôles de virginité et de grossesse. Cela peut sans doute expliquer qu’en 2006, le foyer de Nablus abritait seulement quatre femmes, alors qu’il a la capacité d’en accueillir vingt-cinq. Cette politique moralisatrice impose aux victimes une autre forme de violence, lorsque dans le cas d’un viol, les responsables de ces foyers tentent de marier les jeunes filles avec leur violeur, ou le cas échéant, à un autre homme, considérant que c’est la meilleure solution pour les femmes et pour leur famille52. La société civile et les institutions étatiques palestiniennes face aux violences faites aux femmes 47Comme dans le cas jordanien, les crimes et les violences faites aux femmes dans les territoires palestiniens ne bénéficient pas d’un soutien social absolu. Les associations de femmes, des activistes des ONG locales et internationales dont le WCLAC de Cisjordanie et le mouvement de femmes palestiniennes travailleuses, militent contre ces crimes en coopérant avec les médias, en organisant des colloques et des conférences, ainsi qu’en mettant en œuvre des actions politiques fondées notamment sur la loi. * 53 Women’s Center for Legal Aid and Counselling–Cisjordanie et Jérusalem. * 54 Women’s Affairs Technical Committee. Cette coalition, crééedans le but de s’assurer que les droit (...) * 55 Par exemple, TV Al Quds Education, Radio Sawt Falastîn et TV Palestine. 48En parallèle, des initiatives locales et régionales sont réalisées pour améliorer les droits des femmes au Proche-Orient. Dans les territoires palestiniens, les activistes et les associations de femmes, dont le Centre pour le soutien légal des femmes (WCLAC)53 et le Comité technique pour les affaires féminines (WATC54) proposent de nouveaux projets de lois abolissant les dispositifs juridiques permettant l’acquittement et l’allégement de peine des auteurs des crimes dits « d’honneur ». Le WCLAC coopère étroitement avec le centre palestinien des médias ainsi qu’avec d’autres médias55 pour sensibiliser l’opinion publique au sujet des lois discriminatoires aux femmes. * 56 L’IWC était fondé en 2005 avec le soutien de l’UNIFEM (Fonds des nations unies pour le développeme (...) * 57 Abréviation pour United Nations Development Fund for Women. 49Le WATC est une coalition non-gouvernementale, fondée en 1992 par trois comités de femmes palestiniennes. Il a été dirigé au départ par Zahîra Kamâl, ancienne membre de l’organisation des femmes travailleuses, affiliée à la FIDA (Union démocratique palestinienne), et membre de la Commission internationale des femmes palestiniennes et israéliennes (IWC)56. En plus des objectifs visant à renforcer le rôle politique et social des femmes et d’éliminer les discriminations fondées sur le genre, l’objectif déclaré du WATC est d’influencer activement le processus législatif en faveur des droits des femmes, par exemple en revenant sur la loi qui obligeait toute femme à avoir préalablement l’accord de son mari ou de son père pour obtenir un passeport. D’autres activités sous l’égide de l’organisme international qu’est l’UNIFEM (Fonds des nations unies pour les femmes)57, consistait à mener une campagne contre la violence par le biais des médias et d’activités culturelles et artistiques (« a life free of violence » : « une vie sans violence »). * 58 Constitution of the State of Palestine. Third Draft, 7 March 2003, revised in March 25, 2003. 50L’influence du WATC sur la fondation d’un système juridique palestinien s’est reflétée dans l’intégration des dispositions sur l’égalité de genre, tout d’abord dans la déclaration d’indépendance de 1998, et ensuite dans les documents préparatoires de la Constitution palestinienne. Dansces documents, l’égalité entre les sexes est affirmée (article 8 et article 19) et assurée par des recommandations pour promouvoir l’égalité de genre, dans les articles 22 et 23. L’article 22 dispose que les femmes ont les mêmes droits, libertés et devoirs que les hommes, notamment en ce qui concerne l’héritage. L’article 23 affirme le droit des femmes à participer activement dans les domaines sociaux, politiques, culturels et économiques. Selon cet article, la loi doit abolir les pratiques contraires à ce principe et sanctionner toute violation de ces droits58. * 59 Asma Khadr, La loi et l’avenir des femmes, Jérusalem, Women’s Center for Legal Aid and Counselling (...) 51Le projet de « Parlement modèle » démontre l’activisme des associations palestiniennes qui ont su s’imposer dans le processus législatif : en 1998, après la constitution du premier Conseil législatif, les mouvements de femmes ont organisé des réunions informelles afin d’examiner les projets de lois existants et proposer de nouveaux projets de lois avec pour objectif d’amender les lois discriminatoires à l’égard des femmes. Un des documents qui a guidé le « Parlement modèle » est « la loi et le futur de la femme »59. Ce texte a été rédigé par Asma Khadr, avocate jordanienne d’origine palestinienne ; elle a été porte-parole du gouvernement jordanien et est aujourd’hui directrice du Mouvement national jordanien ainsi que coordinatrice de l’ONG pour les droits des femmes Sisterhood is a global Institute (« la solidarité féminine est une entreprise globale »). Le document demandait l’unification du Code de la famille, l’encouragement de la participation politique des femmes et l’amendement d’articles discriminatoires à l’égard des femmes comme ceux relatifs à l’héritage. En revanche, les membres du « Parlement modèle » ont proposé de ne pas définir l’adultère comme un crime, mais seulement comme une raison valable de divorce pour le mari. Les références justifiant ces amendements se fondent aussi biensur la loi musulmane ou Shâri‘a que sur la Déclaration universelle des droits de l’homme. 52Les femmes activistes qui ont mené ce projet ont été vivement critiquées par certains représentants religieux de Cisjordanie, qui ont contesté le droit des citoyens et particulièrement des femmes de mettre en question les aspects fondamentaux de la religion et de la loi. Ces critiques ont été reprises par la presse locale qui a publié un document contestant l’initiative du « Parlement modèle », intitulé « La femme arabe et la conspiration de la femme laïque ». Au-delà des amendements du Code de la famille, ces critiques concernaient les amendements du Code pénal concernant le contrôle de la sexualité féminine et l’adultère (zinâ). 53Depuis les élections législatives de 2006 où le parti islamique du Hamas a conquis le pouvoir législatif avec 74 représentants sur un total de 132, on constate une aggravation permanente de la situation politique intérieure et extérieure, due également à la politique militaire israélienne, aux conflits internes, ainsi qu’à l’arrêt de l’assistance internationale. La question des violences faites aux femmes, qui a acquis une certaine visibilité suite à l’action des ONG et du WATC, est plus difficile à évoquer dans une situation politique dans laquelle la violence est quotidienne. Malgré l’action continue des ONG locales et internationales pour sensibiliser le public à ces problèmes, les changements politiques, le conflit israélo-palestinien, ainsi que les divisions politiques intérieures entre les deux partis dominants, empêchent l’élaboration d’une politique cohérente contre les violences faites aux femmes. Certaines activistes comme Samia Bamyâ témoignent d’un pessimisme et d’un recul dans les activités des associations de femmes dont le WATC : « Auparavant, notre stratégie visait l’Autorité palestinienne et toutes les institutions. Dans le domaine de la législation – où les femmes avaient mené un travail important – nous avons décidé que, contrairement aux périodes précédentes, nous ne présenterions pas de nouveaux projets de loi, nous tenant prêtes, s’il y avait des projets contraires aux intérêts des femmes, à peser dans le débat pour empêcher toute régression. Il s’agit d’une stratégie plus préventive qu’offensive afin de ne pas perdre ce que nous avons acquis ». * 60 Jeannette Blom, Entretien avec Zahira Kamal. Nous ne sommes pas au programme des hommes. Newslett (...) 54L’ancienne ministre des Affaires féminines (2003-2006), Zahîra Kamâl, membre d’associations de femmes, active dans un parti politique « modéré » (Fédération démocratique palestinienne) a condamné catégoriquement les crimes dits « d’honneur ». Durant son mandat, le ministère des Affaires féminines a publié un communiqué de presse qui condamne ces crimes et qui appelle à amender le Code pénal attribuant des allégements de peine aux auteurs des crimes dits « d’honneur ». Il s’agissait aussi de mener des enquêtes approfondies sur ces crimes et de proposer un projet de loi, avec la coopération du ministère de l’Intérieur, dont l’objectif étaitla protection des femmes60. Cependant, les projets de lois pour le Code de statut personnel et le Code pénal élaborés par les associations comme WCLAC, avec le soutien d’avocats comme Asma Khadrn’ont pas été pris en compte par le premier Conseil législatif élu en 1996. * 61 Al-Hayyât Al-Jadida. « Dans une rencontre avec la ministre des Affaires des femmes Syam : nous app (...) * 62 Amin (site palestinien d’informations sur internet), Inauguration d’une campagne contre la violenc (...) 55Bien que la politique menée par la ministre Maryam Sâlah (2006-2007) d’orientation conservatrice islamique, diffère de celle qui la précède, elle a déclaré à plusieurs reprises la nécessité d’un dialogue avec les associations de la société civile et la prise en compte de différentes sources de législation, y compris islamique, pour amender le Code pénal, afin d’aggraver les peines des auteurs des crimes dits « d’honneur »61. Dans la même ligne que ses prédécesseurs, lors d’une conférence de presse sur les crimes dits « d’honneur » – « l’assassinat des femmes : à qui la responsabilité ?62» –, la ministre actuelle Khulûd D‘aibes Abû Dayyahdu parti du Fatah, évoquait la nécessité de l’adoption d’une série de mesures concernant l’amendement du Code pénal et la création d’un projet de loi pour la protection des femmes, suivies de la mise en œuvre de mesures pour la prévention de ces violences. Le débat sur le nouveau projet de Code pénal palestinien (2003) * 63 Les articles gagnants et d’autres articles présentés au concours sont publiés dans l’ouvrage suiva (...) 56Le nouveau projet d’unification de la loi pénale promulgué par le Conseil législatif en avril 2003 – dont la mise en œuvre a été retardée – a provoqué un débat public dans lequel les défenseurs des droits des femmes s’opposent aux représentants islamistes. L’importance de ce débat qui engage les associations de femmes et les médias se reflète notamment dans l’initiative du WCLAC aux femmes de Cisjordanie d’organiser en 2005 un concours d’articles de journalistes concernant les discriminations contre les femmes dans le Code pénal palestinien, surtout en ce qui concerne les allégements des peines des auteurs de crimes dits « d’honneur »63. 57Le débat sur ce Code s’avère déterminant, car les deux partis opposés, fondamentalistes religieux d’un côté et partis modérés de l’autre, souhaitent à travers ce projet imposer une vision différente de la société palestinienne et des femmes palestiniennes. 58D’une part, les fondamentalistes souhaitent un État fondé sur une vision puritaine de la religion. Bien que présentes sur le plan économique et politique dans le parti du Hamas, les femmes, selon cette vision, doivent conserver et perpétuer leur rôle traditionnel au sein de la famille. D’autre part, les associations de femmes palestiniennes définissent leur lutte pour les droits des femmes comme inséparable de la lutte pour un État palestinien indépendant et démocratique fondé sur la suprématie de la loi. Ces associations fondent leurs demandes d’égalité de genre sur deux sources qu’elles s’efforcent de concilier, malgré les contradictions apparentes : la loi musulmane ou Sharî‘a et les conventions internationales sur les droits humains, comme la Convention pour l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes (CEDAW). * 64 Sawt an-Nissa’ (la voix des femmes), La femme dans le projet du code pénal palestinien. Ali Abou (...) * 65 L’alinéa 1 de l’article 235 attribue un allégement de peine à celui qui a assassiné son épouseapr (...) 59On remarque dans ce nouveau projet de Code pénal (2003), l’influence des législateurs égyptiens et jordaniens qui ont coopéré dans le processus législatif. Suivant l’initiative jordanienne d’amender l’article 340 du Code pénal – amendement qui n’est toujours pas validé par le Parlement jordanien –, les législateurs palestiniens ont tenté « d’élargir » la réduction de peine dans le cas d’un crime conjugal pour le motif d’adultère, afin qu’elle soit appliquée également aux femmes auteurs de crime conjugal : l’article 235 du nouveau Code pénal palestinien attribue un allégement de peine, allant jusqu’à un an de prison, à un homme ou à une femme ayant tué son conjoint après l’avoir vu dans une situation adultérine64. Ce dispositif contient néanmoins une discrimination qui se rapporte au lieu du crime : s’agissant de l’assassinat du mari, la femme n’est excusée que si l’adultère de son époux s’est produit dans le domicile conjugal. Par contre, cette condition n’est pas précisée pour l’assassinat de la femme adultère par son époux, ce qui signifie que le mari bénéficie de l’allégement quel que soit le lieu du crime conjugal. Pour cette raison le Code a été contesté par les associations de femmes65. 60Cependant, le projet palestinien comporte plusieurs avancées par rapport au Code jordanien. En premier lieu, l’article hérité du Code jordanien se rapportant aux crimes dits « d’honneur » (article 340) a été aboli, soulignant l’influence de l’engagement des associations de femmes palestiniennes contre ce dispositif. En deuxième lieu, le projet de Code pénal palestinien se rapproche plutôt du système pénal égyptien qui attribue l’allégement aux époux, mais non aux proches de la victime. Par contre, le Code jordanien, même après l’amendement proposé, attribue l’allégement aux crimes commis sur des femmes ayant un lien de parenté avec l’auteur du crime (sœur, cousine …). L’amendement du Code palestinien indique donc la volonté du législateur de délégitimer les crimes dits « d’honneur ». 61On peut affirmer néanmoins que le contrôle familial est remplacé par un contrôle étatique accru sur la sexualité des hommes et des femmes. Ainsi, le projet de loi palestinien élève la peine prévue contre l’adultère (zinâ) de l’époux ou de l’épouse. Le projet prévoit jusqu’à cinq ans de prison pour les époux, homme ou femme, engagés dans une relation en dehors du système matrimonial, à condition que l’adultère soit prouvé par le témoignage de quatre témoins masculins, ou le témoignage des personnes concernées, ou par la présence policière à l’endroit même où a eu lieu l’adultère. 62D’autre part, la volonté d’éradiquer les viols et particulièrement l’inceste se manifeste par l’aggravation des peines prévues contre ces délits : alors que le Code jordanien appliqué en Cisjordanie (article 292) prévoit cinq ans de prison dans le cas de viol, le projet de loi palestinien augmente cette peine de trois à quinze ans, tandis que les auteurs d’inceste sont punis d’une peine à perpétuité (article 257-259). 63En revanche, on remarque la criminalisation des comportements sexuels « subversifs » lorsque la sexualité en dehors du mariage est considérée comme un crime contre l’ordre social. Ainsi, l’article 258 punit les hommes et les femmes engagés dans une relation sexuelle en dehors du mariage d’une peine de prison dont la durée varie entre une semaine et trois ans. L’origine de ce dispositif comme celui punissant l’adultère se rapporte à la référence religieuse coranique. L’article 278 du projet suit ces prescriptions en exigeant le témoignage de quatre témoins masculins, ou la confession d’une des personnes concernées, ou une preuve écrite. Il faut noter que les conditions réunies pour appliquer ces peines, comme précisées dans le Coran pour le châtiment originel de la flagellation, rendent l’application de cette peine difficile. Cependant, même si ces dispositions ne sont pas appliquées, leur présence dans le Code pénal témoigne d’une volonté de limiter la liberté sexuelle, en particulier pour les femmes. * 66 Saed Abu Farha, « Dans le contexte de recrudescence d’assassinats des femmes, et l’ancienneté de (...) 64La condamnation de la prostitution comme un crime fait l’objet d’une section intitulée « la débauche et l’immoralité » (al-baghâ wa fasad al-akhlaq). Elle attribue des peines lourdes contre les femmes engagées dans la prostitution, sans inclure les personnes qui engagent leurs services. Les articles 372-562 du projet de loi punissent d’une façon unilatérale toute femme qui exerce cette « débauche » (al-baghâ) de sa propre volonté, à sept ans de prison et à une amende de 5 000 dinars, de même que toute personne responsable de réseaux de prostitution. Mais aucune loi ne prévoit une peine similaire pour les hommes engagés dans la prostitutionou pour les hommes qui font appel à des prostituées. L’absence de ces dispositions a provoqué des critiques provenant d’associations de femmes dont le WCLAC qui a proposé d’inclure des articles pour punir les clients des prostituées et aggraver la peine des responsables d’exploitation sexuelle à une peine de perpétuité, lorsqu’il s’agit de membres de la famille de la personne exploitée. L’avocate Sanâ ‘Arnaki, conseillère légale au ministère des Affaires féminines, a critiqué ce dispositif dans un entretien : « Il n’y a aucun doute que la femme ne pratique pas la prostitution avec elle-même mais avec un homme, il s’ensuit que l’absence d’article qui criminalise son partenaire est une preuve flagrante de discrimination dans le projet de loi »66. 65Ce projet révèle donc une situation contradictoire concernant les violences faites aux femmes : alors que ce projet soustrait les dispositions du Code jordanien relatives aux crimes dits « d’honneur » et aggrave les peines de viols et d’inceste contre les femmes, il tente de réduire la liberté sexuelle des femmes et des hommes. L’existence d’un double standard concernant la sexualité, qui apparaît clairement à travers la pratique du contrôle de la virginité, suppose que la transgression sexuelle féminine est moins tolérée que la transgression sexuelle masculine, moins probable du fait de la liberté sexuelle accordée à l’homme dans les prescriptions religieuses. Cette inégalité se reflète également dans les dispositions sur la « débauche et l’immoralité », lorsque la définition de l’immoralité est unilatérale puisque seule la femme est condamnée et non son partenaire. * 67 Khalil Shahin (ed), Les discriminations contre les femmes dans le code pénal palestinien, articles (...) 66Contrarié par ce Code, le ministère des Affaires féminines a coopéré avec des associations pour le droit des femmes afin de proposer un projet de loi alternatif au Conseil législatif, mais celui-ci n’a pas tenu compte de ses propositions. Les critiques principales formulées par le ministère et les associations de femmes visaient les articles concernant la prostitution, l’adultère comme circonstance atténuante du crime conjugal, ainsi que la condamnation de l’adultère comme crime. Amjad Zidât, directeur du département pour l’observation des législations relatives au genre, au sein du ministère des Affaires féminines en 2005, témoigne des difficultés de promouvoir les projets et les amendements proposés par le ministère : « Depuis la création du ministère à la fin de 2003, nous œuvrons de toutes nos forces pour amender le projet de loi pénale, mais nous étions confrontés, et nous le sommes toujours, à la mentalité patriarcale du premier conseil législatif et à son refus d’accepter tout amendement qui est en dehors de la religion »67. Conclusion 67Dans cet article, on a pu constater la contribution des associations jordaniennes et palestiniennes au débat sur les violences faites aux femmes et particulièrement celles visant la sexualité féminine, comme les crimes dits « d’honneur », le harcèlement sexuel, le viol. Dans ces deux contextes, on remarque la contribution de la solidarité régionale entre les associations de femmes et les activistes au débat sur les violences fondées sur le genre. Des initiatives régionales soutenues par des organismes internationaux ont entrainé un débat visant à changer l’approche juridique des violences faites aux femmes. Ainsi, la coopération des réseaux (comme Salma), d’activistes et des membres de la famille royale, dans le contexte jordanien, ont contribué à l’adoption du projet de loi contre les violences domestiques, validé en janvier 2008. Ce projet est en cours de débat dans le contexte palestinien, à cause d’un contexte politique moins favorable à ces revendications. Dans le cas palestinien, l’identification de la cause féministe avec la cause nationale a contribué au renforcement des associations de femmes. Mais, après avoir acquis certains droits et une légitimité politique, la cause des violences faites aux femmes semble délégitimée en raison de la situation politique détériorée, du conflit israélo-palestinien, et des rivalités entre les deux partis dominants dans les territoires palestiniens que sont le Hamas et le Fatah. * 68 Lors d’une rencontre de ce réseau à Aman en juin 2007. Ce projet a été réalisé dans le cadre du p (...) * 69 An-Nadîm est une association pour les femmes victimes d’abus sexuels. Sa directrice, ‘Ayda Sayf ad (...) * 70 Shurûq Al-Aqrabawi, Des débats échauffés sur la loi contre la violence faite aux femmes. Aman (si (...) 68La lutte contre les articles relatifs aux crimes dits « d’honneur », en Jordanie comme dans les territoires palestiniens, semble être périlleuse. L’importance accordée à « l’honneur » et aux valeurs familiales traditionnelles représente un obstacle à l’amendement de ces articles. Reste à savoir si les débats actuels et les efforts mis en œuvre par les ONG de femmes pour délégitimer ces valeurs, pourront influencer le processus de législation en cours, sachant qu’en Jordanie, le Parlement devra réexaminer ces lois, en particulierl’article 340 du Code pénal, au cours de l'année 2009. Un tel débat est déterminant pour l’avenir des femmes jordaniennes et palestiniennes. Dans les deux cas, les élus devront choisir entre une société ultra-conservatrice dans laquelle les droits des femmes seront restreints aux domaines économique et éducatif, ou bien une société égalitaire fondée sur l’égalité des sexes dans les sphères privées et publiques. Une réponse partielle à cette question est fournie par ‘Ayda Sayf ad-Dawla68 – ancienne directrice de l’ONG égyptienne Nadîm69 qui s’occupe de la réhabilitation des victimes de violences – au sujet de l’initiative régionale d’établir une loi pour la prévention des violences faites aux femmes, déjà abrogée en Jordanie, et en cours d’examen dans d’autres pays au Moyen-Orient dont l’Égypte et les territoires palestiniens : « Une fois le projet finalisé par le Parlement, il est généralement différent du projet constitué au départ… les complots et les intérêts politiques, religieux et culturels influencent le résultat final… à cause de tout cela notre projet et ses objectifs devraient être clairs, et particulièrement en ce qui concerne le droit des femmes en tant qu’êtres humains, à une vie sans violence et discrimination… Ce projet sera sûrement retardé pendant des années, durant lesquelles il y aura besoin d’un effort dans le monde arabe pour former l’opinion publique afin d’encourager le respect des États à l’égard de leur citoyens et de leur humanité… car lorsque le projet sera promulgué il atteindra nos objectifs, aidé par une opinion publique qui reconnaîtra les souffrances des femmes et leuroppression, et décidé à mettre fin à cette oppression…70». Haut de page Notes 1 Catherine Warrick, “The vanishing victim: Criminal law and Gender in Jordan”. Law and Society Review, 2005. vol. 39, n°2, p. 315-348. 2 Le Fond de population des nations unies (UNFPA) estime à 5 000 par an le nombre de femmes victimes des crimes dits « d’honneur » dans le monde. Bien que le Pakistan et la Jordanie soient principalement visés par l’attention des médias internationaux, ces crimes se produisent parmi des communautés d’origine et de confessions religieuses différentes. Dans le monde arabe et musulman,ces crimes se sont également produits parmi les communautés chrétiennes et druzes au Liban, en Palestine, en Israël. 3 Ce Code a également été appliqué jusqu’à récemment en Espagne, au Portugal, et en Italie. 4 Lama Abu-Odeh, “Crimes of Honour and the construction of gender in Arab societies”. In Mai Yamani, (ed), Feminism and Islam – legal and literary perspective. London, Garnet publishing limited, 1996, p. 144. 5 Ces articles concernent également d’autres pays du Proche-Orient : article 548 en Syrie, article 309 en Irak, article 153 au Koweït, et article 70 à Bahreïn. 6 Nadera Shalhoub-Kevorkian, “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change in the context of State building?” Law and Society Review, 2002. Vol. 36, (3), p. 577-605. 7 Cet article est fondé, en partie, sur ma thèse de doctorat : Du fait divers au débat public : Représentations médiatiques, sociales et politiques actuelles des violences faites aux femmes en Égypte, en Jordanie et dans lesterritoires palestiniens, Thèse dirigée par Monsieur Léon Gani. Soutenue le 3 décembre 2008 à l’Université Paris Descartes, 389 p. 8 Michael Dumper, The future for Palestinian refugees: toward equity and peace, Boulder (Colo.), L. Rienner publ., 2007, 233 p. 9 Stéphanie Latte Abdallah, Femmes réfugiées palestiniennes, Paris, Presses Universitaires de France, 2006, 244 p. 10 Dans cet article, nous nous référons plutôt à la Cisjordanie où le Code pénal est inspiré du Code jordanien (article 340). La loi jordanienne a été appliquée en Cisjordanie, qui était sous contrôle jordanien, alors que Gaza, sous contrôle égyptien, a été influencée par la loi égyptienne. 11 Asma Khadr, La loi et l’avenir des femmes. Jerusalem, Women’s Center for Legal Aid and Counselling (WCLAW), 1998 (en arabe). 80 p. 12 Depuis 2003,le réseau régional nommé « Salma » – qui renvoie à un prénom féminin évoquant la paix – regroupant l’Égypte, la Jordanie, les territoires palestiniens, le Liban et le Maghreb, a élaboré un projet de loi pour la prévention des violences familiales et conjugales, adopté récemment par le Parlement jordanien par la loi 6/2008. Ce projet élaboré par l’avocate et militante des droits des femmes, Asma Khadr, a été soutenu par des activistes féministes dans les territoires palestiniens, ainsi qu’en Égypte. 13 Asma Khadr, La loi et l’avenir des femmes, Jérusalem, Women’s Center for Legal Aid and Counselling (WCLAW), 1998, (en arabe), 80 p. 14 Manar Hasan, “The politics of Honor: the Patriarchy, the State and the Murder of women in the name of ‘family’s honor’”, Journal of Israeli History, 2002, vol. 21, p. 1-37. 15 Lama Abu-Odeh, “Crimes of Honour and the construction of gender in Arab societies”, in Mai Yamani. (ed), Feminism and Islam – legal and literary perspective. London, Garnet publishing limited, 1996, p. 157. 16 Ibid., Catherine Warrick, “The vanishing victim: Criminal law and Gender in Jordan”, Law and society review. 2005, vol. 39, n°2, p. 315-348. 17 Nadera Shalhoub-Kevorkian, “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change in the Context of State Building?”, Law and society review. 2002, vol. 36, (3), p. 577-605. 18 Lama Abu-Odeh, “Crimes of Honour and the Construction of Gender in Arab societies” in Mai Yamani (ed), Feminism and Islam – legal and literary perspective, London, Garnet publishing limited, 1996, p, 158. 19 Ibid. 20 Stéphanie Latte Abdallah, Femmes réfugiées palestiniennes, Paris, Presses Universitaires de France, 2006, 244 p. 21 Le Nouvel Observateur, 8 novembre 2001 n°1931. « Notre époque. Quand en Jordanie, la « tradition tue » le cauchemar du crime d’honneur ». 22 Catherine Warrick, “The vanishing victim: Criminal law and Gender in Jordan”, Law and Society Review. 2005, vol. 39, n°2, p. 315-348. 23 Articles du Code égyptien 267, 290 et 214, articles 292 du Code pénal jordanien, et l’article 257 du nouveau Code pénal palestinien. 24 Nadera Shalhoub-Kevorkian, “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change in the context of State building?”, Law and Society Review, 2002, vol. 36, (3), p. 577-605. 25 L’article a été aboli par le nouveau Code pénal (abrogé en 2005), mais le mariage du violeur à sa victime est néanmoins pratiqué par certaines familles, qui considèrent le sujet comme une « affaire familiale » et qui n’ont donc pas recours à la loi. 26 Nadera Shalhoub-Kevorkian,. “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change in the context of state building?”, Law and Society Review, 2002, vol. 36, (3), p. 577-605. 27 Fadia Faqir, “Interafamily femicide in defence of honour: the case of Jordan”, Third World Quarterly, 2001, vol. 22, n°1, p. 60. 28 http://www.amanjordan.org/ 29 Notamment la chaîne qatarienne al-Jazira dans une émission que j’évoquerai par la suite, et également Qatar TV, LBC (Liban). 30 Stefanie Eileen Nanes, “Fighting Honor Crimes: Evidence of Civil Society in Jordan”, Middle East Journal, 2003, vol. 57, n°1, p. 112-129 ; Stéphanie Latte Abdallah, « Le débat sur la criminalité liée à l'honneur en Jordanie : le genre comme enjeu politique et question sociale », Monde arabe Maghreb-Machrek, n°179, avril-juin 2004, p. 29-45. 31 Stefanie Eileen Nanes, “Fighting Honor Crimes: Evidence of Civil Society in Jordan”, Middle East Journal, 2003, vol. 57, n°1. 32 Le Monde a publié plusieurs articles sur les crimes dits « d’honneur » durant cette période dont : « Le ‘crime d’honneur’ reste légalement toléré en Jordanie - Des dizaines de femmes au comportement ‘immoral’ sont tuées chaque année ». 4 décembre 1999. De Georges Marion (envoyé spécial à Amman) ; « Tuées pour l’honneur » le 4 avril 2001, par Florence Beaugé. 33 Une série d’articles et de reportages ont été réalisés sur ces crimes dans le contexte pakistanais dont celui publié dans le Monde : « Meurtres d’honneur au Pakistan », 21 mars 2002, par Erich Incyan. Et celui publié dans le Figaro : « Tuées au nom de l’honneur des hommes », 24 octobre 2003 par Véronique Boulinguez. 34 Qantara, « Les crimes d’honneur en Jordanie ». (Ressource internet). 1^er janvier 2004. Consulté le 1^er mai 2008. 35 Stefanie Eileen Nanes, “Fighting Honor Crimes: Evidence of Civil Society in Jordan”, Middle East Journal. 2003. vol. 57, n°1, p. 112-129. 36 Jordan Times. 5 août 2003, «Midsummer nightmares». Rana al-Husseini et Dima Hamdan. 37 Stéphanie Latte Abdallah, « Politiques de la protection contre les violences », Naqd,n°22/23, Femmes et Citoyenneté, Automne/hiver 2006, p. 193-212. 38 Cette émission a été suivie plus tard par une autre émission sur les crimes dits « d’honneur » dans la chaîne anglophone al-Jazira. 39 Le Coran (al-Qur'ân) (traduit de l’arabe), Régis Blachère, Paris, M. Besson, 1957. Sourate IV, verset 15-19. 40 Stéphanie Latte Abdallah, « Le débat sur la criminalité liée à l’honneur en Jordanie : le genre comme enjeu politique et question sociale », Monde arabe Maghreb-Machrek, n°179, avril-juin 2004, p. 29-45. 41 La deuxième Intifada renvoie aux événements ayant marqué le soulèvement des Palestiniens à partir de septembre 2000, en référence à la première Intifada déclenchée en 1987. 42 Stéphanie Latte Abdallah, « Le débat sur la criminalité liée à l'honneur en Jordanie : le genre comme enjeu politique et question sociale », Monde arabe Maghreb-Machrek, n°179, avril-juin 2004, p. 29-45. 43 Loi 6 (2008), signée par le roi et les ministres le 5 février 2008, suite à l’acceptation des députés et du sénat, publiée dans le Journal officiel p. 821-828. 44 Aman (site d’information jordanien). « La loi sur la violence familiale agit sur la victime et le criminel : le Parlement jordanien a abrogé la loi dernièrement ». janvier 2008. Munîr Da‘bas, (en arabe). 45 Nadera Shalhoub-Kevorkian, “Femicide and the Palestinian criminal justice system: Seeds of change in the context of state building?”, Law and Society Review, 2002, vol. 36, 3, p. 577-605. 46 Ibid., p. 587. 47 Ibid. 48 Ibid., p. 593. 49 Ibid., p. 595. 50 Ainsi, à Hébron, ville palestinienne de Cisjordanie toujours contrôlée par l’armée israélienne, la police palestinienne ne peut entrer sans la permission de l’armée. 51 Notamment, une équipe de police de femmes en Cisjordanie n’a pas de mandat pour réagir à ces situations. 52 Human Rights Watch, A question of security – violence against Palestinian women and girls, november 2006, vol. 18, n°7(E), 101 p. 53 Women’s Center for Legal Aid and Counselling–Cisjordanie et Jérusalem. 54 Women’s Affairs Technical Committee. Cette coalition, crééedans le but de s’assurer que les droits des femmes soient pris en compte par la nouvelle entité législative palestinienne, est composée actuellement de femmes des six partis politiques principaux, d’associations de femmes, du Centre de recherche sur le genre de l’université de Beir Zeit(Cisjordanie) et des organisations pour les droits de l’homme. 55 Par exemple, TV Al Quds Education, Radio Sawt Falastîn et TV Palestine. 56 L’IWC était fondé en 2005 avec le soutien de l’UNIFEM (Fonds des nations unies pour le développement des femmes). 57 Abréviation pour United Nations Development Fund for Women. 58 Constitution of the State of Palestine. Third Draft, 7 March 2003, revised in March 25, 2003. 59 Asma Khadr, La loi et l’avenir des femmes, Jérusalem, Women’s Center for Legal Aid and Counselling (WCLAW), 1998. En arabe. 80p. 60 Jeannette Blom, Entretien avec Zahira Kamal. Nous ne sommes pas au programme des hommes. Newsletter n°10 de l’Unesco- Secteur des sciences sociales et humaines. Septembre 2005, Lien internet :http://portal.unesco.org/shs/fr/ev.php-URL_ID=10515&URL_DO=DO _PRINTPAGE&URL_SECTION=201.html 61 Al-Hayyât Al-Jadida. « Dans une rencontre avec la ministre des Affaires des femmes Syam : nous appelons les associations civiles et gouvernementales à coopérer avec le ministère pour amender les lois discriminant les femmes », mai 2005, (en arabe). 62 Amin (site palestinien d’informations sur internet), Inauguration d’une campagne contre la violence contre les femmes. Statistiques : une recrudescence des crimes dits « d’honneur », (traduction de l’arabe), juillet 2007, par Tareq Zyâd. 63 Les articles gagnants et d’autres articles présentés au concours sont publiés dans l’ouvrage suivant paru en 2006 : Khalil Shahin (ed), Les discriminations contre les femmes dans le code pénal palestinien. Articles présentés par des journalistes dans le cadre du concours du centre pour le soutien légal et social aux femmes en 2005, 2006, Cisjordanie, WCLAC (Women’s Center for Legal Aid and Counselling). 156 p. 64 Sawt an-Nissa’ (la voix des femmes), La femme dans le projet du code pénal palestinien. Ali Abou Hilal (avocat), Ressource électronique. Palestinian Women’s information and Media center. Disponible sur: http://pwic.org.ps/makal/makal%20104.html (Consulté le 12 mai 2008). 65 L’alinéa 1 de l’article 235 attribue un allégement de peine à celui qui a assassiné son épouseaprès l’avoir surprise en flagrant délit d’adultère quel que soit l’endroit. Contrairement à cet article, l’alinéa 2, qui s’applique au mari adultère, évoque une réduction de peine pour celui-ci seulement si son épouse a été témoin de l’acte d’adultère au domicile conjugal. 66 Saed Abu Farha, « Dans le contexte de recrudescence d’assassinats des femmes, et l’ancienneté de la loi, les observateurs : le projet pénal palestinien est faible et discriminatoire » In : Khalil Shahin (ed), Les discriminations contre les femmes dans le code pénal palestinien, articles présentés par des journalistes dans le cadre du concours du centre pour le soutien légal et social aux femmes en 2005. Cisjordanie : WCLAC (Women’s Center for Legal Aid and Counselling), 2006, (en arabe), p. 37-43. 67 Khalil Shahin (ed), Les discriminations contre les femmes dans le code pénal palestinien, articles présentés par des journalistes dans le cadre du concours du centre pour le soutien légal et social aux femmes en 2005. Cisjordanie ? WCLAC (Women’s Center for Legal Aid and Counselling), 2006, (en arabe) ? 156 p. 68 Lors d’une rencontre de ce réseau à Aman en juin 2007. Ce projet a été réalisé dans le cadre du projet européen « une vie sans violence », financé par la Commission européenne. Aman, La Jordanie : des débats houleux sur la loi contre les violences faites aux femmes, 26 janvier 2007, Ressource électronique. Shurûqal- Aqrabawi. En arabe. 69 An-Nadîm est une association pour les femmes victimes d’abus sexuels. Sa directrice, ‘Ayda Sayf ad-Dawla, est une militante active impliquée dans des différents projets liés aux droits des femmes en Égypte. 70 Shurûq Al-Aqrabawi, Des débats échauffés sur la loi contre la violence faite aux femmes. Aman (site internet d’information, en arabe), juin 2007. Haut de page Pour citer cet article Référence électronique Nisrin Abu Amara, « Régulation juridique et sociale de la criminalité liée à « l’honneur » en Jordanie et dans les territoires palestiniens occupés », Droit et cultures [En ligne], 59 | 2010-1, mis en ligne le 06 juillet 2010, consulté le 24 janvier 2017. URL : http://droitcultures.revues.org/2005 Haut de page Auteur Nisrin Abu Amara Nisrin Abu Amara, post-doctorante, a réalisé plusieurs recherches sur les différents aspects des violences faites aux femmes, dans le contexte de la minorité arabe en Israël et au Moyen-Orient. Sa thèse doctorale porte sur les aspects politiques, sociaux, et médiatiques actuels des violences conjugales et des violences liées à « l’honneur » dans trois pays : l’Égypte, la Jordanie et les territoires palestiniens. Haut de page Droits d'auteur Licence Creative Commons Droits et Culture est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Haut de page Sommaire – Document suivant Navigation Index * Auteurs * Mots-clés * Keywords * Indice de palabras clave * Géographique Numéros en texte intégral * 72 | 2016-2 * 71 | 2016-1 * 70 | 2015-2 * 69 | 2015-1 * 68 | 2014-2 * 67 | 2014-1 * 66 | 2013-2 * 65 | 2013-1 * 64 | 2012-2 * 63 | 2012-1 * 62 | 2011-2 * 61 | 2011-1 * 60 | 2010-2 * 59 | 2010-1 * 58 | 2009-2 * 57 | 2009-1 * 56 | 2008-2 * 55 | 2008-1 * 54 | 2007-2 * 53 | 2007-1 * 52 | 2006-2 * 51 | 2006-1 * 50 | 2005-2 * 48 | 2004-2 Tous les numéros Présentation * Ligne éditoriale * La Rédaction * Association "Droit et cultures" * Recommandations aux auteurs Informations * À propos * Mentions légales et Crédits * Politiques de publication Syndication * RSS Fil des numéros * RSS Fil des documents Lettres d'information * La Lettre de Droit et cultures * La Lettre de Revues.org Affiliations/partenaires * Revues.org ISSN électronique 2109-9421 Plan du site – À propos – Mentions légales et Crédits – Flux de syndication Nous adhérons à Revues.org – Édité avec Lodel – Accès réservé OpenEdition * OpenEdition Books + OpenEdition BooksLivres en sciences humaines et sociales + Livres + Éditeurs + En savoir plus * Revues.org + Revues.orgRevues en sciences humaines et sociales + Les revues + En savoir plus * Calenda + CalendaAnnonces scientifiques + Accéder aux annonces + En savoir plus * Hypothèses + HypothèsesCarnets de recherche + Catalogue des carnets * Lettre & alertes + LettreS'abonner à la Lettre d'OpenEdition + Alertes & abonnementsAccéder au service * OpenEdition Freemium ____________________ (*) dans la revue ( ) dans OpenEdition (BUTTON) Rechercher * Informations + Titre : Droit et Cultures Revue internationale interdisciplinaire En bref : Revue interdisciplinaire dont la réflexion est centrée sur les phénomènes juridiques + Editeur : L’Harmattan Support : Papier et électronique E ISSN : 2109-9421 ISSN imprimé : 0247-9788 + Accès : Open access Freemium + Voir la notice dans le catalogue OpenEdition * DOI / Références + Citer cette référence * * Twitter * Facebook * Google + (BUTTON)